Ni le roman intime (feu le roman intime, faudrait-il dire), ni feu le drame moderne, toujours escortés de quelques héros mystérieux sans explication et sans nom, et tout noir, n’ont jamais préoccupé la curiosité et la sagacité du lecteur, autant que l’a fait ce bel Alceste, créé tout exprès et mis au monde par Molière, quand Molière voulut dire à tous et à chacun, enfin, les plus secrètes pensées de son esprit et de son cœur. Ajoutez cette différence entre les mystères solennels de Molière et les futiles mystères du drame et du roman, comme on les fait de nos jours ; une fois que vous avez soulevé le sombre manteau du romancier ou du dramaturge, vous êtes au fait de son œuvre : « “N’est-ce que cela ?” dites-vous avec dédain et pitié, en rejetant le manteau sur le cadavre du héros ; au contraire l’énigme transparente de Molière, après tant d’explications de tout genre, reste encore inexpliquée. […] « Il y avait, à ce qu’on rapporte, sur cette même scène française, un grand comédien nommé Baron, que Molière avait élevé lui-même. […] Lui, cependant, Baron, fidèle à ses rôles, et sachant très bien qu’en fin de compte le parterre ne s’intéresse qu’à la passion dans la comédie et dans le drame, il jouait, jusqu’à la fin, le rôle des beaux jeunes gens amoureux que Molière avait écrit tout exprès, il y avait soixante ans, pour ce jeune Baron.