[72, p. 106-108]
On jouait sur le théâtre▶ de Molière une pièce intitulée Dom Quichotte 255. Elle commençait à l’instant que Dom-Quichotte installait Sancho Pansa dans son gouvernement. Molière faisait Sancho ; et comme il devait paraître sur le ◀théâtre▶ monté sur un âne, il se mit dans la coulisse pour être prêt à entrer dans le moment que la scène le demanderait. Mais l’âne qui ne savait point le rôle par cœur, n’observa point ce moment ; et dès qu’il fut dans la coulisse, il voulut entrer, quelques efforts que Molière employât pour qu’il n’en fit rien. Sancho tirait le licou256 de toute sa force ; l’âne n’obéissait point ; il voulait absolument paraître. Molière appelait, Baron* ; Laforest, à moi ; ce maudit l’âne veut entrer. Cette Laforest était sa servante ; elle était dans la coulisse opposée, d’où elle ne pouvait passer à travers le ◀théâtre▶ pour arrêter l’âne ; et elle riait de tout son cœur de voir son maître renversé sur le derrière de cet animal, tant il mettait de force à tirer son licou pour le retenir. Enfin destitué de tout secours, et désespérant de pouvoir vaincre l’opiniâtreté de son âne, il prit le parti de se retenir aux ailes du ◀théâtre, et de laisser glisser l’animal entre ses jambes, pour aller faire telle scène qu’il jugerait à-propos.257