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134. (1746) Notices des pièces de Molière (1658-1660) [Histoire du théâtre français, tome VIII] pp. -397

Ceux qui aiment les talents ne seront pas fâchés que l’on ait fait revivre un acteur qui en possédait beaucoup, et tous dans un degré supérieur. […] Ensuite il fit Le Dépit amoureux, qui valait beaucoup moins que la première, mais qui réussit toutefois, à cause d’une scène qui plut à tout le monde, et qui fut vue comme un tableau naturellement représenté de certains dépits qui prennent souvent à ceux qui s’aiment le mieux ; et après avoir fait jouer ces deux pièces à la campagne, il voulut les faire voir à Paris, où il emmena sa troupe. […] « Après le succès de ces deux pièces, son théâtre commença à se trouver continuellement rempli de gens de qualité, non pas tant pour le divertissement qu’ils y prenaient (car l’on n’y jouait que de vieilles pièces), que parce que le monde ayant pris habitude d’y aller, ceux qui aimaient la compagnie, et qui aimaient à se faire voir, y trouvaient amplement de quoi se contenter : ainsi l’on y venait par coutume, et sans dessein d’écouter la comédie, et sans savoir ce qu’on y jouait. » « [*]Pendant cela notre auteur fit réflexion sur ce qui se passait dans le monde, et surtout parmi les gens de qualité, pour en reconnaître les défauts : mais comme il n’était encore ni assez hardi pour entreprendre une satire, ni assez capable pour en venir à bout, il eut recours aux Italiens ses bons amis, et accommoda les Précieuses au théâtre français, qui avaient été jouées sur le leur, et qui leur avaient été données par un abbé des plus galants*. Il les habilla admirablement bien à la française : et la réussite qu’elles eurent lui fit connaître qu’on aimait la satire et la bagatelle. […] « Notre auteur, ayant derechef connu ce qu’ils aimaient, vit bien qu’il fallait qu’il s’accommodât au temps ; ce qu’il a si bien fait depuis qu’il en a mérité toutes les louanges que l’on a jamais données aux plus grands auteurs.

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