» Quant à Célimène, les commentateurs de Boileau y ont vu le portrait d’une femme très-connue à la cour, la même que le satirique, vingt-huit mis après, stigmatisait dans ses vers : « Nous la verrons hanter les plus honteux brelans, Donner chez la Cornu rendez-vous aux galants. » Mais, Dieu merci, cet ignoble signalement ne va pas à la taille de Célimène, malgré ses airs d’indépendance un peu compromettants. […] Ici Alceste devient Molière lui-même ; sous les traits de Célimène, on reconnaît sa femme; dans le rôle d’Éliante, on devine Mlle de Brie, l’amie dévouée du grand homme; et l’acariâtre Du Parc est le type d’Arsinoé. […] De bonne foi, cet homme de bien qui est allé se fourvoyer dans le salon d’une Célimène, ce cœur honnête et profondément épris, obligé de prendre ombrage de jeunes fats, n’est-ce pas Molière qui a dévié de la ligne de son bonheur en aimant, en épousant une incorrigible coquette ? […] Et cette Célimène, qui se rit de l’amour qu’elle inspire et ne répond à une passion profonde que par l’indifférence et la sécheresse du cœur, n’est-ce pas Armande Béjart, cette femme si frivole et si coquette, qui n’a jamais compris quel noble cœur elle avait blessé à mort ? […] Ne voyez-vous pas la délicatesse d’un amant généreux dans la manière même dont il a su éloigner de votre cœur tout sentiment de mépris pour Célimène ?