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47. (1809) Cours de littérature dramatique, douzième leçon pp. 75-126

À ce dernier genre de comique, le plus fin et le plus spirituel de tous, appartient sans doute la manière dont Oronte amène son sonnet, celle dont Orgon écoute les nouvelles qu’on lui donne de la santé de sa femme et de celle de Tartuffe, et la dispute qui s’élève entre Vadius et Trissotin ; mais ce qui s’en éloigne entièrement, ce sont les discussions sans lin d’Alceste et de Philinte sur la conduite à tenir au milieu de la fausseté et de la corruption du monde. […] Or comment se fait-il qu’Alceste choisisse pour son ami un personnage tel que ce Philinte, dont les opinions sont diamétralement opposées aux siennes ? […] Le point où Alceste a raison et celui où il a tort seraient difficiles à fixer, et je crains que le poète lui-même ne s’en soit pas rendu un compte exact. […] Alceste a mille fois raison contre cette charmante Célimène, son seul tort est sa faiblesse pour elle ; il a raison dans ses plaintes sur la corruption de la société ; personne ne lui conteste les choses de fait qu’il soutient : il a tort de mettre en avant ses opinions avec tant de violence et si peu d’à-propos, mais puisque enfin il ne peut pas prendre sur lui l’espèce de dissimulation nécessaire pour vivre en paix avec ceux qui l’entourent, il a parfaitement raison de préférer la solitude « à la vie du monde. […] Le jugement de Rousseau à cet égard n’était pas entièrement impartial, car il avait dans son propre caractère et dans sa conduite à l’égard des hommes une ressemblance frappante avec Alceste ; d’ailleurs à d’autres égards il a méconnu l’esprit de la comédie, et a regardé comme essentiels au genre, des défauts qu’on ne peut reprocher qu’aux auteurs.

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