Nous sommes pris de pitié en entendant Agnès reprocher à Arnolphe (au moment où il ose lui rappeler les soins qu’il prit d’élever son enfance) cette ignorance dont elle souffre et qui lui pèse sur le cœur : Vous avez là-dedans bien opéré vraiment Et m’avez fait de tout instruire joliment ! […] On les prend parce qu’on ne s’en peut défendre et que l’on dépend de parents qui n’ont des yeux que pour le bien ; mais on sait leur rendre justice, et l’on se moque fort de les considérer au-delà de ce qu’ils méritent. » Aussi sommes-nous fort bien disposés à pardonner à Isabelle les ruses qu’elle emploie pour se défendre et nous empresserons-nous d’applaudir avec Molière à la victoire de la pauvre Agnès sur Arnolphe, son oppresseur et son tyran. […] Elle devine sa force, elle voit qu’Arnolphe la désire et qu’elle est désirable, puisque Horace le lui dit. […] Elle ne redoute plus ni la prison sur terre, ni les chaudières bouillantes de l’enfer, et quand Arnolphe, étonné, dépité, désespéré, se trouve à ses pieds, prie, implore, elle est à son tour cruelle, elle se venge impitoyablement… Tenez, tous vos discours ne me touchent point l’âme, Horace avec deux mots en ferait plus que vous… C’est la nature qui triomphe de toutes les entraves que l’égoïsme humain prétendait lui imposer, et Molière chante ce triomphe. […] C’est encore au fond d’un petit couvent qu’on s’est chargé d’abêtir Agnès sur l’ordre d’Arnolphe.