Chapitre LXIII
La dernière classe du peuple à Naples est célèbre, dans toute l’Europe, sous le nom de lazzaroni ; ce mot vient de Lazzari, nom qu’on leur donnait à cause de leur nudité : le Lazare de l’Évangile. Ils vivent dans les rues ou sur le rivage de la mer. On les trouve surtout près du Marché, où ils s’acquittent des derniers emplois de la société. Tout leur avoir se réduit à une chemise et à un caleçon de toile et quand ils n’ont ni maison ni lit, ils couchent sur les bancs qui bordent les rues.
L’hiver, ils ajoutent à leur vêtement un morceau de gros drap de laine dont ils se font une espèce de manteau. Ces gens, comme on le voit, n’ont pas de besoins. On les voit manger, dans la rue, du macaroni, des poissons salés et des légumes ; ils n’ont rien et ne se soucient pas de rien acquérir. Leurs fonctions leur procurent ce qui leur est nécessaire, qui est fort peu de chose, et ils passent doucement la vie. Ils ont fourni à Montesquieu l’occasion de dire une bonne bêtise. (Tout ceci est exact, mais l’abbé aurait pu ajouter que ce caractère est malheureusement le fond de celui de la nation. Personne, dans le peuple, ne pense au lendemain : le jour même apporte, bien ou mal, de quoi vivre. Un ouvrier quelconque qui travaille pour vous, lorsqu’il a de l’argent pour sa semaine, croit vous rendre un véritable service. De là vient la misère de presque toutes les veuves d’artisans et de leurs enfants. Ils n’ont plus d’autres ressources que la mendicité, aussi je ne pense pas que ce fléau disparaisse de longtemps. Il est autorisé de la sorte. La femme de l’ouvrier n’est à proprement parler, que la femelle de son mari, who file, mades that, et va à la messe. Après lui, le déluge. Ceci rappelle les mœurs orientales. (L.). M. de Saint-Nom nous a aussi raconté (bêtise de voyageur, L.) qu’ils font une espèce de corps et qu’ils élisent un Roi qui est toujours pensionné par le gouvernement. Ils aimaient beaucoup le roi Ferdinand, qui parlait leur langue qui est pleine de vivacité, de comique et de gestes indécents.