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2. (1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXVI, numéro 235, 1er avril 1907 »

Je ne veux pas discuter ici l’analogie que Gabriel d’Annunzio a découverte entre sa vision tragique et l’ancienne. […] Les raisons de sa défaite ne sont pas dans le temps, dans le milieu, dans une volonté extérieure et toujours indéfinissable et qu’on ne peut exprimer qu’en symboles, elles sont dans le caractère du protagoniste : elles sont psychologiques, elles ne sont pas tragiques. […] Au surplus, d’Annunzio s’y révèle comme un commentateur vraiment rare de l’esprit tragique ancien. […] Dans Plus que l’Amour, la stérilité du geste tragique éclate toujours.

3. (1905) Articles du Mercure de France, année 1905

Des paysans amènent à la maison tragique Lazaro blessé. […] Le fait tragique est accompli. […] Et cette « tragédie », qui reprend le thème tragique du Fatum, ne nous semble-t-elle pas reposer que sur le Hasard ! […] Ce baptême tragique révéla immédiatement le caractère original d’un jeune poète de vingt ans qui, ayant détruit plusieurs chants de sa lyre, se présentait au public par un hommage très sincèrement rendu au grand tragique grec. […] L’abus que son auteur fait de l’élément comique à côté du tragique y est une cause de désordre, très souvent laid.

4. (1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXX, numéro 252, 15 décembre 1907 »

Le rêve ne se révèle pas en un langage de paroles, il est scénique, terriblement scénique, il se révèle en un langage incomparable d’attitudes, de gestes, de situations tragiques, dramatiques et pathétiques, qui enveloppent l’action dans une atmosphère de musique héroïque et sensuelle, d’où la vision de Venise surgit, tel un triomphe de flammes sur un incendie perpétuel d’âmes. […] Le mouvement de renaissance tragique, si développé en France, comme chacun sait, depuis dix ans, trouve, dans la dernière tragédie encore inédite de M.  […] Enrico Corradini est un aristocrate et un impérialiste ; des socialistes l’ont reconnu tel dans Charlotte Corday, et n’ont pas admis l’œuvre, où une vision tragique hautaine et nouvelle de la créature révolutionnaire, poussée à son acte par sa culture hellénisante, montre, selon l’idée de M.  […] C’est dans ce rêve perpétuellement renouvelé à tous les carrefours de l’histoire que s’accomplit la transformation des êtres éphémères en êtres typiques, et c’est là que le poète doit chercher les « types humains » dignes de devenir par l’art créatures tragiques.

5. (1904) Articles du Mercure de France, année 1904

Maintenant, seuls les murs du Tabularium surplombent les grandes ruines tragiques de la Ville Éternelle. […] Nulle part elle n’est mieux exprimée que dans la Gioconda : Lucio le sculpteur doit aimer Silvia, l’épouse qui est toute douceur et toute bonté ; il veut l’aimer, il s’efforce de dompter la révolte de sa tragique passion. […] Chez d’Annunzio, la rencontre est plus tragique et plus imprévu le réveil : la mère a arraché à l’amant, sur son lit de mort, le secret qu’il ne peut plus lui refuser. […] Le lecteur ne les lira guère, tenté d’abord par ces histoires d’amour, quelquefois tragiques, quelquefois comiques, toujours belles comme la vie. […] Il y a une sorte de gageure du malheur, dans cette vie hautaine et tragique, fausse ?

6. (1908) Articles du Mercure de France, année 1908

Le Saül d’Alfieri souffre tous les tourments de ses devanciers tragiques. […] Nul poète « méditerranéen » n’a été profondément psychologique, les poètes tragiques moins que les autres. […] Nos poètes tragiques ont excellé surtout dans le pathétique des situations et des attitudes. […] L’élément intermédiaire entre les deux forces en conflit tragique : Saül et David, la femme, a été doublé pour M.  […] Poizat d’ajouter à la pièce, est contraire à l’esprit fier, âpre, de la très rapide réalisation tragique rêvée par le poète italien.

7. (1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXIX, numéro 247, 1er octobre 1907 »

Le maître d’antan est devenu indéniablement le plus grand poète tragique méditerranéen de notre temps. Par cela même il est à peu près isolé dans son pays, où le renouveau du Théâtre, dans le sens de la Renaissance tragique de nos spectacles de plein-air commence à peine à trouver des adeptes non encore fervents.

8. (1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXVIII, numéro 243, 1er août 1907 »

D’Annunzio demeure isolé, enfermé dans ses grands rêves tragiques ; l’esprit littéraire italien, fatigué de l’antique domination du poète froid des élégances, ne comprend pas encore que celui-ci a atteint le plus pur sommet de sa force avec ses tragédies. L’Italie jeune ne veut plus le suivre, et, dans le sens nouveau de la renaissance tragique, si étroitement liée à la renaissance méditerranéenne de demain, elle ne saurait encore le comprendre.

9. (1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXIX, numéro 248, 15 octobre 1907 »

S’il y eut bien de l’indécence, ce fut aussi une scène noblement tragique, que celle où l’ex-doge Ludovico Manini, le dernier doge de Venise, au moment de prêter serment d’obéissance entre les mains de Pesaro, son propre compatriote devenu commissaire autrichien, fut saisi d’une telle émotion qu’il tomba sans connaissance. […] À nous faire voir plus loin que celle-ci, l’historien eût, dans celle-ci même, mis un tragique secret, qui eût complété l’évocation psychologique.

10. (1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXVIII, numéro 244, 15 août 1907 »

On attendra plus longtemps encore cette pièce savoureuse à costumes et à décors, qui, sous le titre de « la Jeunesse de Casanova », ferait revivre toute la folie tumultueuse et tragique de Venise au xviiie  siècle ; sans doute restera-t-elle endormie dans les cartons de l’érudit Lauvereau… En tout cas, le beau roman de H. de Régnier a dû valoir à Casanova toute une phalange de lecteurs nouveaux. […] On peut remarquer que la propriété de San-Cesario, sur la route Labicana, a été reconnue comme celle de la villa de Jules César, dont parle Suétone, où le grand conquérant fit son testament quelques jours avant sa mort tragique.

11. (1909) Articles du Mercure de France, année 1909

L’esprit tragique chrétien ranime, et remue profondément le cœur de la petite population par la célébration de son unanimité religieuse. […] Rien de tragique, certes, n’a traversé la belle jeunesse de Dom Destrée, épris uniquement de peinture, de musique et de poésie. […] Ce poète demeure le plus grand poète tragique vivant des pays méditerranéens. Et si l’on en excepte, en Italie, le beau poème tragique de M.  […] Nous, personnes pieuses, nous réconfortions par toute sorte de gestes tragiques les esprits fatigués et exténués par de nombreux jeûnes.

12. (1898) Articles du Mercure de France, année 1898

Mme Sarah Bernhardt a été admirable dans le rôle d’Anne : dès l’ouverture du rideau, elle a su, par le son même de la voix, pour ainsi dire, suggérer qu’elle était aveugle ; elle a eu les cris de douleur les plus tragiques, et aussi les plus doux murmures d’amour et de tendresse ; et je ne crois pas qu’on oublie jamais la gaieté caressante, enfantine, et un peu mélancolique, avec laquelle elle raconte à sa nourrice la légende d’Io. […] Ailleurs, une femme dans un fauteuil s’étire avec une pose tragique et apprêtée, c’est désagréable et faux, mais il y a un fond de tentures, de feu et d’étoffes assez joliment réussi. […] Coloriste tragique, Thaulow résume et condense la tristesse farouche, la menace des quais excentriques et des lagunes stagnantes. […] C’est, dans les projets de M. d’Annunzio, le premier pas vers son théâtre tragique d’Albano ; un rêve encore lointain, pour lequel travaillent et le poète de la Ville Morte et des jeunes auteurs enchantés de cette renaissance magique. […] Il en arrive à déchirer le portrait de sa femme dont le jeune André lui avait fait cadeau ; sa femme est morte, et ce tableau, toujours devant ses yeux, lui rappelle l’au-delà formidable ; il est mesquin, gauche et tragique, ce pauvre vieillard ; M. 

13. (1911) Articles du Mercure de France, année 1911

Ils portent le même masque social, et celui-ci, point martelé dans l’airain tragique, paraît vraiment pétri dans du papier mâché. […] Quelqu’un qui l’avait vu, aimé ou haï, allait enfin me parler de lui et me livrer, peut-être, le secret de cette tragique existence ! […] Dans le cas contraire, avec une maîtresse maladroite, il ne s’attachait pas, il ne pouvait guère aimer que par à-coups, par caprices ; et comme Laura Bon, être de plus de générosité que de finesse, prenait toujours au tragique ces sautes d’un sentiment qu’elle était inhabile à gouverner, elle pouvait devenir assez ennuyeuse. […] Quelle scène tragique ! […] … Je le comprends : elle l’a voulu… c’est une femme qui, d’un regard, d’un sourire, transforme un lâche en héros, un timide en assassin, un loyal ami en traître… Raconte… raconte… Zaratto… puisqu’elle ne t’a pas appartenu… Jamais je n’avais assisté à une scène plus tragique et plus belle.

14. (1897) Articles du Mercure de France, année 1897

Ce sont des histoires d’amour : la seconde, la Rose rouge, ornée de délicieuses descriptions ; la première, tragique, un suicide final rachetant une trahison d’amitié. […] Marginalia Le Théâtre des Muses Nous allons avoir en Italie, aux portes de Rome, sur les bords enchanteurs du lac d’Albano, un Théâtre Tragique.

15. (1915) Articles du Mercure de France, année 1915

Mais ce n’est pas la seule question qui préoccupe ceux qui, à cette heure tragique, sont responsables des destinées de leur pays. […] Homère, Anacréon, Hésiode, nos poètes tragiques, est- ce qu’ils n’ont pas plus de choses à m’apprendre que ces méchantes feuilles de Salonique ou d’Athènes avec leurs mensonges ? […] Je dis : que nous croyions animer, parce que pour tous les honnêtes et loyaux militants du parti socialiste, l’on ne peut pas ne point admettre que la social-démocratie allemande — et les deux ou trois exceptions de Liebknecht, Rosa Luxemburg et Clara Zetkin ne sauraient influencer le jugement — apparaît désormais d’inéluctable sorte comme la plus grande et la plus criminelle responsable des conditions tragiques où se trouvent actuellement les peuples de l’Europe, assiégés par la barbarie la plus atroce que l’Histoire ait jamais connue, la barbarie teutonne. […] Une telle réunion s’imposait avant tout à la conscience des dirigeants du parti, qui devaient sentir la nécessité d’interpeller toutes les organisations sur la ligne de conduite à tenir au moment le plus tragique de l’histoire des nations, au moment où l’Italie devait entrevoir sa grande mission de tutrice de la liberté des peuples et de la civilisation véritable, je dirai plus : de l’avenir de l’humanité.

16. (1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXV, numéro 231, 1er février 1907 »

Les livres : Juvenilia (1850-1860), Levia Gravia (1861-1871), Giambi ed Epodi (1867-1879) contiennent particulièrement l’élan patriotique, la fureur tempétueuse, de cet Italien qui assista aux événements les plus tragiques et les plus décisifs de sa patrie. […] Dans son livre le Tragique Quotidien, dont le titre semble emprunté à une expression devenue peu rare en français, M. 

17. (1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXVI, numéro 234, 15 mars 1907 »

Pour qui met quelque doctrine dans ses œuvres le mode tragique s’impose dans le chant du salut, de l’amour et de la vertu. […] La chanson est l’assemblage tragique de stances égales, sans dialogue, dont une sentence sera le but final.

18. (1901) Articles du Mercure de France, année 1901

Il touche souvent à la perfection, et la représentation des sentiments les plus divers trouve dans la poésie du poète des attitudes nouvelles, exquises ou tragiques, hardies, violentes ou délicatement nuancées. […] Quant au palais de Tibère, qui étageait ses constructions, ses colonnades, ses portiques, ses colonnes triomphales à la pointe d’un rocher surplombant à 300 mètres le niveau de la mer, c’était bien le nid d’aigle qu’on pouvait rêver pour le César vieilli, soupçonneux, misanthrope, ruiné de débauches, poursuivi par le souvenir de ses crimes, — et cette ville tragique, par sa somptuosité fabuleuse autant que par la beauté de ses lignes, au sommet de ce promontoire pittoresque, vient heureusement réhabiliter, dans les planches de M.  […] D’Aurevilly a décrit tous les délices des sens, il est entré dans la forêt des vices, il s’est fait l’historien du mal : mais en somme son œuvre est celle d’un moraliste, qui a éclairé d’une tragique lumière la corruption de son siècle… » Si l’on trouve exagéré l’enthousiasme du critique italien, on conviendra peut-être cependant qu’il est plus raisonnable et plus équitable que la froideur de nos professeurs de littérature devant l’auteur inimitable, après tout — des Diaboliques.

19. (1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXVI, numéro 236, 15 avril 1907 »

» Ainsi comprise et développée la donnée du drame primitif revêtait une portée bien plus large et bien plus tragique.

20. (1910) Articles du Mercure de France, année 1910

Rodocanachi, du reste, ne donne pas une restitution suffisante du tombeau impérial, mais un long historique de ses premiers siècles ; ce fut à l’époque d’Aurélien qu’il devint une forteresse, — la citadelle bientôt des papes, formidable et imprenable pour le temps, et toute l’histoire tragique et mouvementée de Rome et du Saint-Siège au moyen-âge s’évoque à l’ombre de ses murailles qui ont vu des sièges et des batailles innombrables. […] Malgré ses emprunts, nombreux et toujours reconnaissables, quoique admirablement « arrangés », il est le plus grand poète tragique méditerranéen d’aujourd’hui. […] La dette du sang même n’est pas toujours imposée par le sentiment intime du précepte du « sang qui appelle le sang », selon la formule tragique fixée par Eschyle. […] Les uns se considèrent avec une sorte d’effroi tragique dans un décor aussi chargé de littérature et, anxieusement, s’interrogent à toute minute pour savoir s’ils vivent encore et comment ils vivent. […] C’est à la fois, comme dit Maurice Donnay, « la Ville pour lunes de miel et pour ruptures » et la cité tragique où l’on goûterait, avec quelle volupté chargée de littérature !

21. (1902) Articles du Mercure de France, année 1902

Bilora est un court drame, fruste, violent, tragique et bouffon à la fois, et qui, un peu allégé, serait d’un très puissant effet. […] Fournier-Sarlovèze à Claude Lullier, l’évocation des ardentes luttes électorales dans les municipalités du xvie  siècle, luttes captivantes et tragiques où les vaincus pouvaient trouver pis que la mort, la torture, témoin ce partisan de Gauthiot, le pauvre Lambelin, anticlérical de l’époque, qui, après la défaite de son candidat par le cardinal de Granvelle, fut accusé de complicité avec les hérétiques et subit la question des mitaines de bois dont il était inventeur et qui broyaient méthodiquement les os de la main. […] Ojetti vient donc de raconter un tas d’aventures amoureuses, souvent charmantes, jamais tragiques ; l’auteur ne semble pas croire à la tragédie, quoiqu’il soit ami de M. d’Annunzio.

22. (1913) Articles du Mercure de France, année 1913

Gabriel Faure donne des pages d’agréable critique ; c’est ensuite Modène, qui garde, outre le Dôme, des coins de vieux remparts ; Bologne avec San Petronio et les admirables sculptures de Jacopo della Quercia ; la route de Rimini avec Imola, Faenza, Forli, — la campagne autrefois cultivée par les Romains, — Ferlimpoli, Césène, enfin Rimini avec San Francesco, la porte Aurea et le souvenir tragique des Malatesta. — Mais on parle peut-être un peu trop de peinture dans les livres de M.  […] Mais si Barye, parfois amusé, est le plus souvent tragique, M.  […] On suivra le rêve éperdu du dramaturge épris de la grande leçon tragique laissée par Villiers de l’Isle-Adam. […] Le tragique parfois atroce de ses maximes est d’un homme conscient des duretés de son destin, et ravagé par ces duretés, ravagé, oui, jusqu’à telles bassesses de conduite (mêlées d’ailleurs de comportements fort dignes) : mais il n’est jamais le tragique subalterne de la victime plaintive, du martyr démonstratif.

23. (1918) Articles du Mercure de France, année 1918

Ainsi se vérifia une fois de plus, durant ce novembre tragique, cette vertu des promptes et fortes réactions qui appartient aux Italiens plus qu’à n’importe quel autre peuple latin. […] J’ai vu, à Fagare-di-Piave, cette île caillouteuse, qu’on n’appelle plus aujourd’hui que l’Isola dei morti, plus tragique que l’île des morts que nous devons à l’imagination romantique d’un Bœcklin. […] C’est sur l’ensemble de ce ressaut du terrain, aux lignes tourmentées et aux déchirures profondes, que la lutte a pris un caractère tragique par la violence et l’obstination de l’attaque, par la stoïque résistance des défenseurs, par la grandeur des conséquences en jeu. […] Elle exprime le leit-motiv si amplement développé depuis par Crispi et ses comparses et dont les variations les plus notoires furent : l’imbroglio tunisien, la combinaison triplicienne, l’infortuné pèlerinage royal à Berlin, sans parler de menus airs, tout aussi ridicules, ou tragiques. […] Sera-t-il besoin de rappeler qu’à des époques dont le caractère était loin d’égaler en splendeur tragique la nôtre, les scènes lyriques italiennes retentissaient des puissantes inspirations de Rossini, que l’on y chantait les chœurs de la Norma, des Horaces et Curiaces de Mercadante, les duos des Puritains et de Marin Faliero, ce doge de Venise décapité en 1355, sans parler du cycle entier de Verdi, de Nabucco à Attila, à Macbeth, à la Bataille de Legnano ?

24. (1907) Articles du Mercure de France, année 1907 « Tome LXX, numéro 249, 1er novembre 1907 »

Moi, qui depuis des siècles et des siècles parcours le monde, à qui ma solitude a appris à méditer ; moi qui suis devenu comme Œdipe errant, déchiffreur d’énigmes et philosophe tragique, je vois bien quel enseignement ressort de ta lamentable histoire.

25. (1892) Articles du Mercure de France, année 1892

et le choc qui produit les catastrophes vraiment tragiques ?

26. (1912) Articles du Mercure de France, année 1912

M. d’Annunzio a pu même donner à sa patrie, par la puissance de son œuvre tragique, un semblant de théâtre national. […] C’est que toute l’inspiration pascolienne s’est ouverte sur son âme comme un immense éventail, lorsqu’un événement tragique frappa cette âme, et la força à donner ses premières résonances, qui furent des sanglots. […] Mais la constante vision de la mort tragique avait creusé dans son génie un puits sans fond, où, dans des lueurs livides, il ne pouvait entrevoir que la face de la mort.

27. (1900) Articles du Mercure de France, année 1900

Elles parlaient, en restant immobiles dans leurs poses de statues ; toutefois ce calme était tragique et félin, Orphée, lui aussi, restait immobile à les regarder. […] Il y a une bêtise humaine qui a du tragique ; ces petits détails nous prouvent que la bêtise des courtisans est de ce genre. […] Quant à Giovanni Pascoli, son Hymne funèbre au roi Humbert, publié dans le Marzocco de Florence, est une vision hautement tragique et humaine des derniers instants du souverain assassiné, une vision rendue avec un tel emportement de rythmes, qu’elle suffirait toute seule à la révélation d’un poète.

28. (1914) Articles du Mercure de France, année 1914

Le meurtre des deux amants surpris et transpercés du même coup d’épée par le mari jaloux, raidis soudainement côte à côte sur le dossier sculpté du siège et figés blêmes dans la mort, est à cet égard un modèle d’habileté et vraiment d’art tragique. […] L’attitude de cette femme et celle de cet homme me parurent tragiques. […] Tout comme Calzabigi, il y proclame que c’est dans l’accord complet de la musique et de la poésie que dépend un bon opéra ; il conseille de préférer les « sujets d’invention », de mettre l’exposition en action, de traiter des sujets simples, et de prendre pour modèle les tragiques grecs, et surtout Euripide ;, de varier les caractères des scènes, les mètres des vers, afin de permettre au musicien de multiplier, de varier et de contraster les effets.

29. (1917) Articles du Mercure de France, année 1917

C’est enfin la retraite, la campagne de Serbie en Serbie — le retour laborieux et tragique vers la mer, épisode sur lequel le récit s’étend plus longuement et qui est d’ailleurs la meilleure partie du livre, — le témoignage qui doit demeurer en somme, à propos d’une expédition dont le résultat alors fut douteux, mais qui restera quand même une des grandes pages de la campagne d’Orient. […] Pensons aux sacrifices qu’il a consentis, du plus grand cœur et avec enthousiasme, avant ceux que lui imposèrent les journées tragiques de la fin d’octobre 1917.

30. (1916) Articles du Mercure de France, année 1916

Cette analyse ne veut être qu’une suggestion destinée à donner au lecteur (à supposer qu’il en ait besoin) le désir d’ouvrir ce livre, — dont la lecture, ajouterai-je, en même temps qu’un profit pour l’esprit, est un devoir, en un temps exceptionnellement tragique, où la connaissance raisonnée des causes politiques et sociales qui ont amené la plus terrible des Guerres est véritablement une question de conscience, une obligation civique. […] Ce que sa situation a de tragique peut être compris par celui qui a analysé l’angoisse de tant d’esprits italiens aux premiers temps de la guerre européenne, par celui qui pensa que l’Italie a décidé la sienne, volontairement, sans y être obligée par rien.

31. (1899) Articles du Mercure de France, année 1899

Il badine avec son génie, et toutes ses principales œuvres se pressent dans quelques années tourmentées du déclin de sa vie ; cependant, il est si obsédé par son génie qu’il traverse sans émotion les plus tragiques événements qui accablent son pays et ses amis, ainsi qu’un homme qui les rencontrerait par hasard au milieu de quelque mission secrète.

32. (1903) Articles du Mercure de France, année 1903

Tout est là d’une dureté, d’une roideur, d’une sévérité bien moyen-âge italien ; c’est tragique sans attendrissement, dénué au possible de toute pitié segantinienne, c’est surtout d’un orgueil inaccessible auquel ajoute, — et même est-ce là sa seule excuse, — l’orgueil du tour de force accompli.

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