Ceux même à qui l’apostrophe s’adresse, et qui sont de grands rieurs, ne le sont pourtant pas dans ce moment; ils sentent si bien la vérité du reproche, que l’un d’eux, pour toute excuse, cherche à rejeter la faute sur Célimène, afin d’embarrasser Alceste qui l’aime : Pourquoi s’en prendre à nous? […] La semonce est forte; mais elle est si bien fondée, si morale, si instructive, que ceux qui sont tancés si vertement gardent le silence; et il n’y a que Célimène, que la légèreté de son âge et de son caractère, et les avantages que lui donnent sur Alceste son sexe et l’amour qu’il a pour elle, enhardissent à le railler sur son humeur contrariante. […] Enfin, lorsque le Misanthrope propose à Célimène de l’épouser à condition qu’elle le suivra dans la solitude où il veut se retirer, et que sur son refus il la quitte avec indignation, et renonce à tout commerce avec les hommes, on peut encore lui dire : C’est vous qui avez tort. […] Il n’y a pas là de quoi fuir les hommes, ni même les femmes; car apparemment elles ne sont pas toutes aussi fausses que votre Célimène, et vous-même estimez beaucoup Éliante. […] Comme elle m’a entraîné un peu loin, je passe rapidement sur les autres parties de l’ouvrage, sur le contraste de la prude Arsinoé et de la coquette Célimène, aussi frappant que celui d’Alceste et de Philinte; sur les deux rôles de marquis, dont la fatuité risible égaie le sérieux que le caractère du Misanthrope et sa passion pour Célimène répandent de temps en temps dans la pièce; sur les traits profonds dont cotte passion est peinte, sur la beauté du style qui réunit tous les tons; et je dois d’autant moins fatiguer l’admiration, que d’autres chefs-d’œuvre nous attendent et vont la partager.