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48. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Quant à Tartuffe lui-même, le théâtre tout entier n’a point de personnage moins gai que ce scélérat, qui fait passer le pauvre Orgon par « une alarme si chaude, » que le dénouement de cette prétendue comédie allait être tragique, si Molière ne s’était avisé à temps que Louis XIV était « un prince ennemi de la fraude ». […] Dans Le Misanthrope, c’est Philinte qui prêche Alceste, et dans le Tartuffe, c’est Cléante qui prêche tout le monde : les dévots et les libertins, les hypocrites et les dupes, Orgon qui chérit Tartuffe plus que frères, enfants, mère, femme et lui-même, Tartuffe qui fait chasser Damis de la maison, et Damis qui veut lui couper les deux oreilles. Grâce à ce système d’équilibre et de pondération qui ne laisse aucune sottise se développer sans que le bon sens ne reçoive un développement parallèle ; grâce à ces docteurs qui savent                           Pour toute leur science, Du faux avec le vrai faire la différence96, le poète, mêlant l’utile à l’agréable, nous empêche de prendre le mal pour le bien, le bien pour le mal, et de tomber dans l’erreur d’Orgon, auquel Cléante disait : Vous ne gardez en rien les doux tempéraments. […] Cet embarras du héros de la pièce n’est point pénible pour le spectateur, comme celui d’Orgon, victime des machinations de Tartuffe.

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