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167. (1910) Rousseau contre Molière

Aussi bien, Monsieur, qu’il vous souvienne que vous vous êtes marié pour avoir des enfants gentilshommes. » Voilà, sans aucun doute, comment le spectateur du XVIIe siècle comprend la déclaration de Jupiter à Amphitryon, et toute cette théorie mise dans la bouche d’un personnage présenté jusque-là, sans aucun conteste, comme éminemment sympathique, est d’une immoralité, décidément, à n’y rien souhaiter, et certes à l’Amphitryon s’appliquent comme de cire les vers irrités de Boileau : Et tous ces lieux communs de morale lubrique Que Lulli réchauffa des sons de sa musique. […] C’est plutôt Boileau qui est ce législateur-là. […] — Autant en pourrait-on dire de Corneille, Racine, Boileau et La Fontaine. […] Mais encore est-il que Corneille a une manière de comprendre l’honneur qui est éminemment française et qui correspond exactement à l’état d’âme des gentilshommes du temps de Louis XIII ; que Racine a un idéal de l’amour féminin avec ses Andromaque, ses Monime, ses Iphigénie et même ses Phèdre, qui, non seulement est puisé au cœur même de la France, ce qui est peu discutable et peu discuté, mais qui est pour la faire aimer et préférer à tous les peuples ; que Boileau a ce patriotisme royaliste qui, en déguisant, un peu gauchement même, et je l’en aime, le conseil sous la louange, plaide auprès du roi les intérêts véritables de la nation ; que La Fontaine enfin, malgré sa nonchalance et son naïf égoïsme, a ses moments dë patriotisme même belliqueux, en écritures du moins, par où encore est-il que l’on voit à quel pays de l’Europe il appartient.

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