Il y a longtemps qu’il ne croit plus en Dieu, ou du moins qu’il n’y veut plus croire50 ; il ne reste en lui que l’orgueil, qui lui fait accepter un duel51, et mettre en avant cette humanité, au nom de laquelle il donne un louis au Pauvre qu’il n’a pu contraindre à blasphémer52. […] Cette leçon n’est pas la seule : on voit encore, dans don Juan, la représentation du bandeau funeste qui vient fermer l’esprit du méchant à tous les avertissements d’un valet57, d’un père58, d’une amante59, de Dieu même60. […] Ici, c’est assez de montrer que Molière, en nous divertissant, pense et nous fait penser qu’il faut être vertueux, non-seulement par intérêt, mais pour la vertu même et pour Dieu qui nous la commande ; non-seulement pour nous, mais pour tous ceux qui nous entourent et dont nous sommes, responsables. […] L’hypocrisie, Molière l’avait en horreur75 : c’était pour lui le comble de la scélératesse76 ; et il était d’avis sans doute que, dans une débauche ouverte, il y a encore un certain mérite de franchise, un espoir quelconque de repentir, qui ne se trouvent plus quand le criminel a pris enfin le parti de se couvrir du manteau de Dieu. […] En vain de saints moralistes, emportés par le zèle de la maison de Dieu, prétendront qu’il est mauvais de montrer un homme pieux en apparence, qui est un scélérat au fond80 : il est meilleur sans doute de montrer qu’il y a des scélérats qui affublent la robe d’innocence, des loups qui se cachent sous la peau des brebis pour entrer dans la bergerie.