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105. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Vous devriez savoir « qu’il a proportionné les accents de ses chanteurs et de ses chanteuses aux vers et aux rimes du poète », qu’à l’aide de ses airs « se sont insinuées dans le monde les passions les plus décevantes en les rendant encore plus agréables et plus vives » ; que cela peut être charmant, mais qu’en vérité les bonnes mœurs n’ont rien à gagner « à la douceur de cette mélodie ». […] Devéria avait tout à fait l’air de ces enrichis de la Chaussée-d’Antin qui, une fois gros propriétaires, se font nommer membres du conseil général ou de la Chambre des députés. […] Voilà pourquoi vous rencontrerez du vin de Bordeaux sous toutes les latitudes, et voilà pourquoi vous trouverez que la comédie de Marivaux est jouée, et passablement jouée, partout, en Europe, Plus d’une fois nous avons vu revenir de la Russie où elles avaient tout à fait oublié l’accent, le génie et le goût de la comédie de Molière, des actrices intelligentes qui se retrouvaient, très à l’aise, avec l’esprit de Marivaux ; elles le comprenaient à merveille ; elles le disaient avec beaucoup de grâce, et si parfois ces belles dames de la poésie exotique avaient rapporté de leur voyage un certain petit air étranger, ce petit air étranger les servait, loin de leur nuire, et leur donnait je ne sais quelle piquante nouveauté. […] Que de riches dentelles à son bonnet, que de broderies à sa jupe, et que sa robe feuille-morte a bon air ! […] Dans ces airs étudiés avec tant de soin, la dame en adoptait quelques-uns, en rejetait quelques autres : c’étaient de petites façons qu’on aurait pu noter, et apprendre comme on apprend un air de musique.

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