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171. (1861) Molière (Corneille, Racine et Molière) pp. 309-514

Comme corps politique la noblesse n’était plus, et le peuple n’était pas encore; mais, comme état, comme puissance, la France venait, au travers de luttes séculaires, d’atteindre au sentiment de son indivisible unité. […] À mesure qu’elle étendit son empire, elle le devint de moins en moins, si bien qu’il arriva un jour où l’état fut le premier dogme de la religion romaine, et où le chef de l’état fut nnon seulement un pontife, mais un dieu. […] Dans Andromaque, Racine nous dérobe ce qui fait la joie de la veuve d’Hector; dans Le Malade imaginaire, Molière expose hardiment tout ce qui fait la joie de son héros (je dis la joie, car Argant est un de ces malades qui vivent de leurs maux, et qui mourraient s’ils avaient le malheur de guérir); il nous le présente avec tous les attributs de son état, bonnet de nuit, robe de chambre, chaise longue, drogues et comptes d’apothicaire. […] Partisan décidé des mœurs antiques, il préfère aux démocrates les hommes de Marathon, et le pauvre qui travaille au parasite qu’engraisse la fortune des riches ou de l’état. […] Il persécuta Socrate, parce que Socrate lui parut, bien à tort, le prince des sophistes, le plus grand maître dans cet art, qui, en ébranlant toute croyance, ébranlait par là-même les fondements de l’état.

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