Ojetti sur Fogazzaro sont à citer : « En chacune des pages de l’œuvre de Fogazzaro on sent la présence de l’auteur. […] Vous n’êtes pas seul avec un livre qui vous raconte objectivement des faits vus ou inventés avec tranquillité, avec art : vous êtes en présence d’une autre âme. » Quand on sent cette présence, c’est que l’écrivain est doué d’assez de génie, d’assez de force pour s’extérioriser ; on la sent dans les plus froids, dans les plus volontairement clos, aussi bien que dans les plus accueillants et dans les plus chaleureux, dans Goethe et dans Lamartine, dans Villiers et dans Flaubert. […] Le sujet choisi sans doute exprès parmi les ordinaires drames passionnels est renouvelé par la finesse de l’analyse et l’observation que l’on sent personnelle et neuve. […] Nous nous sentons, dit M. […] On ne sent pas, dans ce drame, l’approche de l’Empire ; Robespierre ne prêche pas, ne prévoit pas : c’est le démagogue et non le prophète menaçant.
Je sentis alors que je n’aimerais jamais, que je ne pourrais jamais connaître les égarements et les ardeurs de la passion. Je sentis alors que je pourrais posséder des femmes, que je pourrais me faire aimer d’elles, mais que je ne réussirais pas une seule minute à agiter mon cœur ou à troubler mon âme. […] Je possédai le corps de femmes innombrables, et sentit battre sur ma poitrine d’innombrables cœurs d’amantes, et pas même une heure je ne fus capable de mêler mon âme à l’âme de qui m’aimait. […] Il me priait de lui parler de moi, et si j’y consentais, il m’écoutait avec curiosité, mais sans sentir, sans comprendre, sans revivre avec moi ce que je lui racontais. […] Après quelques minutes, je sentis que son corps s’enfonçait et devenait flasque.
Il avait conscience, probablement, que le Pape aurait dû être un des protagonistes de ce drame et il ne se sentait pas de taille. […] Et il y a quelque prétention choquante à vouloir tout de go fonder une religion dont le besoin ne se fait pas sentir. […] Par exemple, qui sent mieux le patriotisme que toi ? […] Pourvu que tu me caresses aux bonnes heures où le corps s’alanguit et où l’âme se sent trop seule. […] M. d’Annunzio peint la vie moderne telle qu’il la sent.
Il y a deux manières de « sentir » l’épopée. […] J’ai senti une chose irrémédiable et terrible. […] On y sent partout la tension des énergies en lutte. […] La terre et la mer sont remplies de désir ; et chacun le sent. […] Jamais on n’a si fortement senti à quel point les deux nations étaient une même famille.
Aussi a-t-il pris peu à peu l’habitude de s’exhiber à travers toutes les grandes villes d’Europe, avec une complaisance inlassable et une vanité dont il ne sent pas le ridicule. […] On sent, à travers le texte des Mémoires, que Casanova n’est pas insensible aux marques d’intérêt que son étrange destinée éveille chez d’aussi hauts personnages : « Je m’engageai, dit-il, à faire ma narration au prince électeur de Cologne, pourvu qu’il eût la patience de m’écouter jusqu’au bout, le prévenant que cela durerait deux heures. — “On ne s’ennuie pas à avoir du plaisir”, eut-il la bonté de me dire… Aussitôt que nous fûmes sortis de table, il me pria de commencer mon récit. […] Pourtant, lorsque Voltaire parle à Casanova d’Algarotti, on sent qu’il est moins désireux d’exprimer ses propres sentiments de sympathie pour son ami vénitien que curieux de connaître l’impression que celui-ci produit sur ses compatriotes : il interroge Casanova sur la réputation d’Algarotti en Italie, sur le succès de ses livres et même sur la valeur de son style, qu’il ne peut pas se permettre d’apprécier exactement. […] « C’est dans l’absolu divin que doit sourire la trinité de sa Joconde, de son Christ et de son Bacchus. » Soit ; c’est sans doute pourquoi nous sentons cette divine trinité si étrangère à notre humaine vérité. Mais de ce petit livre où les idées générales abondent je retiendrai surtout celle-ci, où j’ai plaisir à me sentir tout à fait d’accord avec l’écrivain : « L’art (quadrivium) annexait la science, et n’était-ce pas là conception plus valable et efficacement féconde que la conception présente où la science non seulement se sépare de l’art, mais prétend aussi se le subordonner ?
Ils la trouvent docile et la sentent irréductible. […] Il ne sait se rendre compte de la manière de sentir et de penser des autres peuples. Étant incapable de pénétrer ce qui se passe dans l’âme d’autrui il ne connaît pas sa propre âme et refuse aux autres les vertus dont il se sent possesseur. […] On en sent les effets dans la résistance opposée à l’arbitraire. […] En écrivant pour l’élite oublieuse, vous avez exprimé ce que la foule sent et veut, confusément, mais ardemment.
Le goût de Voltaire était trop souple et trop délicat pour qu’il ne sentît pas l’erreur dont il se rendait coupable. […] On voyait, on sentait la violence qu’il se faisait pour retenir ses larmes, et les pleurs étaient dans tous les yeux ; mais lorsqu’il en fut à cette stance : Poiché allargare il freno al dolore puote… ses larmes s’échappèrent avec tant d’abondance que tous les auditeurs se mirent à sangloter ». […] Voltaire découvrait dans l’admiration débordante de Casanova la justification, nous dirions presque l’excuse d’une rétractation qui devait lui coûter, malgré tout : dans les pages du Dictionnaire philosophique qu’il consacre à l’Arioste comme un hommage éclatant, mais tardif, on sent à chaque ligne le souvenir de cette scène ; et il a soin de citer, comme l’un des morceaux essentiels du Roland, les stances qui lui avaient tiré des larmes. […] À peine laisse-t-il entrevoir qu’elles étaient très défavorables aux deux poètes, maladroites, d’ailleurs, et injustes, comme il ne manque pas de le lui faire sentir : Il me parla da Dante et de Pétrarque, et tout le monde sait ce qu’il pensait de ces grands génies ; mais il s’est fait du tort en écrivant ce qu’il en pensait. […] Sous cet éloge discret, il y avait d’ailleurs une pointe : Casanova ne manque pas d’insinuer que le bon Goldoni est moins plaisant dans le monde qu’au théâtre : « Il ne brille pas en société, malgré le sarcasme si finement répandu dans ses écrits ; … c’est un bon auteur de comédies, et rien de plus32. » Peut-être Voltaire a-t-il senti l’ironie ; peut-être n’a-t-il pas voulu recommencer autour d’un nouveau nom ces assauts trop peu courtois dont l’entêtement de Casanova ne lui permettait pas de sortir victorieux.
Cette idée affreuse me fit rire, car je me sentais maître de ne rester esclave que très peu de temps, aussitôt qu’au péril de mes jours j’aurais pris le parti de faire cesser ma détention. […] J’en sais, cependant, qui, dans un sujet comme « Dante », seraient tombés en arrêt devant les syllogismes de saint Thomas, cherchant à surprendre jusque-là quelque nuance sentie, vécue, de la foi du Moyen-Âge. […] C’est que, voyez-vous, chaque nation a sa manière de sentir, et ce n’est pas quelques années passées à Bologne, dans un milieu un peu spécial, qui ont pu lui apprendre à juger nos sentiments. […] Et nous les aimons parce que nous sentons que nous avons en eux le point central, le chef que n’embarrassent pas les rêveries ni les sentimentalités niaises. […] Puis, nous aurions dû nous douter du mensonge : on ne s’appelle pas sérieusement Dorival ; ce nom sent le Marivaux, un nom d’amoureux de comédie, comme les soldats s’y appelaient La Tulipe, les domestiques Lafleur, et les piqueurs La Ramée.
Je me sentais augmenté, grandi par cet amour. […] Je me sentais l’âme légère. […] Nous nous sentions sur le cœur du monde. […] Je l’en sentais la fille. […] Ils le sentent.
Une certaine rudesse inculte se fait sentir jusque dans les premières classes de la société. […] (Toute cette relation est bien froide, comparée à ce que j’ai senti en 1811-1813.)
Il suffit d’employer un adjectif qui sente l’épidémie, pour être classé parmi les suivants de l’auteur de l’Intrus. […] Tous ceux qui aiment ou qui ont aimé trouvent qu’entre la théorie et la pratique il y a heureusement un abîme : chaque amoureux sent que son cœur, que ses sentiments n’ont pas encore été sondés. […] Il y a des occasions où tous sentent un besoin insupportable de devenir des savants : c’est généralement, lorsque la science est un peu cochonne. […] Le paysage aux lignes géométriques et à la perspective implacable, et qui a si curieusement tourné avec le temps, le poncis du dessin qui transparaît sous la couleur froide, le blafard des clairs, le grain très gris des ombres, toute cette exécution qui sent la fresque donne à ce panneau une haute saveur. […] Mais n’y a-t-il pas quelque injustice à juger avec notre manière particulière de sentir cet art spécial qui dérive d’un tempérament si différent du nôtre, cet art auquel le climat ensoleillé du midi qui fait la vie facile et tout en dehors, qui excuse la crudité des couleurs et entraîne aux gestes excessifs, apporte lui aussi son influence.
Rien ne fait mieux sentir l’inutilité absolue de l’effort humain que l’impuissance finale de la sensibilité (Notre cœur). […] En passant sous un arbre penché, il avait senti son oreille à elle contre sa joue à lui… Quand il avait dit : « Ne serait-il pas temps de revenir ? […] Et comme Rosa riait d’un rire mécontent, il se sentait presque monter les pleurs aux yeux, dans son angoisse de ne pouvoir trouver une seule parole. […] À chacun elle racontait le fait, à chacun elle exposait sa justification, ajoutant toujours un nouvel argument, entassant les mots sur les mots, s’échauffant, se désespérant devant l’incrédulité et la défiance ; vainement… Elle sentait que désormais tout moyen de se défendre lui était enlevé. […] C’est en le pratiquant qu’ils ont senti que rien ne lui était étranger et que tout leur était indispensable.
Le Beau, c’est ce que l’on sent être Beau, c’est ce qui, même sans plaire, s’impose ; c’est une lueur de l’Éternel devant notre infirmité. […] Sentir, tout est là, et il faut le redire, et il faut le cracher au nez de toute cette bande d’esthéticiens, cause des méconnaissances et des ravages perpétuels commis dans l’histoire de l’art. […] Baudelaire, — le premier et le seul critique d’art de ce siècle — disait : « Décidément, je ne puis m’arrêter à aucune esthétique, le tout consistant à sentir ».
. — Veux-tu le plaisir de dominer, de te sentir le maître et le seigneur ? […] On sent que M. […] Je risque probablement de déplaire à Lucio d’Ambra, mais il faut que je lui dise que jusqu’à ce qu’il ait éprouvé le dramatique de la vie vécue, jusqu’à ce qu’il ait senti, lui le premier, les frissons, tous les frissons d’une vie de bataille, il lui sera bien difficile de nous donner le livre qui puisse nous faire frissonner à notre tour. […] Ses nouvelles, Le Greche, et son roman, L’occhio del lago, et un petit récit, La fiamma e l’ombra, recommandent son nom comme celui d’un auteur sur lequel l’avenir peut compter ; il est un artiste, qui, peut-être, se cherche encore, mais qui depuis longtemps n’imite pas les autres ; il sent avec son cœur, il pense avec sa tête, il voit les choses à sa manière ; il saura vite rendre ses sentiments et ses sensations, c’est-à-dire qu’il saura s’emparer de cet instrument délicat et précieux qui est le roman moderne pour nous raconter quelque chose de bien intéressant et de bien à lui. […] C’est Raphaël ingénu et grave, encore roide et pénétré de son maître, et chez qui on sent sourdre pourtant les harmonies profondes qui vont caractériser l’œuvre.
En Lombardie, par Venise, c’est l’influence byzantine qui se fait sentir ; on la sent encore dans les provinces méridionales où elle se heurte à des influences plus nettement orientales, amenées par les croisés à leur retour et par les relations commerciales avec les Échelles du Levant et l’Égypte. […] Le vieux diable prussien ne voit que les reins des cohortes célestes : c’est là sa façon de sentir l’immatérialité : il ravale la beauté du ciel à un frisson de Sodome. […] L’admiration purifie le désir et le transpose en clef mentale : il faut être malade pour sentir érotiquement une œuvre d’art, si elle est belle. […] Le poète sent, confusément peut-être, que la force spirituelle de sa race est encore à opposer à l’envahissement universel des races antagonistes du Nord et de l’Est. […] Ils sacrifient à la mode, si l’on entend par ce mot une disposition de penser et de sentir commune à toute une époque, mais ils y sacrifient à leur manière qui est la bonne, sans rien perdre de leurs qualités personnelles.
Il sent que ce cœur est à la merci d’une passion ou d’un violent caprice. […] Il la sent à lui, quand elle supplie ou lorsqu’elle tremble. […] Dès que j’eus mon crayon à la main, je sentis que je ne ferais rien qui vaille ! […] Aurora sentait, aussi, ses regards, comme un contact. […] Soudain, je le sentis serrer convulsivement mon bras.
On sent qu’il regimbe contre des jugements injustes quant à lui, peut-être vrais pour ses émules : et c’est lui qu’il défend. […] On sent qu’ils obéissent au cerveau et leur dépendance grandit l’air d’autorité du regard. […] Pendant deux ou trois générations, on se sentit l’esprit libre comme il ne l’avait jamais été depuis les jours héroïques d’Athènes. […] Il sentait « son cœur éclater ». […] Il faut sentir.
À la contempler on se sent enveloppé d’une tiédeur de draps, bercé par un ronron de soupirs, étreint, routé, en traîné vers quelque momentané oubli de soi, sourdement animal. […] Le Piémontais est vivement discuté, mais avec plus de justice, et se sent, sinon aimé, du moins compris. […] On respire à Paris une étrange atmosphère, on ne s’y sent pas seul à lutter, à chercher, parmi les cohues routinières. […] Et de ce jour le Piémontais s’est senti récompensé de son infaillible foi en l’indivisibilité de l’Art, — d’avoir passé outre aux vulgaires sollicitations d’une tradition facile et vaine, — d’avoir aimé la vie et ses réalités pures au point d’assujettir tous ses dons et toutes ses habiletés à l’âpre, à l’intransigeante loi des valeurs, — ne consentant à s’affirmer que le jour où il se trouva révélé à lui-même devant une page de Baudelaire, qui se dresse, hautaine et méprisante, comme une provocation jetée à l’impuissante vanité des modeleurs : — « C’est en vain que le sculpteur s’efforce de se mettre à un point de vue unique.
Si cette volonté collective et suprême ne fait pas sentir la toute-puissance de ses arrêts qui meuvent le drame et en remuent le pathos, il n’y a pas tragédie. […] Ibsen a senti le besoin de bâtir des châteaux pour se donner sinon le plaisir, du moins la rude tâche pleine d’amertume de les détruire. […] Je l’ai senti, je l’ai compris, cette fois, mieux que pendant mes séjours précédents. […] La manière de sentir de l’Italie… est absurde pour les habitants du Nord, etc. […] Le grand homme sent que pour créer il a besoin d’un amour autre que celui de sa femme.
Mme de Ponticello, qui, ce jour-là, à cause de la chaleur, n’avait pas de pantalon, sentit ce regard ardent sur sa nudité d’une minute. […] Elle sent l’ail, la sueur et le musc. […] On sent que lui aussi aime Francesca ; il devine que son amour n’est pas partagé, et il souffre de sa laideur, il souffre du mépris où le tient Francesca, et l’on ne peut se défendre de quelque pitié pour lui. […] Corradini qui encadre en cinq actes la vie du grand conquérant romain, depuis le passage du Rubicone jusqu’à la mort, est le fruit de longues études historiques et archéologiques ; on le sent, je dirais même qu’on le sent trop, tellement que plusieurs fois on aimerait apprendre moins et pouvoir s’émotionner davantage. […] Cependant ils pensent, et ces mains que nous ne sentons pas frémir sont les instruments dociles et pourtant fervents de cette pensée.
» on sent ses yeux mouillés sous sa lorgnette. […] Le 5 mai 1915, à Quarto, Gabriele d’Annunzio s’écriait : « Plus personne ne parle bas, parce qu’ont cessé le malheur et la honte ; la paresse de ne pas voir et de ne pas sentir a cessé. […] Non pas qu’ils eussent l’espoir de prendre sa place ; ils sentaient très bien que l’opinion publique ne leur avait nullement pardonné leur attitude du mois de mai 1915. […] À lire les communiqués du groupe parlementaire d’une part, et les articles de l’Avanti de l’autre, on sent très bien qu’il y a deux tendances au sein du parti collectiviste : celles des intransigeants, et celle des opportunistes. […] De la déconvenue, éprouvée par tous les Alliés, sur le front italien est né un organe, le conseil de guerre interallié de Versailles, dont il serait de la dernière banalité de dire que le besoin s’en faisait sentir.
Cette façon de donner en sommaire une citation de chaque chapitre m’a paru, malgré son aridité, plus propre qu’un discours coordonné à faire sentir la singularité de l’ouvrage, Je connais mal les huit in-8 de Rossetti, mais son titre seul indique qu’il a deviné en partie l’énigme dantesque. […] J’ignore si l’impérialisme de Dante n’est pas simplement la haine du Vatican ; j’ignore aussi si sa diatribe contre la noblesse, quoique très vraie en soi, ne vise pas exclusivement l’Église romaine, fille dégénérée et vile des nobles apôtres, si la dissertation sur les vertus propres à chaque âge n’équivaut pas à une conclusion sur la décrépitude de Rome qui se prétend éternelle, qui ne se sent pas vieillir et qui toute caduque s’obstine à dominer sans avoir aucune des vertus qui rendent la vieillesse respectable.
En philosophie, la critique des sciences, de leurs méthodes et de leurs limites, et les études de psychologie, ont établi définitivement le champ propre des croyances, expression provisoire et obscure de la réalité profonde et totale, inaccessible à l’expérience et perçue et sentie par l’esprit qui ne peut orienter que vers elle les fins suprêmes de la vie et de l’activité consciente. […] En stimulant notre désir naturel de la vérité et en nous faisant sentir plus vivement nos impuissances, ces sciences nous reconduisent, d’une certaine manière, dans le sens d’une spirale, vers nos origines ; elles ravivent notre sentiment religieux par l’impression d’un mystère formidable, non pas pour notre existence physique, mais pour notre moi intérieur, dont le besoin suprême est de se reposer dans une conception rationnelle, claire et sûre de l’univers et de la vie.
En passant à Caldiero, il y a quinze jours, et riant avec elle, il s’est senti paralytique de la moitié du corps […] Il sentait en lui d’autres armes que la gentillesse et la grâce. […] — On ne sent pas la chair, la belle chair, sous ces vêtements, dit-il. […] On sent, à leur crispation, qu’ils viennent d’arracher, à l’instrument, une suave mélodie… Giorgio, on la sent vagabonder, à la recherche d’un écho, dans le paysage… et moi, Bernardo Ridolfi, je l’entends ! […] Il sentit qu’il n’arriverait jamais à égaler ces maîtres et se perfectionna dans l’étude des grotesques.
Le besoin de rythmes nouveaux, qui en changeant les modes de la prosodie auraient aidé aux transformations de l’esprit poétique dont Carducci sentait l’ardent besoin, entraîna le Poète à se servir des mètres « barbares ». […] La nouvelle tragédie méditerranéenne, où tous nos dieux apparaîtront dans la lumière, où la pensée humaine, art, philosophie et science, se sublime dans ses teintes d’aurore nouvelle, où le corps et l’âme, le paganisme et le christianisme, la Danse et l’Extase, seront réconciliés, et dans leur parfaite harmonie montreront encore au monde la puissance joyeuse de la vie, se compose déjà peu à peu, dans notre inconscient, des éléments qui, de tous les pays méditerranéens en réveil, élèvent leurs voix de renaissance, et que, comme autrefois à Athènes et à Rome, on sent palpiter dans une formidable synthèse, à Paris, l’antique Civitas philosophorum, centre du monde méditerranéen moderne. […] Les aînés, au moins en Italie, piétinent sur place, et toutes mes sympathies convergent naturellement vers les quelques exceptions qui nous semblent, ou que nous sentons être, les plus significatives.
Sous la patte, ou le calame de velours, on sent la griffe frémir de rage contenue. […] Et tous les trois, chacun à sa manière, ont été ce que nous savons qu’a été le plus fameux — et d’ailleurs le plus grand — d’entre eux : et leurs compatriotes l’ont bien senti qui depuis des siècles ont pris l’habitude d’appeler chacun d’eux leur « Angelico ». […] Pour Titien, cette poursuite a duré soixante-dix ans ; et quand le vieillard a senti sa main trembler, ses yeux se voiler, tandis que toujours de nouvelles images de la beauté surgissaient en lui, on s’explique qu’avec la merveilleuse lucidité de son esprit il se soit trouvé las, et que le découragement l’ait pris, et qu’une immense tristesse se soit gravée sur ses traits.
Mais le poète sent rejaillir des sources de son être toute la sérénité de ces âges disparus. […] Comme Horace croyait le monument de ses Carmina plus immortel que l’airain, comme le Dante se sentait appelé à dépasser la renommée de Guido Guinicelli, comme Alexandre Manzoni pensait que son chant à Napoléon n’aurait pas à craindre l’oubli, de même Giosuè Carducci, le poète des Primavere elleniche, se proclame « le dernier fils des poètes sacrés Eolyens ».
» On sent bien que M. […] Près d’elle, un jeune homme, voisin de campagne, aime la jeune fille depuis longtemps : Massimo est bien autre que Henri Kronberg : il ne vit pas dans les nuages, il sent l’amour à l’italienne, un amour tout plein de passion, de transport, de dévouement, qui peut être aussi ennuyeux que celui des gens du Nord, mais qui vaut en tout cas la peine d’être goûté, en principe, du moins. […] Puccini, plus de six ; et sans me sentir le courage de prolonger ou de réitérer trop souvent l’expérience. […] Mais nous savons déjà, par d’autres œuvres, que le feu des soleils couchants est une gloire d’entre toutes celles de Segantini ; si l’on supprime, selon la convenance normale, tout le génie et le feu nouveaux dont resplendit ce tableau ; si l’on enlève le grand nuage violâtre et celui en tournesol de clarté chair, immédiatement les personnages se haussent et ne sont plus réduits à l’humilité de condition, leur lot dans l’Alpe ; la terre, en s’élevant sur la toile, s’abaisse dans la réalité représentée : ce n’est plus le haut plateau, c’est la vaste plaine basse ; ce n’est plus la distance de la terre au zénith comme diminuée, le ciel comme rapproché, senti plus spacieux autour de soi, et surtout ce n’est plus le Segantini constamment « découvreur ». […] Nous n’essayerons pas d’établir les variantes : nous avons vu tant de fois depuis Paris 1889 paraître ce motif dans les œuvres exposées par Segantini un peu partout, nous l’avons vu tant de fois reproduit et il a tellement séduit non seulement tous ceux qui, dans un public, se sentent des entrailles de père ou de mère, mais tous les affamés qui recherchent la trace, dans l’art contemporain, de sentiments religieux, que nous sommes tentés de croire qu’il s’est agi à peu près chaque fois de répétitions.
J’ai lu à la chambre Contrada, dei due Walls, 150 pages de Lanzi qui, au milieu de son bavardage critique, historique et timide, sent bien les arts en sa qualité d’italien.
Les personnages, aux gestes malheureux, sont lourds, épais, noirs, pas dans l’air, d’un arrangement gauche, d’une incroyable maladresse : on les sent tellement ajoutés, ils jouent, si mal, d’ennuyeuses parodies, qu’ils sont bien grandement pénibles. […] On sent que la sensibilité de l’auteur est très supérieure au témoignage qu’il nous en laisse. […] Lombroso a été l’un des premiers à sentir que tout le droit pénal est construit sur de fausses bases, qu’il est absurde de condamner les criminels en vertu de la nature et des effets de leur crime, que le degré de responsabilité varie considérablement d’individu à individu. […] Elle se fait sentir aussi entre les individus de ces deux nations qui se rencontrent à l’étranger.” […] Le maître fit aussi de la gravure, mais peut-être ne se sentait-il pas alors de force à tailler lui-même les planches de cette édition.
Je sentais que je ne paraissais pas aussi tendre que je l’étais.
À son retour, son mérite commença à se faire jour et Cochin se sentit pris pour lui de la plus vive sympathie.
Certains interventionnistes de la première heure, des amis sûrs de l’Entente, vont jusqu’à prétendre que ce revers de fin octobre, qui, nous croyons l’avoir montré, n’est point dû à une défaite militaire, était nécessaire pour tremper le moral du peuple italien, lui faire sentir l’immensité du conflit et l’immédiate réalité du péril tudesque. […] Et l’on sent que, parmi les grands Italiens du passé, il en est un que M. […] Les nationalités opprimées d’Autriche-Hongrie se sentent donc désormais énergiquement soutenues par l’Italie et les autres puissances de l’Entente. […] En quelques lignes bien senties du Secolo milanais (n° du 12 août), M. […] Le petit nombre de ceux d’entre eux qui sont passés par l’enseignement sont entrés au Ministère afin d’échapper à l’école, pour laquelle ils ne se sentaient ni vocation ni amour et ce sont ces gens-là qui dirigent l’éducation nationale !
En somme, M. de Beust, le chancelier autrichien, voulait « voir venir », prêt, on le sent très bien, à se dégager si les choses tournaient mal pour nous.
Du fond de sa Corne d’abondance, le Panthéisme avait comme vidé là, résumées en une complète série d’emblèmes, ses myriades d’êtres, de forces, de volontés, frémissant, parmi la trépidation haletante des dernières légions païennes, de sentir si imminente leur catastrophe. […] Il se sentait, avec impatience, ramené à lui-même, et, par lui-même, il était si peu de chose : ce que l’avait fait l’Empire Romain, ce qu’il ne voulait plus être, en cette brûlante et mystique atmosphère de Byzance.
Dès lors, ne lui tenant plus rigueur de la réclame qui les avait primitivement mal disposés, ils se sont pris à réfléchir, et à écouter sans parti pris, avec ingénuité ; et ils ont senti qu’un jugement consciencieux ne se pouvait borner à l’examen de la seule lettre musicale, car l’art pour lui-même n’apparaît pas ici le vrai but de l’auteur. […] Nerveuses, électrisées, défaillantes, toujours prises de quelque faiblesse inexplicable, elles semblent être sujettes aux états exceptionnels, sentir travailler dans l’atmosphère commune des puissances ignorées des autres, en devenir, pour ainsi dire, les réceptacles et les transmettre à nous par une chaîne d’influences secrètes. […] Parfois, comme dans le petit tableau de la Madone aux Balances, où, sur le sein de sa mère, le Christ pèse les péchés des hommes avec les pierres du ruisseau, nous sentons une main assez rude si on la compare à celle du maître, et qui travaille sur une de ses fines suggestions ou de ses esquisses. […] Ils sentent bien que la musique est sacrifiée inutilement — songeant aux Maîtres Chanteurs si vivants avec elle, et par elle — qu’elle n’existe même plus, réduite au rôle de bruit de coulisse ou de trémolo des Ambigus ; que l’auteur se contente de noter les sentiments de ses héros, quels qu’ils soient, et dans une forme adéquate à leur réalité parfois vulgaire, et que jamais il ne s’efforce d’en styliser l’expression, ce qui, cependant, apparaît le but même de l’art — la photographie sans retouche étant presque travail de manœuvre.
Cet écrivain, dans ses trois livres, Al di là, No, Quartello, apparaît tel qu’un romantique décadent, s’inspirant de Leopardi, de Baudelaire, de Schopenhauer, assez indépendant pour avoir écrit : « À dire vrai, je n’ai jamais senti ni compris l’amour de la patrie » ; dans un autre roman, tout de jeunesse, Memorie inutili, il avait analysé les plus étranges observations de l’amour, en un mélange, dit M.
Professeur de psychiatrie à l’Université de Turin Pour qui a étudié sérieusement l’histoire des religions, il n’y a aucun doute : elles s’appuient sur une série d’erreurs qui viennent de quelques besoins humains, spécialement du besoin d’être protégés contre des forces, vis-à-vis desquelles nous nous sentons impuissants, comme les météores, les épidémies ; et, s’il se peut qu’une institution sortie d’une erreur puisse évoluer, elle finit toujours par tomber dans une autre erreur.