Chapitre LXII
Je vais extraire aussi le chapitre des mœurs sur lequel M. Long, qui a éprouvé des fortunes diverses et qui, depuis six ans, est employé dans le royaume de▶ Naples, ◀d’▶une manière active, a fait quelques notes, écrites en quelques instants, pour me faire plaisir. Je lui dois ◀d’▶excellents traits ◀de▶ caractère sur les Calabrais. Je n’ai fait aucune remarque ◀de▶ ce genre pendant les 5 à 6 jours que j’ai habité Naples. Aussi ces détails peuvent être faux, mais enfin c’est ◀de▶ la fausseté prise à la source et qui doit encore plus ressembler à la nature que ce qu’impriment à Paris des gens qui n’ont jamais vu le soleil ◀de▶ Naples réfléchi dans cette mer charmante.
Le gouvernement ◀de▶ Naples a souvent changé et n’a jamais, je crois, été bien fort. On peut donc y trouver les beaux caractères que fait naître le climat, pas trop courbés par les lois.
Il y avait à Naples, avant la dynastie ◀de▶ Napoléon, des nobles ◀de▶ deux classes. Ceux ◀de▶ la première jouissaient ◀de▶ beaucoup de distinctions. Toutes les affaires, sans exception, étaient faites par 2 ou 3 mille avocats. On voit ces mœurs dans l’opéra ◀de▶ la Molinara, où un baron, qui ne sait pas trop bien écrire dicte une déclaration ◀d’▶amour à un homme ◀de▶ loi qui se trouve là par hasard. On dit que beaucoup de grandes dames ◀de▶ Naples répondaient ainsi, sur du grand papier et en style officiel, aux lettres aimables qu’on leur écrivait.
À Naples, les hommes sont plus beaux que les femmes. Les femmes ◀de▶ bon ton ont beaucoup de liberté. Elles sortent seules ou avec leurs amants. Ce n’est que parmi les artisans que les maris accompagnent leurs femmes. Il ne tiendrait qu’aux pédants ◀de▶ Naples ◀de▶ se réjouir ◀de▶ ce qu’il n’y a presque pas ◀de▶ filles ; mais c’est qu’elles ne feraient pas leurs frais, vu la grande concurrence (L.).
On voit ce qui doit arriver dans une ville très peuplée, pleine ◀de▶ célibataires et sous un tel climat. Il y a des femmes entretenues qui, comme ailleurs, se contentent ◀de▶ deux amants, dont un riche qui paie et un autre qu’elles ont dessein ◀d’▶épouser. Les Napolitaines sont les premières épouseuses du monde. Je parle des filles honnêtes. Elles se livrent à tout, excepté the *** (L., confirmé par le Vicomte).
On a beaucoup de domestiques, parce qu’ils n’entraînent pas une grande dépense. (Très vrai et digne ◀de▶ réflexions, sur le caractère général.) Pour peu qu’on veuille être considéré, on ne peut se dispenser ◀d’▶en avoir. Depuis quelque temps, il est encore possible ◀de▶ sortir, sans laquais, le matin ; mais, vers le soir, cette suite est absolument nécessaire à l’homme ◀de▶ bon ton, qui, d’ailleurs, après dîner, ne peut plus paraître à pied. Ainsi ceux qui n’ont pas ◀de▶ voiture attendent que le soleil soit couché pour sortir sans que leur vanité ait à souffrir. Il y a 30 ans, tout le monde portait l’épée, jusqu’aux laquais : les rois français ont fait tomber cet usage, qu’on commençait à abandonner. On est vêtu à Naples comme à Paris. Cependant il est facile ◀de▶ distinguer un Napolitain ◀d’un Français.