Parmi les poètes italiens qui ont écrit en ce genre, quelques uns ont excellé par une versification noble et pure, et d’autres par une imagination poétique et élevée, mais le plus grand nombre ne mérite pas qu’on en parle. […] Quant à moi j’ai toujours cru, et je n’était pas seul de mon opinion, que la nature toute simple et toute pure serait froide sur la scène, et j’en ai vu l’expérience en plusieurs comédiens ; ainsi suivant ce principe j’ai pensé qu’il fallait un peu charger l’action, et sans trop s’éloigner de la nature, ajouter quelque art dans la déclamation : de même qu’une statue qu’on veut placer dans le lontain doit être plus grande que nature, afin que malgré la distance, les spectateurs la distinguent dans le point d’une juste proportion. Ainsi les acteurs anglais ont l’art d’enfler, pour ainsi dire, la vérité précisément comme il faut pour la faire paraître le lointain, de manière à me faire juger que c’est la pure vérité qu’ils m’exposent. […] Il y a environ cent ans, comme j’ai dit, que l’on entreprit de purger et de réformer leur théâtre sur le modèle des Grecs et des Latins ; d’y observer les règles, d’écrire dans un style pur, élégant et sublime, d’en châtier les rimes et la versification, que l’on mit dans leur justesse et dans leur véritable beauté. […] La religion même la plus pure n’en serait point alarmée.