(1801) Moliérana « [Anecdotes] — [77, p. 118-119] »
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(1801) Moliérana « [Anecdotes] — [77, p. 118-119] »

[77, p. 118-119]

1705, Grimarest, p. 137-138

Molière était l’homme du monde qui se faisait le plus servir. Il fallait l’habiller comme un grand seigneur, et il n’aurait pas arrangé les plis de sa cravate. Il avait un valet, espèce de lourdaud qui était chargé de ce soin. Un matin qu’il chassait à Chambord, il mit un de ses bas à l’envers. Un tel, dit gravement Molière, ce bas est à l’envers. Aussitôt ce valet le prend par le haut, et en dépouillant la jambe de son maître, met ce bas à l’endroit : mais comptant ce changement pour rien, il enfonce son bras dedans, le retourne pour chercher l’endroit, et l’envers revenu dessus, il rechausse Molière. Un tel, lui dit-il encore froidement, ce bas est à l’envers. Le stupide domestique qui le vit avec surprise, reprend le bas, et fait le même exercice que la première fois ; et s’imaginant avoir réparé son peu d’intelligence, et avoir donné sûrement à ce bas le sens où il devait être, le sens où il devait être, il chausse son maître avec confiance : mais ce maudit envers se trouvant toujours dessus, la patience échappe à Molière. Oh, parbleu ! C’en est trop, dit-il, en lui donnant un coup de pied qui le fit tomber à la renverse : ce maraud-là me chaussera éternellement à l’envers ; ce ne sera jamais qu’un sot quelque métier qu’il fasse. Vous êtes philosophe ! Vous êtes plutôt le diable, lui répondit ce pauvre garçon qui fut plus de vingt-quatre heures à comprendre comment ce malheureux bas se trouvait toujours à l’envers.265