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66. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Il fallut (et sur ce point, l’histoire doit savoir quelque gré à Louis XIV), il fallut l’intervention du roi pour laisser se produire publiquement cette leçon de vertu que Cléante, parlant à Orgon, donnait si vaillamment à son temps et aux temps à venir. […] Il ne se contente plus de se glisser, quémandeur d’amour et de richesses, dans la demeure d’Orgon ; il laisse à de moins ambitieux le soin de ruiner et de sottifier ce bourgeois crédule ; pour lui, ce qui le tente, à l’heure qu’il est, c’est, ni plus ni moins, le gouvernement du monde et la direction des affaires publiques. […] Orgon dans Tartuffe. […] Alceste, l’éternel songeur, Philinte, l’éternel satisfait, Sganarelle qui se lamente, George Dandin qui pleure, Pourceaugnac qu’on exploite, Vadius qui se rengorge, Trissotin qui se pavane, Tartuffe qui ploie l’échine, Orgon qui croit, Argan qui doute, Harpagon qui thésaurise, Célimène la cruelle, Agnès la rusée, Scapin le drôle étourdissant, et Mascarille, et Dorine, et madame Pernelle, et Sosie, et maître Jacques, et Arnolphe, et Don Juan, et Diafoirus, et Bélise, et Armande, hommes, femmes, précieux et précieuses, petits marquis et grandes coquettes, fripons et honnêtes gens, malades et médecins, philosophes de hasard et savants de pacotille, bref un monde entier, tout un monde de types, de caractères, palpite, pour ainsi dire, depuis deux siècles et vit à côté du monde réel.

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