Cependant il est juste de dire qu’il n’a pas dans cette circonstance émis une de ces opinions tout à fait paradoxales que l’on rencontre quelquefois dans ses ouvrages et qui n’ont pas trouvé encore de partisans réfléchis ; car, outre le sage philosophe dont nous rapporterons bientôt la critique, on a vu Fabre d’Églantine, plein de l’idée de Rousseau, travailler sur le plan que celui-ci avait pour ainsi dire tracé. […] Il y a deux choses seulement à reprendre dans cet ouvrage : la première, c’est le style, qui semble d’autant plus faible que le titre de la pièce en rappelle un autre non moins vigoureux et bien plus facile, plus rapide et plus élégant ; la seconde, qui est moins importante il est vrai, c’est ce titre même de Philinte de Molière, titre faux, injurieux envers Molière, puisqu’il est constant que celui-ci avait donné à son Philinte plus d’un trait de son propre caractère, et précisément cette tolérance qui en était l’ornement et qui a excité l’indignation de l’intolérant Rousseau. […] Il est une tâche plus difficile à remplir que celle de réfuter Rousseau, qui, en voulant empêcher de regarder la misanthropie comme un ridicule, était évidemment dirigé par un intérêt personnel, c’est de répondre à un homme dont le goût, non moins pur que son âme, ne porta jamais de faux jugements que contre notre auteur. […] Nous ne demanderons pas avec Rousseau lequel est le plus criminel du manant ou de la coquette, ce n’est point ce dont Molière avait à s’occuper ; nous ferons seulement observer avec La Harpe que la conduite imprudente de celle-ci est peut-être plus faite pour augmenter le nombre des Angéliques, que le sort de celui-là n’est propre à diminuer le nombre des Georges Dandins. […] Les reproches que Rousseau adresse généralement à Molière portent toujours sur des points beaucoup plus graves que le style.