(1801) Moliérana « [Anecdotes] — [76, p. 115-117] »
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(1801) Moliérana « [Anecdotes] — [76, p. 115-117] »

[76, p. 115-117263]

Penaut, frère de Despréaux, ayant essayé de tourner en épigramme un mot assez malin qu’il avait dit à Pradon264, n’avait pu faire que ces deux vers :

Hélas ! Pour mes péchés je n’ai su que trop lire
  Depuis que tu fais imprimer.

Ce fut à son frère et à Racine et Molière qu’il trouva rassemblés, qu’il demanda deux autres vers pour rimer aux siens, et voici ceux qu’ils lui donnèrent :

Froid, sec, dur, rude auteur, digne objet de satire,
De ne savoir pas lire oses-tu me blâmer ?
Hélas ! &c.

Ce qu’il y a de particulier dans ce fait, c’est que Racine et Molière eurent une petite querelle sur le premier hémistiche du second vers. Le poète tragique voulait qu’on écrivit :

De mon peu de lecture oses tu me blâmer ?

Pour éviter sans doute la consonance de la rime de satire avec le mot lire qui termine cet hémistiche ; mais Molière soutint qu’il fallait s’en tenir à la première expression, et que la raison et l’art même demandaient et autorisaient souvent le sacrifice d’une plus grande perfection du vers à une plus grande justesse. Despréaux n’oublia pas cette décision de Molière, et en fit un précepte dans son art poétique, chant 4e.

Quelquefois dans sa course un esprit vigoureux
Trop resserré par l’art, sort des règles prescrites,
Et de l’art même apprend à franchir les limites.