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35. (1825) Notices des œuvres de Molière (IX) : La Comtesse d’Escarbagnas ; Les Femmes savantes ; Le Malade imaginaire pp. 53-492

Désespérant d’exprimer combien la supposition est grossière, je prends le parti de transcrire le monologue d’Argan, appelé Orgon par le faussaire : à peine cet échantillon donnera-t-il une idée du reste. […] Argan est le vrai pendant d’Orgon. […] On peut, d’ailleurs, opposer à cette saillie d’un personnage imaginaire ce que dit Molière lui-même, dans la préface du Tartuffe : « La médecine est un art profitable, et chacun la révère comme une des plus excellentes choses que nous ayons. »Le seul rôle de Béralde prouve, mais prouve invinciblement que Molière, à l’époque du moins où il écrivit Le Malade imaginaire, n’avait aucune foi à la médecine, Béralde, l’homme raisonnable de la pièce, comme Cléante l’est dans Le Tartuffe ; Béralde, par la bouche de qui Molière attaque la manie d’Argan, comme il combat celle d’Orgon par l’organe de ce même Cléante, Béralde dit, comme l’athée don Juan, et en outrant même le mépris de ses expressions : « La médecine est une des plus grandes folies qui soient parmi les hommes ; et, à regarder les choses en philosophe, je ne vois point de plus plaisante momerie, je ne vois rien de plus ridicule qu’un homme qui veut se mêler d’en guérir un autre. »Ajoutons que la longue et vive argumentation de Béralde contre la médecine ne va point directement au sujet ; que l’important pour lui est de prouver à Argan, son frère, non pas qu’il aurait tort de se confier à la médecine, s’il était malade, mais qu’il fait mal de s’y livrer, puisqu’il se porte bien. […] Il fit bien de tourner en ridicule l’infatuation d’Argan pour Purgon, comme celle d’Orgon pour Tartuffe ; mais, entre l’excès de la crédulité et l’excès contraire, n’y a-t-il pas un juste milieu où la raison s’arrête et se fixe ? […] [Tome VIII, p. 372, note 1, Les Fourberies de Scapin, acte I, scène vi : (1) Dorine du Tartuffe et Toinette du Malade imaginaire soutiennent de même, l’une à Orgon, l’autre à Argan, qu’ils n’effectueront pas le mariage projeté par eux pour leur fille.

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