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136. (1746) Notices des pièces de Molière (1661-1665) [Histoire du théâtre français, tome IX] pp. -369

Mon homme a toutes les peines du monde à croire qu’une femme de bien puisse faire de pareils tours ; mais, pour l’en convaincre mieux, cette honnête dame devient amoureuse du petit page, et veut le prendre à force ; mais comme il faut que justice se fasse, et que, dans une pièce de théâtre, le vice soit puni ou la vertu récompensée, il se trouve à la fin du compte que le capitaine se met à la place du page, couche avec son infidèle, fait cocu son traître ami, lui donne un bon coup d’épée au travers du corps, reprend sa cassette, et épouse son page. […] Tout le monde sait que dans Boccace, une femme, amoureuse d’un jeune homme, trompe son confesseur, et que pensant remplir uniquement les devoirs de son ministère, celui-ci porte au jeune homme des présents, et des billets de sa pénitente ; mais Lope de Vega a substitué au confesseur un vieillard amoureux d’une jeune personne qu’il veut épouser, et dont il ignore que son fils est aimé : elle feint néanmoins de consentir à épouser le père de son amant, et demande seulement pour toute grâce un mois de délai ; ensuite elle prie le vieillard, en qualité de belle-mère future, de faire cesser l’inquiétude que lui causent depuis quelque temps les messages fréquents de son fils. […] « Comme il ne convenait pas de mettre un confesseur sur le théâtre, et que nos mœurs défendaient aussi d’y présenter une femme mariée et amoureuse, comme l’a fait Boccace, Molière a suivi Vega à cet égard ; il a mis sur la scène un vieux tuteur, amoureux de sa pupille, et qui veut l’épouser ; on conçoit aisément la justesse de cette idée, et combien il convenait à l’économie de toute la machine que l’idée imparfaite de Vega fût ainsi renversée. […] Dans la comédie italienne, Pantalon est amoureux d’une jeune fille, dont il attaque vivement la vertu. […] Il ajoute que pour donner plus sûrement à ses remèdes le moyen d’opérer, il a fait accroire à Lucinde qu’il n’était pas un médecin, mais un jeune homme amoureux d’elle, qui sous cet habit venait la demander en mariage ; et que Lucinde ayant ajouté foi à ce discours, la joie avait déjà paru sur son visage ; mais que dans ces commencements, il était important de la confirmer dans son idée, afin d’assurer tout à fait sa guérison.

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