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86. (1885) La femme de Molière : Armande Béjart (Revue des deux mondes) pp. 873-908

De même Ariste a élevé Léonor avec une philosophie très indulgente ; elle a vu « les belles compagnies, les divertissemens, les bals, les comédies ; » on lui permet de satisfaire ses goûts d’élégance, de « dépenser en habits, linge et nœuds. » Il est, ce rôle d’Ariste, plein d’une franchise de brave homme, d’une bonté sereine et douce, avec une pointe de mélancolie ; et les beaux vers qui le composent, d’un tour si net et d’un mouvement si aisé, ont jailli sans effort du cœur du poète, car ils traduisaient l’état de son âme. […] La douceur de sa voix a voulu se faire paraître dans un air tout charmant qu’elle a daigné chanter, et les sons merveilleux qu’elle formoit passoient jusqu’au fond de mon âme et tenoient tous mes sens dans un ravissement à ne pouvoir en revenir. […] Il y avait quelque chose d’espagnol dans son âme comme dans son génie, et lorsqu’il rencontrait un type de grâce charmante ou noble, il s’en faisait avec une galanterie fière l’admirateur et le servant. […] Mon âme, de ce feu nonchalamment saisie, Ne l’a point reconnu que par ma jalousie ; Tout ce qui l’approchoit vouloit me l’enlever, Tout ce qui lui parloit cherchoit à m’en priver ; Je tremblois qu’à leurs yeux elle ne fût trop belle ; Je les haïssois tous comme plus dignes d’elle, Et ne pouvois souffrir qu’on s’enrichit d’un bien Que j’enviois à tous sans y prétendre rien.

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