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17. (1901) Molière moraliste pp. 3-32

Qu’il s’agisse d’un père égoïste qui veut marier sa fille contre son gré ; d’un tuteur égoïste qui prétend s’imposer comme époux à sa pupille ; d’un médecin qui fait périr dans les règles ses malades à grand renfort de purges et de saignées ; d’un dévot qui subordonne aux devoirs envers le ciel les sentiments humains et sympathiques, Molière n’a qu’un cri : « Vous offensez la nature. » Dans un siècle où la discipline catholique tendait à régir toutes les consciences, où le dogmatisme, la casuistique, le formalisme, la prétendue tradition encombraient toutes les branches de la science, opprimaient tous les efforts de la pensée, Molière, poursuivant l’œuvre d’une partie des écrivains du xvie  siècle et préludant à celle des philosophes du xviiie  siècle, mais conservant un sens positif de la discipline humaine qui ne se retrouvera guère que, de nos jours, chez Comte et ses disciples, défend hardiment la nature et la raison. […] S’agit-il des lois de l’art dramatique, Dorante niera d’abord qu’il existe d’autre règle que celle de plaire, qu’il n’a cure des écrits d’Aristote et d’Horace, que L’École des femmes, de Molière, est une bonne comédie parce que le public l’a bien accueillie ; puis, ayant ainsi fait acte d’indépendance, il soutiendra qu’en reste la pièce ne pèche contre aucune des règles dont parle M. […] Il n’agira jamais par caprice, mais dans l’intérêt des siens. […] Agissez donc en toute occasion selon votre conscience, le plus honnêtement et le moins maladroitement possible ; l’opinion tiendra compte de vos efforts et des difficultés que vous avez rencontrées. […] Le scandale du monde est ce qui fait l’offense, Et ce n’est pas pécher que pécher en silence… Si nous devons étouffer en nous cette malsaine curiosité qui nous pousse à nous enquérir des malheurs d’autrui afin de les pouvoir conter en tout lieu, et cet instinct de diffamation brutale qui a triomphé depuis, au xixe  siècle et au début du xxe , avec le libre essor du journalisme irresponsable et vénal, il n’en est pas moins vrai que nous devons toujours agir avec franchise et bien vivre.

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