Mais Molière est, de tous ceux qui ont jamais écrit, celui qui a le mieux observé l’homme, sans annoncer qu’il observait; et même il a plus l’air de le savoir par cœur que de l’avoir étudié. […] Deux scènes dont il n’y avait point de modèle, et que lui seul pouvait faire, celle de la brouillerie des deux amants et du valet avec la suivante, annonçaient l’homme qui allait ramener la comédie à son but, à l’imitation de la nature. […] Dimanche est comique, et le morceau sur l’hypocrisie annonçait, dans l’auteur original, l’homme qui devait bientôt faire le Tartufe. […] Le sot entêtement d’Orgon pour Tartufe, les simagrées de dévotion et de zèle du faux dévot, le caractère tranquille et réservé d’Elmire, la fougue impétueuse de son fils Damis, la saine philosophie de son frère Cléante, la gaieté caustique de Dorine, et la liberté familière que lui donne une longue habitude de dire son avis sur tout, la douceur timide de Marianne ; tout ce que la suite de la pièce doit développer, tout, jusqu’à l’amour de Tartufe pour Elmire, est annoncé dans une scène qui est à la fois une exposition, un tableau, une situation.