Quand on entend cet excellent dialogue entre Alceste et Philinte : PHILINTE. […] Quoique son dessein soit si clairement marqué, Rousseau est tellement déterminé à ne voir en lui que le projet absurde d’immoler la vertu à la risée publique, qu’il croit saisir cette intention jusque dans une mauvaise pointe que se permet Alceste , quand Philinte dit à propos de la fin du sonnet : La chute en est jolie, amoureuse, admirable. […] Le censeur genevois n’épargne pas davantage le rôle de Philinte : il prétend que ses maximes ressemblent beaucoup à celles des fripons. Il est vrai que Rousseau n’en donne pas la moindre preuve, et qu’il ne cite rien à l’appui de son accusation : c’est que le langage de Philinte est effectivement celui d’un honnête homme qui hait le vice, mais qui se croit obligé de supporter les vicieux, parce que, ne pouvant les corriger, il serait insensé de s’en rendre très inutilement la victime. […] Comme elle m’a entraîné un peu loin, je passe rapidement sur les autres parties de l’ouvrage, sur le contraste de la prude Arsinoé et de la coquette Célimène, aussi frappant que celui d’Alceste et de Philinte; sur les deux rôles de marquis, dont la fatuité risible égaie le sérieux que le caractère du Misanthrope et sa passion pour Célimène répandent de temps en temps dans la pièce; sur les traits profonds dont cotte passion est peinte, sur la beauté du style qui réunit tous les tons; et je dois d’autant moins fatiguer l’admiration, que d’autres chefs-d’œuvre nous attendent et vont la partager.