), avait créé, chez nous, toute une série de mœurs nouvelles, étranges, incroyables, dont les salons du siècle passé ne pouvaient avoir aucune idée, pas plus que nous n’avons l’idée aujourd’hui des salons du vieux Paris, dans lesquels les moralistes ont trouvé les héros de leurs comédies : Alceste, Orgon, Tartuffe et Célimène, M. et madame Jourdain, Sganarelle, Élise, Valère, Marianne ; le distrait Ménalque, Argyre la coquette, Gnathon le glouton, Ruffin le jovial, Antagoras le plaideur, Adraste le libertin et dévot, Tryphile le bel esprit, « bel esprit comme tant d’autres sont charpentiers ou maçons ». […] Elle s’en va, dites adieu, et pour longtemps, aux plus austères chefs-d’œuvre de Molière ; adieu au Misanthrope, dont elle était la Célimène adorée ; à Tartuffe, dont elle était, non pas l’excuse, mais du moins le plus supportable prétexte ! […] Cette représentation, où Marivaux et sa légitime interprète se montraient dans tout leur éclat, pour la dernière fois, fut empreinte de je ne sais quelle fièvre inquiète avec toutes les agitations de la fièvre ; et le public et les comédiens semblaient animés des mêmes regrets ; les comédiens jouaient mal, le public écoutait mal, Tartuffe (on jouait encore Tartuffe !) […] Le drame achevé, mademoiselle Mars revint sous la cornette, sous la robe toute simple, sous les grâces naïves et contenues de Lisette. — Elle avait laissé le velours, les diamants, les dentelles, cette étoffe moelleuse dont s’accommodait maître Tartuffe, toute cette parure extérieure, pour arriver comme on arrive quand on a le regard vif et perçant, la voix fraîche et pure, la taille jeune, la main d’une femme comme-il-faut.