MOLIERE.
Moliere▶, né à Paris, fut, sans contredit, le plus grand Philosophe de son siecle. Personne n’a jamais mieux connu les ridicules, & ne les a peints avec tant de force & de vérité. Les Auteurs qu’il surpassoit, les originaux qu’il peignoit, ses camarades qu’il enrichissoit, étoient ses ennemis. Il critiquoit les hommes, & sa femme les aimoit ; l’un tiroit sa gloire de leurs défauts, l’autre tiroit son plaisir de leurs foiblesses. ◀Moliere▶ avoit des amis respectables, qui le consoloient des chagrins qu’il essuyoit. Il avoit des talens trop supérieurs, & s’appliquoit trop à corriger les mœurs, pour n’être pas le plus honnête homme. Il étoit ce qu’il désiroit que les autres fussent. La gaieté répandue dans ses Comédies n’étoit point dans sa conversation. ◀Moliere▶ pensoit trop, pour être plaisant dans la société ; c’étoit un observateur qui n’alloit dans le monde que pour y moissonner. Chapelle, son ami de confiance, étoit bien plus aimable que lui ; voilà pourquoi l’envie lui faisoit souvent l’honneur de lui attribuer les Pieces de Moliere. Mais Chapelle, avec beaucoup d’esprit & d’agrément, ne se doutoit point de l’Art du Théatre ; il ne connoissoit ni la texture d’un Drame, ni la filiation des scènes, ni les différentes nuances des caracteres. Comme il étoit fort dissipé, il rendoit à ◀Moliere▶ ce qu’il avoit vu, & ◀Moliere le mettoit en œuvre. Chapelle n’en étoit pas plus l’Auteur, qu’un facteur l’est des lettres qu’il apporte. Cet homme unique mourut presque subitement : on eût dit qu’il vouloit enlever aux Médecins l’honneur & le plaisir de le tuer.