Il la surveillait avec un soin extrême, l’instruisait dans son art, admirait son talent, sa beauté, ses charmes, qui déjà fixaient d’autres regards que les siens. […] C’est ici l’occasion de dire que, pour beaucoup de ses contemporains, il fut admiré surtout comme acteur. […] Quand je la vois, une émotion et des transports qu’on peut sentir, mais qu’on ne saurait exprimer, m’ôtent l’usage de la réflexion; je n’ai plus d’yeux pour ses défauts ; il m’en reste seulement pour ce qu’elle a d’aimable : n’est-ce pas là le dernier point de la folie, et n’admirez-vous pas que tout ce que j’ai de raison ne serve qu’à me faire connaître ma faiblesse, sans en pouvoir triompher ? […] C’est ainsi que Molière, pour mieux faire ressortir leur caractère, nous montre ses personnages au plus terrible ou au plus heureux moment de leur vie : le misanthrope, par exemple, au jour où, contre toute justice, il perd vingt-mille francs, où il lui faut, par un ordre du roi, faire des excuses à Oronte de ne pouvoir pas admirer son sonnet, au jour enfin où il est indignement moqué, trahi par Célimène. […] » Boileau était, dit-on, le seul qui eût ri aux premières représentations de cette pièce, que bientôt après pourtant tout le monde admira.