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2. (1908) Articles du Mercure de France, année 1908

Si on entend bien que l’artiste soit son prototype, cela ne prouve pas que chaque âme façonne son corps. […] Léonard admire tellement le corps humain qu’il s’indigne que de vilaines âmes puissent l’habiter. […] Une puissance unie à un corps : car l’esprit ne peut pénétrer dans le monde élémentaire sans un corps. […] Un corps aérien resterait soumis à la pénétration des vents qui sans cesse séparent les parties de l’air. […] Les corps ayant été rejetés à la côte, ils furent brûlés, par observance de la quarantaine imposée alors contre la peste.

3. (1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXX, numéro 249, 1er novembre 1907 »

Jusqu’alors j’étais resté pur même de corps, et j’avais cherché de toute mon âme cette affection puissante et terrible dont tous les hommes sont saisis au moins une fois. […] Je possédai le corps de femmes innombrables, et sentit battre sur ma poitrine d’innombrables cœurs d’amantes, et pas même une heure je ne fus capable de mêler mon âme à l’âme de qui m’aimait. […] « On dit alors que j’étais un vil débauché qui cherchait le plaisir du corps et méprisait l’amour. […] Et tous ces méprisants et tous ces méprisés ont eu le même nom, ont habité le même corps, ont apparu aux hommes comme un seul vivant. […] Après quelques minutes, je sentis que son corps s’enfonçait et devenait flasque.

4. (1900) Articles du Mercure de France, année 1900

De plus, l’anatomiste s’occupe d’une catégorie nettement limitée d’objets sur la nature desquels aucun doute ne s’élève, à savoir des corps humains. […] Les corps heurtés par les corps, fouettés par le vent et enveloppés par la fumée, avaient de la femme les formes exquises, et tenaient de la bête par les poses auxquelles les abaissait l’excès de la boisson, dans un oubli complet de toute pudeur. […] Son corps maigre était illuminé tout entier par l’immense clarté. […] Les corps agités et les crinières dénouées imprimaient sur le sol des ombres colossales et fugitives. […] Maintenant, l’ardeur de la soif apportait un intolérable supplice dans cet amas de corps humains.

5. (1909) Articles du Mercure de France, année 1909

Le corps cesse d’être un objet de scandale et les voluptés qu’il donne une cause de repentir. […] Il s’ensuit donc une délectation de tout le corps dans un mouvement doux et gracieux. […] Le cheval en tremble de tout son corps à la seule odeur. […] D’elles-mêmes m’ayant pris pour arbitre, elles me montrèrent à nu leur corps éblouissant. […] Amour a son existence dans la mémoire où gît l’impression de la chose aimée, comme la lumière dans un corps transparent.

6. (1911) Articles du Mercure de France, année 1911

Un corps mort tombe dans un canal… ! […] Rien n’est plus exaltant pour une imagination virile que l’acharnement des corps à corps. […] » Je veux que leur corps vous fasse songer à la volupté, éveillent vos désirs. […] Seigneur et toi, mon bon Lorenzo… dites-moi où il est, le corps de la Maurina. […] La volupté parfaite enchaîne l’âme aussi bien que le corps !

7. (1916) Articles du Mercure de France, année 1916

Nos yeux ne sont plus capables de s’arrêter sur un objet isolé, mais nous voyons à la fois les objets ou corps qui l’entourent. […] Et en effet Picasso, en décomposant un objet pour le reconstruire selon une idée individuelle de la réalité, procède esthétiquement comme Berthelot procédait chimiquement dans sa décomposition d’un corps organique et reconstruction de ce même corps. […] Il me semble qu’il est impossible de séparer le mouvement de l’objet ou corps qui nous en donne la perception. […] Quant à ce choix de corps qui se déplacent, il ne faut pas y voir un système ni une nécessité absolue. […] Pourvu que tu me caresses aux bonnes heures où le corps s’alanguit et où l’âme se sent trop seule.

8. (1898) Articles du Mercure de France, année 1898

Réaliste, épris de nature, il enferme la pensée mystique qui le guide dans le corps des hommes et des femmes qu’il a sous la main : la fille du peuple qui a quelque peu de front pose une Vierge, — sa Vierge d’Arezzo, — le premier montagnard venu un Christ : celui de sa fresque du Mont-de-Piété a le nez cylindrique, les lèvres épaisses d’un maure, les yeux caves et les extrémités grosses et communes, — mais le peintre, en dépit de ces réalités qui s’imposaient à lui, a su le rendre formidable et impressionnant quand même. […] Ils causent du « beau de l’architecture, qui consiste dans la proportion qu’on peut dire que c’est une partie divine, puisqu’elle tient du corps d’Adam, que la variété des ordres de l’Architecture a procédé de la différence du corps de l’homme et de la femme… ». […] Il était venu de Turin à la Verpillère en chaise à porteurs ; un carrosse à six chevaux l’amena de Saint-Laurent à Guillottière, et il fait son entrée à Lyon, le 22 mai, où les échevins le reçoivent en corps et lui offrent le « vin de la ville ». […] L’Académie vient le voir, en corps. […] Après cette contestation, il y en eut d’autres, car le roi ayant fait largesse, de cent pistoles, en pièces de 50 s., de 15 s., et de 5 s., qui ont été jetées dans la fondation, ç’a été une meslée furieuse de manœuvres, de travailleurs et mesme de soldats pour ramasser cet argent. » Comment les Perrault, Le Vau, Le Brun s’assemblèrent pour hâter le départ du Bernin et empêcher que son œuvre prît corps, cela est fort intéressant, mais dépasserait le cadre de cet article.

9. (1902) Articles du Mercure de France, année 1902

Ce livre est le fruit de plusieurs années de recherches diligentes et semble destiné à désespérer les critiques, qui pour en combattre l’exposé ou les conclusions devraient se jeter à corps perdu dans l’océan des textes et des documents qui ont rapport à cette époque. […] L’on a murré touttes les portes à l’exception de trois ; l’on a mis plusieurs corps à garder dans les rües… Nous sommes aussy retourné à nostre palais. […] Mais la Mère sait qui est le Fils ; elle le tient avec un respect infini couché contre son sein comme en un sanctuaire ; les longues mains font la croix sur le petit corps qu’elles touchent à peine, — et Lui, de ses deux bras levés, nimbe le sein maternel. […] Comme chez Raphaël, le bébé est nu ; mais, avec des mains bien plus fines et délicates, la mère évite de toucher le corps divin et c’est dans un lange d’une blancheur sacrée, c’est dans le corporal qu’elle tient l’hostie. […] Un beau pâtre assis sur un roc, le visage imberbe et demi-féminin, la chevelure au vent, le front couronné de lauriers, des yeux extraordinairement larges, abîmes où semble se résorber toute la vie ; l’attitude nonchalante, et lyrique pourtant, d’un bel animal humain, à peine vêtu ; on devine un corps d’androgyne ; de la main gauche il appuie à son genou une flûte de Pan, l’autre main s’étoile à la ceinture.

10. (1917) Articles du Mercure de France, année 1917

En dépit de ses airs, romances, ballades ou cavatines, la musique de Verdi fait corps avec le drame. […] Jusqu’à quel point les objets et les corps peuvent-ils influencer notre propre mouvement ? […] Toute philosophie tendant à séparer le corps de l’esprit est anti-scientifique et me paraît absurde. […] Les corps chargés de la défense du cours de la Piave ne se sont pas moins bien acquittés de leur tâche. […] Il ne se passa rien de tel, sur l’Isonzo, où, si l’on fait exception de quelques corps mieux en main, la défense a été nulle.

11. (1918) Articles du Mercure de France, année 1918

Des proclamations du général Diaz affichées dans toute l’Italie menacèrent de mort ceux qui ne rejoindraient pas leur corps dans les cinq jours. […] Les corps du centre, sous les ordres du G.  […] Il y a le Sanmarco, journal du 8e corps d’armée. Il y a La Marina italiana, journal de la marine, et La Voiussa, journal du corps d’occupation d’Albanie. […] C’est le 18 juin 1836 que le général Alexandre La Marmora fonda le corps glorieux.

12. (1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXVIII, numéro 244, 15 août 1907 »

Un jour la Charpillon vint le trouver, et, modestement, avouant ses torts, entreprit d’expliquer sa conduite ; comme suprême argument, elle se dévêtit et montra sur son corps les traces visibles des justes brutalités dont elle avait souffert. […] La vie prodigieuse des sens, les jeux variés du corps, la savante ou brutale harmonie des caresses, la préoccupation constante, exclusive, de la femme et de l’amour, tels sont les motifs essentiels qui dominent son œuvre : ils sont de ceux que l’observation personnelle ne suffit pas à entretenir ; il y faut une documentation plus riche, plus humaine aussi.

13. (1895) Articles du Mercure de France, année 1895

Peu à peu l’effort d’une remontée de ce fleuve rapide du temps le fatiguera ; il tombera dans la peinture, sans équivoque, des scènes modernes — sans en lire le hautain caractère de désespoir ou l’ardente suggestion d’enfer ; — il s’enivrera de cette apparence qu’il appelle la beauté, et qui ne sera plus en ses mains qu’une forme vide semblable à un ballon qui, dégonflé, traîne à la surface du sol, raclant la boue ; il se vouera à l’à-vau-l’eau de la mode et des offres ; il se prostituera corps et âme au plus cynique des métiers. […] Ils veulent en cette Rome si triste, où jadis, par les rues papales, on portait en procession les beaux marbres païens avec la même joie que le corps d’un protomartyr, — ils veulent qu’on y revoie et qu’on y acclame le triomphe de Venus Victrix ; et, vainqueurs ou vaincus, ils auront laissé trace de leur lutte.

14. (1903) Articles du Mercure de France, année 1903

 » Certes, il a la note réaliste, quand il (Vinci) dit : “L’homme, comme l’animal, est un canal pour la nourriture, un lieu de sépulture pour les animaux, une auberge de mort, une gaine de corruption et il ne conserve sa vie que par la mort d’autres créatures”, mais il proclame “que l’Âme est indépendante de la matière et que notre corps est le sujet du ciel, comme le ciel est le sujet de l’esprit”. […] Son corps est à Rome, tandis que son cerveau vit à Paris, et il voit tout, les hommes, les passions et la société, selon le dernier mot de la vie parisienne. […] En honnête homme, puissant de corps et d’esprit, et en homme qui vit en pleine nature, témoin journalier des leçons que donnent souvent les animaux, Segantini ne conçoit pas l’idée de l’amour séparable de l’idée de famille, et les préludes idylliques du poème humain l’intéressent moins que la poignante épopée de la lutte pour la vie qui en est la suite, moins que le drame final dont le douloureux et inoubliable Retour au pays natal et La Foi réconfort de la Douleur parlent si éloquemment. […] L’héroïne principale offre la magnifique gorge de son puissant corps, si bien fait pour la maternité, à la caresse lunaire, et l’arbre semble ployer, élastique, sous le poids de ces grandes créatures noires qui l’assiègent et pendent à ses branches comme d’étranges et ténébreux fruits d’ivoire et de crêpe. […] Lui et elle, vêtus de triomphales tuniques de lin blanc qui laissent transparaître la beauté et la force de leurs jeunes corps, semblables à des archanges qui entreraient dans le royaume des cieux, à travers une lande toute fleurie de rhododendrons et toute encerclée de resplendissantes montagnes qui semblent en pierreries, ils s’avancent vers une abondante source d’eau vive, la fontaine gardée par l’ange grave et mystérieux, tout blanc sous l’accolade de ses ailes immenses, la plus magnifique paire d’ailes qu’ait jamais rêvée artiste épris de blancheur et de réalité.

15. (1904) Articles du Mercure de France, année 1904

Dans la polyphonie « monodique », le son était une sorte de « corps simple », une matière isolée et inerte, manipulée et amalgamée au gré du combinateur, soumise à sa volonté. […] Qu’il y ait du faune dans l’auteur du Canto Novo et de l’Intermezzo, il n’y a qu’à lire ses premiers vers pour s’en convaincre : les exigences sans mesure de ses sens y tiennent une grande place ; un jour d’été, il guette à l’ombre d’un platane la nymphe craintive qui cache mal sous ses longs cheveux la nudité de son corps agile ; il la poursuit sous les oliviers, il l’atteint, la terrasse et la possède sur l’herbe, chaude de son désir, plonge les mains dans sa fauve chevelure, et vibre tout entier « comme une flamme sonore », tandis que les arbres, les collines et la mer exaltent sa vigueur triomphante. […] Hugo, il écoute, pensif, le chant sauvage qui s’éveille en mai dans la forêt, sur la mer, sur les moissons et les vignes en fleurs ; et ce chant est en lui, les vibrations éternelles du monde retentissent dans son cœur mortel, les germes de toutes les vies bouillonnent dans sa vie humaine : quand il s’étend au fond de sa barque, livré aux caprices de la mer, offrant au soleil ses membres nus, il sent de son corps gigantesque s’élever une forêt et naître l’île inconnue que des matelots découvriront un soir. […] L’ardent parfum qu’exhale un corps de femme fait songer à un fruit mûr : « Il y avait dans cette odeur une vision de fruits mûrs, de miel, de chevelures, de belles bouches brûlantes et de toutes les choses impures. » (Intermezzo, Preludio). […] La peau de sa tête semblait couverte d’un duvet vaporeux… comme le corps d’un poulet plumé qu’on va flamber.

16. (1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXIX, numéro 248, 15 octobre 1907 — Fin du tour d’Italie en 1811 — [Premier extrait] — Chapitre LXIII »

M. de Saint-Nom nous a aussi raconté (bêtise de voyageur, L.) qu’ils font une espèce de corps et qu’ils élisent un Roi qui est toujours pensionné par le gouvernement.

17. (1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXIX, numéro 248, 15 octobre 1907 — Fin du tour d’Italie en 1811 — Dernière partie du « Journal » — Second séjour à Milan — Chapitre LXXVI »

Mais d’abord l’anxiété de l’attente et ensuite ce qu’elle me disait agitaient trop l’esprit pour que le corps pût être brillant.

18. (1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXVIII, numéro 242, 15 juillet 1907 »

C’est une figure de jeune femme enveloppée d’un ample chiton qui tombe de son épaule droite et d’une draperie plus mince qui laisse transparaître les formes d’un corps admirable ; le bras droit manque, la main gauche tient un large disque brisé sur lequel on voit les restes d’une couronne d’olivier et d’un écrin qui devait être supporté par de petites griffes.

19. (1899) Articles du Mercure de France, année 1899

N’était-il pas suffisant pour eux qu’il s’agît d’un étranger, qu’un syndicat, non, un comité contenant des « personnalités en évidence » ait pris sa cause en main, que le chef de l’État et une partie du corps diplomatique aient promis d’assister à son premier concert, et que le prix habituel des places ait été au moins doublé ? […] Et au revers alors, dans un infini paysage que ferment des collines douces, une jeune fille se dresse au corps gracile de vierge, aux seins menus, aux bras grêles, la main appuyée sur le bouc-licorne couché à ses pieds, symbole de science et de pureté ; dans le lointain un cippe avec ces mots : OPVS . […] Voilà qui nous montre bien la manière dont Léonard choisissait ses élèves : c’étaient des hommes que distinguait quelque charme naturel du corps ou de l’esprit, comme Salaino, ou une naissance illustre et des habitudes princières, comme Francesco Melzi, — des gens ayant juste assez de génie pour recevoir l’initiation à son secret, mais disposés à effacer pour cela leur propre individualité. […] Léonard choisit un épisode de la bataille d’Anghiari, où deux corps de soldats combattent pour un étendard. […] Un instant leur âme frémit de joie : le vent chassait les flammes, les empêchait d’atteindre le corps de Savonarole que l’on distinguait tout entier au-dessus d’elle ; mais bientôt elles se redressèrent et étreignirent leur proie.

20. (1913) Articles du Mercure de France, année 1913

Aussi ne se pouvait-il pas que nous continuions à vivre ainsi, séparés l’un de l’autre plus de la moitié des jours, et, pendant cet espace, comme des corps sans âme. […] Mais toutes ses paroles, ce projet de mariage, ses compliments, là, devant le corps de sa fille évanouie, et quand je venais de l’outrager gravement, il était clair que ce n’était qu’un jeu… Cet homme ne pouvait que me haïr et désirer ma mort. […] Et contempler les lignes du paysage ou bien celles de son visage et de son corps me purifiait également l’esprit. […] M. d’Annunzio se conforme même au principe historique qui imposait une passion vive à tout chroniqueur : il semble animé d’un si violent esprit de parti, hostile à Cola, que celui-ci n’apparaît que dans une grande laideur de corps et d’âme. […] À l’actif de chacun d’eux il y avait au moins une toile qui prouvait qu’ils savaient admirablement leur métier de peintre avant de se créer un corps de doctrine nouvelle.

21. (1906) Articles du Mercure de France, année 1906

Le langage tragique et le rythme du corps, sont la musique subtile de la Tragédie ; par cette « musique » de ses attitudes et de sa langue, l’acteur devient ou peut devenir un lumineux réflexe de l’artiste. […] Alors le théâtre ne se bornera pas à répéter des faits de corps et de combinaisons et de chocs de corps, où l’âme est lointaine ; il reproduira des faits d’âmes et des états d’âmes ; il sera général et profond. […] Voici qu’un Pape est enterré dans la baignoire Où des corps nus… Souviens-toi de ces tièdes corps ! […] Les habitants, a-t-on dit, avaient eu le temps de s’éloigner et les corps de ceux dont le moulage fut pris par les cendres étaient en infime quantité. […] Ce chapitre est intitulé la fin d’une Aristocratie dans le corps du volume, alors que, dans la table des matières, son titre, bien meilleur, est Fulvie et la Guerre agraire en Italie.

22. (1912) Articles du Mercure de France, année 1912

D’abord les futuristes abordent hardiment la peinture littéraire et la plus complexe, deuxièmement leur peinture ne considère ni les corps comme opaques, ni les plans comme résistants. […] Devant la Danse du Pan-Pan à Monico, il est impossible de ne point admettre le bel élan des corps des danseuses qui forment le groupe central, la joliesse, de l’épisode de gauche, l’entrée d’une femme par l’escalier (à la mode futuriste amalgamés dans l’ensemble) et la vie de toute cette foule. […] Quand, dans les casernes, on engageait les soldats à se joindre volontairement au corps d’expédition, pas un ne bougeait. […] Voyez ses corps féminins nus, heureux de leur santé, se complaisant près des eaux courantes, sous le soleil qui les chauffe et les fait vermeilles, qui allume dans leurs veines la flamme d’un désir encore timide mais déjà un peu pervers ; ses portraits de mères, d’adolescentes ou de mondaines inconscientes d’être si belles, de répandre tant de volupté : quel mystère ! […] Il s’agit de faire disparaître les traces de ce crime ; Casanova, en vrai Castillan, se dévoue, charge le corps sur son dos et va le jeter à la rivière, puis rentre chez lui tout pantelant.

23. (1897) Articles du Mercure de France, année 1897

Les femmes qui, dans les tableaux de notre Vecellio, étalent bravement Sous une courtine pourprée… Dans sa pâleur mate et dorée Un corps vivace où rien ne ment, ne sont pas des courtisanes, mais de libres et nobles dames qui faisaient l’amour selon leur bon plaisir, non par métier. Comme les courtisanes grecques dont elles avaient la tradition, nos admirables cortigiane de jadis se tenaient le corps aussi net et poli qu’un marbre et, quoique cela puisse contrarier nos goûts moins raffinés, il aurait été impossible, et malhonnête, de louer leurs charmes en proférant ce vers de Virgile : Muscosi fontes et somno mollior berba .

24. (1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXVI, numéro 236, 15 avril 1907 »

Notre corps expéditionnaire occupa Rome.

25. (1914) Articles du Mercure de France, année 1914

Antonio pensait que Beppo était le seul être qui lui fût dévoué, corps et âme. […] Comme s’ils n’étaient pas morts ceux qui auraient pu rendre la beauté de ce front, deviner le secret de ces yeux, dessiner cette bouche, ces mains, ce corps ! […] Il a mission de geôlier auprès de la signora Aurora Stella-Lucente, à qui il est dévoué corps et âme. […] Antonio priait la femme de Beppo (son ancienne maîtresse) de venir prendre le corps de son mari. […] Au moment du sac d’Alexandrie par le Soudan d’Égypte, on apporta dans la cité des doges le corps de saint Marc auquel fut dédiée la première basilique, et qui resta le palladium de Venise. — Je ne puis suivre M. 

26. (1910) Articles du Mercure de France, année 1910

L’âme chrétienne s’involuant dans le corps du penthalte d’Olympie, quel subtil assemblage, et bien digne de nos méditations, car le triangle de l’expérience historique a l’Égypte et la Grèce pour base et le Christianisme pour sommet. […] Le maître autel de l’église contient les corps de saint Ambroise, saint Gervais et saint Protais en une caisse d’or et d’argent, ornée de diamant. […] Le corps est tombé au premier plan et le sang paraît devoir jaillir hors du tableau. […] L’exaltation de la grande spiritualité moderne, celle de la conquête des airs, courbe ses flammes sur deux corps enlacés, sur l’éternelle dispute de la chair avide et insatisfaite, à la fois proie et bourreau, et perd toute signification réelle. […] Petite et fluette, elle touche à peine le sol, et elle semble n’avoir pas de corps, tant elle est souple et agile, et quand elle est au repos, « elle est comme une aimable figurine taillée par la main d’un artiste ».

27. (1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXIX, numéro 248, 15 octobre 1907 »

Avec lui la figure prend corps isolément, le groupe se détache bien du fond, le moindre détail est infiniment soigné, les couleurs, tout en restant les anciennes, sont accordées dans une gamme et avec une finesse nouvelles.

28. (1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXVI, numéro 235, 1er avril 1907 »

Pareil au fruit mûr qui se détache de la branche sans effort, notre âme se sépare sans douleur du corps qu’elle habitait.

29. (1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXVII, numéro 237, 1er mai 1907 »

La libre spéculation religieuse n’en fut pas diminuée ; mais elle ne trouva pas d’écho dans les corps religieux, dominés avant tout par la préoccupation de l’orthodoxie littérale et formelle ; et le terrain lui a pour ainsi dire manqué pour se traduire en vastes mouvements collectifs et prendre forme dans les doctrines et dans les rites.

30. (1894) Articles du Mercure de France, année 1894

Parmi une telle effervescence, devant un tel abandon de tout ce qui tient au corps, l’art florissait poussant ses immenses lys de pierre : les cathédrales, les chapelles, les couvents ; couvrant les murs de ses romans, de ses contes, de ses rêveries ; volant trop haut pour s’attarder à un pittoresque étroit : s’élevant toujours au-dessus de son objet, il apportait à l’œuvre ce vague qui est la songerie même de l’inconnu, et cette précision expressive si intense qui ne peut faire douter du but qu’il voulait atteindre.

31. (1905) Articles du Mercure de France, année 1905

Un tourbillon lumineux s’était ouvert au-dessus de son corps, puis s’était refermé, transformé en un cercle, en une infinité d’ondulations qui s’effaçaient par degrés à la surface agitée du fleuve. […] Je vois ton corps velu qui s’agite et qui grimpe Sur les monts azurés des temps qui vont venir… Un poète lyrique de cette sorte, c’est-à-dire épris des réalités, maître d’une science aussi étendue du vers, un poète qui ne sacrifie point à la manie romantique du développement et dont la nature de l’inspiration est plus impersonnelle que subjective, puisqu’il ne ramène point la perception de tout l’univers à son état d’âme, peut-être d’un grand secours à la poésie dramatique. […] Ainsi mis au service de toutes les forces sociales, de toutes les ambitions, de toutes les avidités, ainsi transformé, « ce grand corps aristocratique n’avait plus de force, il ne gouvernait plus ». […] Le créateur de la guerre et de la politique personnelles, directes, césariennes, substituées à l’action lente et plus ou moins timide des corps politiques et des généraux commissionnés, c’est lui. […] et dans la belle évocation qui se termine par la strophe fameuse : La gloire efface tout, tout excepté le crime, Et son doigt me montrait le corps d’une victime : Un jeune homme, un héros d’un sang pur inondé, Le flot qui l’apportait passait, passait sans cesse, Et toujours en passant la vague vengeresse                Lui jetait le nom de Condé.

32. (1901) Articles du Mercure de France, année 1901

Et alors, tandis que Marco Cybo, s’arrachant aux bras de Nicoletta, monte rapidement voir l’ami qui se meurt, on entend un bruit sourd, le choc d’un corps qui tombe et s’écrase sur le pavé. […] Au moment même où on dirait, selon le mot de Voltaire, qu’il a “le diable au corps”, son style, qui semblait avoir emprunté aux tourbillons dantesques ses intonations et ses couleurs, s’élève vers les cieux limpides de la spiritualité et se purifie… Jamais la langue, a dit Saint-Victor, n’a été forcée à un plus hautain paroxysme ; là, elle est quelque chose de brutal et de fin à la fois, de violent et de délicat, d’amer et de doux.

33. (1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXV, numéro 231, 1er février 1907 »

La nouvelle tragédie méditerranéenne, où tous nos dieux apparaîtront dans la lumière, où la pensée humaine, art, philosophie et science, se sublime dans ses teintes d’aurore nouvelle, où le corps et l’âme, le paganisme et le christianisme, la Danse et l’Extase, seront réconciliés, et dans leur parfaite harmonie montreront encore au monde la puissance joyeuse de la vie, se compose déjà peu à peu, dans notre inconscient, des éléments qui, de tous les pays méditerranéens en réveil, élèvent leurs voix de renaissance, et que, comme autrefois à Athènes et à Rome, on sent palpiter dans une formidable synthèse, à Paris, l’antique Civitas philosophorum, centre du monde méditerranéen moderne.

34. (1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXVI, numéro 234, 15 mars 1907 »

Franchise d’âme et force de corps sont ordonnées pour la chevalerie ; soumission et habileté pour un serviteur.

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