Ce vaste tableau frapperait agréablement par sa diversité : les partisans du Théâtre verraient tout d’un coup par combien de moyens on cherche à les amuser & à les instruire.
Quand je la vis pour la première fois, elle retraçait le tableau d’une Amante courageuse, qui s’est envain immolée, pour conserver la fortune & la vie de son Amant*.
Cette instruction en est-elle moins la suite des principes & des tableaux qui y sont semés ? […] Les tableaux du Titien par exemple, ajoûte-t-il, seroient bien plus précieux, s’il eût joint plus souvent les talens de son École, aux talens de l’École Romaine. » C’est-à-dire, le fond des choses à la beauté du coloris.
Quel tableau je vous présente ! […] Des hommes qui ont quitté le monde, parce que la fortune et l’amour les ont haï, font des tableaux affreux, et un jeune esprit que la mélancolie consume, écoute comme des oracles les destructeurs du genre humain. […] Ce n’étaient pas seulement de belles femmes, des femmes tendres ; le plaisir et la beauté n’eussent pas suffi pour séduire un homme tel que Zima : les vertus s’unissaient aux attraits ; l’esprit au sentiment ; les graces au génie, au goût, à la pénétration, aux qualités les plus touchantes et les plus rares, et formaient de ces tableaux qui forcent l’esprit à croire les prodiges, et le cœur à les adorer.
Si je réalise le projet que j’ai formé de donner aussi une biographie de Bonaparte, j’aurai soin, sans doute, que les ombres, si nécessaires à la perfection d’un tableau, y soient ménagées de manière qu’elles puissent servir à faire valoir les traits saillants qui méritent le plus grand jour. […] De pareilles expressions, qui au moment où on les entend prononcer pour la première fois, produisent une forte sensation lorsqu’on y réfléchit profondément, m’en rappellent encore une autre qui n’a jamais été consignée, que je sache, dans aucun écrit ; cette expression ou ce jeu de mots si on veut, offre également d’un seul coup de pinceau le tableau effrayant des malheurs de la campagne de Napoléon à Moscou. […] Monnais, Ephémérides universelles, ou tableau religieux, politique, littéraire, scientifique et anecdotique...
En un mot, de fortes raisons nous convaincraient, s’il le falait, que les tableaux naïfs de notre Opéra sont dignes d’être applaudis, & que c’est de sa simplicité qu’il tire son principal mérite.
Ces comédiens du troisième âge furent, dans l’origine, des pèlerins de la Terre-Sainte, qui, à leur retour, chantaient par les rues des cantiques de leur composition, sur la passion de Jésus-Christ, sur les prodiges opérés au saint sépulcre et ailleurs, et en général sur les choses extraordinaires et merveilleuses dont ils prétendaient avoir été témoins pendant le cours de leurs longs voyages, et dont ils offraient la représentation sur des espèces de tableaux.
Parmi le grand nombre de passions et de vices qui assiègent, pour ainsi dire, l’humanité, il y en a plusieurs qui la déshonorent, ou pour le moins qui la couvrent de honte ; il paraît donc qu’il faut éviter de mettre sur la Scène des Tableaux qui peuvent scandaliser les Spectateurs et leur nuire.
Que ne pouvez-vous voir au Salon du Louvre le superbe tableau qu’elle travaille depuis trois ans et dans lequel elle s’est proposé avec succès, de donner à la miniature toute la force et l’énergie du dessin et du coloris de la peinture à l’huile. Cet ouvrage inestimable, traité entièrement à la pointe du pinceau, mais avec tant de délicatesse que ce n’est qu’avec une Loupe qu’on peut juger de la longueur et de la délicatesse du travail : cet ouvrage, dis-je, est déjà convoité par les amateurs Anglais ; mais la France n’a-t-elle pas un espèce de droit de réclamer la préférence, puisque cette miniature est la copie de la Chasteté de Joseph ee de la galerie de Dresde, Tableau de Carlo Cignani, l’un des plus beaux et des plus rares sans contredit de cette magnifique collection. Une miniature d’après un Tableau du Roi de Pologne semble être destinée naturellement à orner le Cabinet de son Auguste Fille. […] Tanjé (1753), d’après le tableau Joseph et la femme de Putiphar, de C.
Je me plaisois dans les tableaux séduisans que j’en trouvois sur le Théatre ». […] La seule vûe de Rodrigue & de Chimène dans ce lieu & dans ce moment, fait tableau & situation. […] Vers qui non-seulement ont le mérite de l’élégance & de l’harmonie, mais dans lesquels encore le choix heureux des expressions forme un tableau parfait des mœurs de la Cour, & du caractère des courtisans. […] C’est l’habillement seul qui m’apprendra si la figure représentée dans ce tableau est un Grec ou un Romain, un Turc, ou un Espagnol. […] C’est celle qui domine dans ses Tragédies, & comme en la traitant avec toute la vérité possible, il n’y a point mêlé assez de traits de mœurs nationales, je dirois qu’il a peint l’humanité en général, mais qu’il n’a pas suffisamment distingué dans ses tableaux le caractère particulier des peuples dont il emprunte ses sujets.
Comme le premier de ces deux Arts, tantôt il ennivre l’âme d’une joie vive & pure ; tantôt il y porte l’étonnement, y excite la pitié, la terreur, ou la remplit de courage : Comme le second, il fait des Tableaux ; mais (& j’ose le dire) il est en ce cas, bien au-dessus de la Peinture. Celle-ci ne présente que des Figures matérielles & mortes ; l’autre offre en même-temps l’imitation & la réalité : l’Art de l’Acteur rend la laideur du vice plus impressionnante, plus terrible ; il donne à la vertu les couleurs séduisantes qui la font aimer ; souvent l’Auteur mal-habile n’a fait qu’ébaucher le tableau ; une Actrice aimable l’achève ; elle y joint le pathétique, la dégradation, la vaguesse & le coloris *. Je le demande à ces Pédans maussades, pour qui les plaisirs des autres sont un supplice, & qui cependant se livrent sans réserve au plus doux de tous pour leurs cœurs ulcérés, à celui de fronder, Quel crime y a-t-il à rire du tableau vivant des ridicules ; à s’attendrir à la vue des misères humaines ; à se livrer à l’admiration, à l’enthousiasme qu’excite l’héroïsme de la vertu ; à ressentir la douce, la délicieuse émotion d’un amour honnête ?
Puisque les principales Passions des humains restent toujours au même dégré, il est clair qu’une fois qu’on les aura mises sur la Scène, on ne pourra plus y faire paraitre que des Passions du second ou du troisième Ordre : ce n’est point un peu de couleur, une ombre plus ou moins forte ajoutée à un Tableau qui lui prête le mérite de la nouveauté. […] Nous serions plus séduits, plus frappés du tableau des malheurs de nos Pères, que de la peinture d’un Grec ou d’un Romain, qui vivait deux mille ans avant nous, ou qui n’éxista peut-être jamais.
Mais que peut-on penser de ces amateurs de Tableaux, de ces curieux de Médailles et de Porcelaines, qui mettent tout leur soin à garnir leurs cabinets ? […] C’est pourtant le langage du sens commun de dire, que c’est une espèce de frénésie d’aimer mieux employer mille pistoles en Tableaux que de donner un écu à un pauvre, qui est notre frère en Jésus-Christ, et de même nature que nous.
« Ne sait-on pas que les statues et les tableaux n’offensent les yeux, que quand un mélange de vêtements rend les nudités obscènes ? […] Cette disposition exigerait ici l'utilisation d'un tableau, ce que le format adopté pour le site ne facilite pas.
En effet, les vieux, et une bonne partie même des hommes entre deux âges, que ces tableaux de honte et de déshonneur n’ont guères moins intimidés, se rappelant ou se formant des raisons de croire qu’on n’était pas encore parfaitement à l’abri d’inquiétude avec des femmes plus âgées, ont fui le mariage, n’ont plus voulu prendre que des engagements clandestins ou privés et conditionnels, faciles à rompre ; c’est-à-dire, qu’ils ont vécu en concubinage avec celles qui leur plaisaient, tant qu’elles se comportaient à leur gré. […] Il ferait lui-même sentir leur inconséquence à beaucoup de ses admirateurs, aussi intolérants qu’aveugles, qui vantent sans restriction et regrettent le fouet de sa critique, lorsqu’ils ne voient aucun des bons effets par où il doit être principalement apprécié ; lorsqu’ils n’aperçoivent au contraire partout où il a frappé que désordres, que masques jetés, freins rompus, jougs secoués ; lorsqu’ils approuvent tous les jours les censures les plus fortes, les tableaux les plus hideux, inouïs des temps qui ont suivi ce grand moyen de correction et de perfectionnement ; enfin, lorsqu’ils applaudissent, avec transport, et sur la scène même où ils font éclater les témoignages constants de leur reconnaissance envers le remède, cette publication de l’effrayante augmentation du mal : Et les vices d’autrefois sont les mœurs d’aujourd’hui !… On pourrait alors, sans craindre d’exciter le courroux de personne et de s’attirer d’amers reproches, ou des réfutations passionnées et aveuglément injurieuses, dire des ouvrages ou des tableaux pleins de vérités qui n’étaient pas bonnes à jouer de ce peintre incomparable, que c’est en effet leur malice, leur esprit ou leur gaîté, qui fait plaisir et qu’on applaudit, que c’est leur bon effet de faire rire qui empêche aujourd’hui d’en voir les mauvais, comme il a empêché autrefois de les prévoir. […] C’est aussi le tableau affligeant que je me suis fait des résultats de cette nouvelle prostitution, et la conviction où je fus qu’elle serait encore très nuisible, qui m’ont porté à composer cet écrit, à reprendre la défense des indigents et des mœurs, que les progrès d’une cataracte dont j’ai le malheur d’être affecté m’avaient fait abandonner.
On y a pourtant laissé des statues & des tableaux indécens. […] Nouveau conseil au miroir, nouveau tableau, nouvelle batterie, nouveau plan de campagne, nouveaux combats pour charmer l’ennemi, toujours renaissans. […] Elle vous trace les tableaux les plus indécens, dont vous vous repaissez, & vous croyez avoir de la pudeur. […] Vous vous permettez de regarder des tableaux licentieux, de lire de mauvais livres, de chanter des chansons lascives ; quoique vous soyez sans témoins, la pudeur malheureusement exilée n’habite plus dans votre cœur.
L’Eglogue est un tableau de l’âge d’or, qui a sans doute existé autrefois, comme on peut s’en convaincre dans les poëtes. […] Dans l’Histoire, qu’il appelle le Théatre des Mœurs, on voit , dit-il, Néron à côté de Titus, Domitien & Trajan, Ciceron & Catilina, les monstres & les héros, l’opprobre & la gloire de l’humanité y paroissent dans le même rang ; &, ce qui est plus déplorable, c’est que ceux qui ont écrit pour les jeunes princes l’Histoire des Rois, se sont appesantis sur leurs vices, & ont insisté avec force sur le tableau de leurs crimes, sous prétexte d’en inspirer de l’horreur ; au lieu d’en détourner les yeux du lecteur. […] Il pense autrement des hommes ordinaires, dont l’histoire n’est que le tableau de leurs miseres & de leurs vices, le registre de quelques vertus & de beaucoup de crimes.
Toute la piece a rapport à ce point, & forme un total de portrait achevé, comme dans un tableau, où le jour, les ombres, les nuances, les accompagnemens se rapportent à bien rendre l’action principale. […] Vous n’auriez pas besoin d’aller chercher au fond des cœurs le tableau des mœurs : il est sur le front, le masque est levé. […] Il fut toujours nécessaire pour une bonne comédie de caractère d’aller chercher au fond du cœur le tableau des mœurs & le jeu des passions ; l’impudence, quelque grande qu’on la suppose, ne donne qu’une idée vague, superficielle, & souvent équivoque de la corruption des hommes.
C’est comme si vous disiez : « la raison qui nous fait trouver un tableau admirable est en nous et non pas dans le tableau. […] Les sujets de nos Tragédies sont ordinairement puisés dans l’Histoire, les Auteurs se font une loi de respecter les faits attestés, et loin que le Spectateur, dans les circonstances inventées s’amuse à réfléchir que ce sont des fables, les larmes que l’Acteur lui arrache prouvent assez qu’il est frappé du tableau comme il le serait de l’original.
Le Parlement, toujours plein de zèle pour les bonnes mœurs et la discipline du Palais, confirma la délibération des Avocats, fit rayer du tableau le nom du sieur la Mothe, condamna le livre au feu, et fit entrer le Bâtonnier dans la chambre, pour le charger de dire à son Corps que la Cour louait son zèle, et serait toujours disposée à appuyer de son autorité le maintien de l’ordre public et de la discipline du Palais. […] N’eût-on égard qu’à son style, le Barreau de Paris, si fécond en Orateurs éloquents et en habiles Ecrivains, n’aurait pas dû pour son honneur souffrir dans le même tableau le nom d’Huerne de la Mothe à côté des Patrus et des Cochin. […] Omer Joli de Fleury, Avocat du Roi, a dit que l’exposé qui venait d’être fait à la Cour du livre en question, ne justifie que trop la sensation que la distribution avait faite dans le public ; que les Gens du Roi se seraient empressés de le déférer, il y a plusieurs jours, s’ils n’avaient été instruits des mesures que prenaient à ce sujet ceux qui se dévouent sous les yeux de la Cour à la profession du Barreau ; que leur délicatesse, leur attachement aux maximes saintes de la religion et aux lois de l’état, ne leur avaient pas permis de garder le silence ; et que dans les sentiments qu’ils venaient d’exprimer, on reconnaissait cette pureté, cette tradition d’honneur et de principes qui distingue singulièrement le premier Barreau du royaume ; que les Gens du Roi n’hésitaient pas de requérir que le vœu unanime des Avocats sur la personne de l’Auteur, qu’ils rejettent de leur corps, fût confirmé par le sceau de la Cour, et que le livre fût flétri, lacéré et brûlé par l’exécuteur de la haute justice au pied du grand escalier du Palais ; qu’il fût fait défenses à tous Imprimeurs, Libraires, Colporteurs, et autres, de l’imprimer, vendre et distribuer, à peine de punition exemplaire ; que ledit François-Charles Huerne de la Mothe fût et demeurât rayé du tableau des Avocats, qui est au Greffe de la Cour, en date du 9 mai dernier ; et que l’arrêt qui interviendrait sur les présentes conclusions, fût imprimé, lu, publié et affiché partout où besoin sera. » Les Gens du Roi retirés, la matière mise en délibération, la Cour rendit un arrêt entièrement conforme à leurs conclusions ; après quoi le Bâtonnier étant rentré avec les anciens Avocats, M. le premier Président leur fit entendre la lecture de l’arrêt, et leur dit, qu’« ils trouveraient toujours la Cour disposée à concourir avec eux pour appuyer de son autorité le zèle dont ils étaient animés pour tout ce qui intéresse l’ordre public et la discipline du barreau. » Nous n’avons rien à ajouter à un arrêt si sage ; il confirme tout ce que nous disons dans cet ouvrage, nous n’en avons même jamais tant dit.
Il faudrait, ajoute-t-il, pour représenter ce spectacle, les tragédies d’Echyle et de Sophocle, encore même ne pourraient-elles pas atteindre à l’excès de ces maux : « Quæ Carthaginenses passi sunt Æschilis et Sophoclis tragediis egerent, atque horum quoque linguam vinceret malorum magnitudo. » Cette ville si puissante, si riche, qui a longtemps disputé à Rome l’empire du monde, qui a mis Rome à deux doigts de sa perte, qu’à peine Rome a pu vaincre après trois grandes guerres, est aujourd’hui le jouet des barbares : « Illa a Romanis vix capta, quæ cum maxima Roma de principatu certaverat, eamque in summum discrimen deduxerat, modo facta est ludibrium barbarorum. » Ses célèbres Sénateurs, errants et fugitifs dans toute la terre, attendant pour vivre quelque aumône des gens charitables, arrachent les larmes des yeux, et présentent le plus triste tableau de l’instabilité des choses humaines : « Orbe toto errantes, vitam ex hospitalium manibus sustentantes, cient spectantibus lacrimas, et rerum humanarum instabilitatem declarant. » Cet Auteur ajoute que peu de temps auparavant, les habitants de Trèves, après avoir vu trois fois piller, saccager et brûler leur ville par les Francs, eurent la folie de demander des spectacles pour toute consolation et tout remède à leurs maux : « Quis æstimare hoc genus amentiæ possit qui excidio superfuerant quasi pro summo deletæ urbis remedio, circenses postulabant ? […] Le théâtre est le tableau du monde : nos Comédiens sont les hommes et les femmes de tous les temps, de tous les pays, de toutes les passions, de tous les crimes.
L’Avare des premiers rit du tableau fidele D’un Avare souvent tracé sur son modele, Et mille fois un Fat finement exprimé, Méconnoît le portrait sur lui-même formé. […] J’y découvre encore une nouvelle source d’un plaisir plus fin & plus spirituel, qui n’est bien connu que des Spectateurs capables de réflexion, mais qui ne laisse pas de se faire sentir à ceux même qui réfléchissent le moins, & qui les affecte toujours quoiqu’ils n’en sçachent peutêtre pas la cause ; je veux parler ici de ce qu’on appelle dans la Peinture l’effet du tout ensemble, ou de la composition & de l’ordonnance du Tableau. […] Qu’il me soit permis, pour en faire mieux sentir la différence, de comparer l’impression que fait sur moi un tableau de Tesnieres qui me représente un cabaret ou une noce de Village, avec celle dont je suis frappé à la vûe d’un tableau de Raphaël, tel que celui de la Sainte Famille ou du Saint Michel que l’on voit à Versailles. […] Je pourrois m’étendre ici sur les conséquences que je tirerois aisément de la distinction de ces deux différentes especes de plaisir ; & c’est par-là que j’expliquerois sans peine pourquoi les Tableaux d’Histoire nous plaisent davantage que les Paysages, ou que la Peinture des choses mortes, ou inanimées ; pourquoi l’on voit avec plus d’admiration le portrait d’un grand homme que celui d’un homme du commun, quoique l’un & l’autre portrait soient également parfaits ; enfin pour revenir à la matiere présente, par quelle raison la Tragédie fait des impressions plus profondes & plus pénétrantes que la Comédie.
Ce Tableau est celui de la Nature.
C’est un tableau très-divertissant que celui d’Hercule aux pieds d’Omphale, cet homme, si célebre dans la fable, & sur la scene, vraisemblablement copié en partie sur l’histoire de Samson aux pieds de Dalila. […] Ce tableau renouvellé tous les jours par les plus grands Seigneurs aux pieds des Actrices, fait voir l’empire des femmes, & la bassesse honteuse de la passion. […] Le Tasse fait mettre ce beau tableau sur la porte du palais d’Armide, pour se préparer sans doute aux foiblesses de Renaud, enchanté par cette courtisanne. […] Les faux principes, la doctrine odieuse hasardée, les termes outrés & injurieux répandus dans les mémoires & la consultation de cet Avocat de la Princesse Clairon, sa maîtresse, méritoient bien que l’ouvrage fût condamné au feu, l’Auteur chassé du corps des Avocats, & son nom biffé du tableau.
Il résulte de tout ceci qu’Opéra-Bouffon veut dire un Spectacle de choses communes, de pures frivolités ; une éspèce de Drame où l’esprit ne se montre guères, où l’oreille seule est enchantée par les sons de la Musique ; & enfin un lieu dans lequel s’assemblent en foule des Spectateurs plus avides de nouveautès passagères que du sublime & du vrai beau ; & plus curieux d’images basses & populaires que d’un Tableau noble & d’une vaste étendue. »** Quoique St Evremont n’en ait point voulu parler, il semble pourtant le définir assez, tel qu’il parait au prémier coup-d’œil, dans ce qu’il écrit au sujet de l’Opéra Sérieux.
Cependant Voltaire charge beaucoup le tableau, pour faire mieux sentir l’antithèse.
L’homme a trouvé les inventions, des tableaux, des sculptures, des livres, pour soulager sa mémoire, et pour se rendre autant qu’il se peut, les choses passées comme présentes.
mes Frères, la tragédie & la comédie ne sont-elles plus comme autrefois le tableau mouvant & animé des passions humaines ? […] Vous n’ignorez pas que les riches de ce monde exposent souvent dans leurs palais des statues ou des tableaux dont un œil chaste & modeste ne peut soutenir la vue. Lorsque nous leur représentons combien cette espèce de luxe est criminelle & dangereuse pour les mœurs, ils nous répondent, comme vous, qu’ils n’en reçoivent aucune impression fâcheuse ; qu’ils ne voient dans ces tableaux que l’habileté du Maître qui les a peints ; qu’à peine ils font attention aux objets qu’ils représentent ; & qu’enfin ils n’en sont pas pour cela plus émus.
Il est impossible que la musique la plus parfaite forme des conversations même avec les gestes de l’acteur, quoiqu’à la vérité l’un aidât à l’autre, lui donnât de l’énergie, en fit un meilleur tableau, car tous les deux sont pittoresque, il faudroit doubler l’orchestre pour faire entendre de plus loin ; aussi les Romains avoient dans leurs amphitéatres vingt & trente mille personnes, je ne sache pas qu’ils aient jamais employé la musique pour aider les pantomimes, ni qu’ils aient connu ces musiques pittoresques, telles qu’on les entend, encore moins telles qu’on les voudroit, qui même sont impossibles. Le pittoresque de la musique ne forme qu’un tableau des mouvements de l’ame, jamais des conversations ni des idées spirituelles de la poésie, des regles, des axiômes, &c. […] Ne peut-on pas dire aussi, il faudroit fermer les yeux, & n’ouvrir que les oreilles ; l’un & l’autre est vrai, & faux à divers égards : le pas pantomime ne rend que la moitié de l’action ; on sent bien mieux quand on entend les paroles, si les gestes, les mouvements, l’attitude, les yeux, la phisionomie rendent la pensée & les sentiments ; combien de tableaux de nuance perdus ou incertains, si la parole ne donnne le mot de l’énigme, aussi le ton, l’inflexion de la voix, la lenteur & la rapidité de la diction ajoutent les traits les plus vifs, ce sont les couleurs de l’oreille, pour ainsi dire.
On a voulu donner un air d’importance à cet événement méprisable, pour avoir occasion d’exposer les tableaux les plus obscenes, d’autoriser le vice, de décrier la vertu, de décréditer le Clergé, par l’exemple des gens à qui on ne donne du mérite que pour relever l’Apologie des passions, & en illustrer la licence. […] Une Eglise tapissée, richement parée de tableaux de dévotion, des Messes toute la matinée, Vêpres, plusieurs Sermons l’un après l’autre, la Bénédiction, un monde infini toute la journée, laissent-ils la liberté de jouer la comédie ? […] Cet effort met en mouvement toute la machine ; beaucoup de danses ne sont précisément que le tableau, l’expression du désordre, & de la satisfaction du vice.
Evitez-le donc avec soin, dit-il ; chansons, danses, décorations, instrumens de musique, tout y est rassemblé pour allumer ses feux, par-tout on y en voit des tableaux séduisans, on y enseigne avec art tout ce qui le favorise ou le traverse, l’assaisonne & le fait réussir. […] On trouve un tableau parfait du théatre dans celui que Salomon nous a tracé de son Palais & de sa Cour. […] Les deux sexes y paroissent toujours ensemble ; leur mélange, leurs allures, leurs discours, leurs gestes, quels tableaux !
J’ai peine à achever un tableau qu’il faut finir, pour vous convaincre de plus en plus des effets que doivent avoir tant d’infamies. […] Le sentiment qui m’emporte ne me permet pas d’adoucir mes tableaux ; voulez-vous que vos enfans voyent quelquefois la moitié de ces conventions impudiques remplie sur l’heure ? […] Cet homme ou cette femme, dont l’ame a été échauffée par des tableaux licencieux et s’est remplie de sornettes, ne peut guères s’intéresser aux soins du ménage, au travail du bureau, du comptoir, du magasin, de l’attelier ; que sais-je, d’un emploi quelconque, qui soit fastidieux et assujettissant ; le corps languit à la besogne, l’esprit est aux boulevards.
Dans son Epître à Donat, chef-d’œuvre d’éloquence, où le saint Martyr fait le tableau le plus vif de la corruption du siècle, il met la fréquentation du théâtre au nombre des plus grands désordres dont il fait le détail. […] » En voyant avec plaisir le tableau du crime, on perd la pudeur, on s’enhardit, on apprend à faire ce qu’on s’est accoutumé à regarder : « Qui oblectatur simulacris libidinis, deposita verecundia fit audacior ad crimina, discit facere quod consuescit videre. » Là un Acteur dissolu, plus efféminé qu’une femme (un pantomime), parle avec les mains : « Vir ultra muliebrem mollitiem dissolutus. » Toute une ville s’agite pour un personnage dont on ne sait s’il est homme ou femme ; on aime ce qui est défendu, et on rappelle les égaremens de la jeunesse que l’âge aurait dû faire oublier. […] Je n’en parle qu’avec peine, je voudrais ne pas même les connaître : « Piget malum illud, vel nosse. » On ne peut en rappeler le souvenir sans risque ; les autres péchés ne s’attachent qu’à une partie de l’homme : l’esprit est souillé par les pensées, les yeux par les regards, les oreilles par les mauvais discours ; tout se rend coupable à même temps au spectacle : « In theatre nisi reatu vacat. » L’œil, l’oreille, l’esprit, le cœur, tout est attaqué, saisi, corrompu à la fois ; gestes, attitude, parure, danse, chant, discours, sentiments, tout se réunit pour perdre les cœurs : la pudeur souffrirait d’en tracer le tableau : « Quis integro verecundiæ statu eloqui valeat ?
Ses tableaux quelquefois aussi grands, mais mieux groupés, mieux dessinés dans l’ensemble, brillerent aussi d’une action plus ménagée & plus soutenue.
Selon ce savant critique « le Théâtre perd à la suppression des chœurs, la continuité d’action, & un spectacle magnifique, qui sert à la soutenir, & qui est, pour ainsi dire, le fond ou l’acompagnement du tableau ».
Un Frère est assez barbare pour envoyer à son Frère une boète remplie de poudre, & disposée de façon qu’en s’ouvrant elle fasse périr le malheureux objet de sa rage ; nous en sommes assurés ; pourtant un pareil tableau mis sur la Scène, révolterait tous les Spectateurs ; parce qu’il peindrait des choses trop éloignées de la Nature : il est possible qu’un Père, livré au fanatisme, ait pendu lui-même son Fils, mais on refusera toujours de croire une pareille probabilité.
Les Personnages qu’on y voit agir sont factices, il est vrai ; mais leurs ridicules & leurs passions se trouvent dans la plus-part des hommes ; l’on ne saurait donc manquer d’être frappé d’un tableau qui peint au naturel nos erreurs & nos travers.
Poussez-les un peu plus avant, ils vous en diront autant des nudités, et non seulement de celles des tableaux, mais encore de celles des personnes.
Les femmes se rendent coupables lorsqu’elles portent des parures qui blessent la modestie, plus coupables encore, si elles en introduisent la mode : « Sic sane graviter peccant mulieres quæ ubera immoderate denudata ostendunt ; aut alicubi introducunt morem ubera, etiam non ita immoderate, denudandi 1. » Sont coupables de péché mortel, les artistes dont les tableaux, les gravures et les statues ne respectent point les lois de la pudeur ; « quibus nempe exhibentur personæ grandiores nudis partibus pudendis ».
Il n’y a peut-être aujourd’hui que M. de Voltaire qui puisse, par la force de ses Tableaux, s’opposer avec succès au goût efféminé de ce siècle.
Quand même l’effet de cette Pièce serait assuré par rapport au vice de l’avarice ; quand même on supposerait qu’elle doit faire une égale impression sur l’esprit de tous les jeunes gens, (et il pourra s’en trouver plusieurs pour qui l’avarice aura de l’attrait, malgré le tableau affreux qu’on leur en aura présenté) il n’en est pas moins incontestable que le mauvais exemple des deux enfants de l’Avare est un poison mortel pour la jeunesse, devant qui cette Pièce est représentée : les jeunes personnes de l’un et de l’autre sexe n’effaceront jamais de leur esprit ni de leur cœur les idées et les sentiments que les enfants de l’Avare y auront gravés ; et ils s’en souviendront jusqu’à ce qu’ils aient fait l’essai d’une leçon si pernicieuse.
a » Voilà certainement le tableau le plus agréable et le plus séduisant qu’on pût nous offrir ; mais voilà en même temps le plus dangereux conseil qu’on pût nous donner.
Le Tartuffe ne se montre qu’au troisiéme Acte ; les deux prémiers ne sont point pour cela de purs épisodes ; à chaque Scène on fait mention de ce fameux Hipocrite ; ce sont toujours de nouvelles couleurs ajoutées au tableau ; on le dépeint si bien que je crois le voir. […] On se rappellera que le Nœud des Pièces de notre Spectacle n’est autre chose que deux volontés qui se croisent ; ou que le tableau d’un personnage comique ; ou l’image des mœurs & de l’occupation d’un Artisan.
C’est d’avoir en sa maison des tableaux, ou des sculptures de nuditez lascives : de lire des livres pleins d’impuretez, de se trouver souvent en la compagnie de personnes dissoluës & libertines : d’avoir dans sa maison, ou en sa disposition quelque personne qui serve d’attrait au peché d’impureté : de faire profession de joüer continuellement aux cartes & aux dez : de tenir pour les autres un lieu preparé à cet effet : d’aller aux cabarets sans necessité, & seulement par un esprit de debauche : de frequenter les heretiques qui sollicitent ceux qui les frequentent de quitter l’Eglise, surtout s’ils sont intelligens & zelez pour leur fausse religion ; ou de lire les livres où ils traittent à fond de leurs erreurs. […] En septiéme lieu ceux qui ont des tableaux ou des representations lascives, & qui peuvent porter au peché.
Leurs ouvrages sont parfaits, on leur préfere des minuties, des ouvrages mesquins, les supplices, les diableries de Calot aux tableaux de Rubens . […] C’est une foire où l’on étale toute sorte de marchandises ; chacun achete celle dont il a besoin ; c’est le fallon du Louvre où l’on expose des tableaux. N’y a-t-il que de grands tableaux d’histoire, qui sont sans doute les plus parfaits ?
Il y appris les principaux traits de ces Tableaux ; il a peint la nature bourgeoise. […] Mais que le chant a de force & des charmes, Où du tenare égayant le tableau, Tu peins les ris dans le sejour des larmes, Et les plaisirs dans le sein du tombeau. […] Les Baisers & le Mois de mai sont deux Poëmes infâmes du sieur Dorat, une suite des tableaux obscenes & des nudités a demi gazées par un langage élégant & des vers faciles, une imagination riante qui assaisonne le vice & le fait boire à longs traits.
L’expression est l’art de représenter par des signes reçus des idées ou des actions passées, de les rendre sensibles par le langage, comme les couleurs les font revivre dans un Tableau.
Le tableau que Corneille en a tracé est moins propre à décrier le vice, qu’à le rendre aimable.
Ils récitaient et représentaient des pièces de théâtre, la plupart tragiques et imaginaires, dans lesquelles ils peignaient de grandes actions ; ils en composaient des tableaux frappants, capables d’émouvoir leurs spectateurs.
Voilà un tableau vrai des Pièces de Molière. […] Voyons en quoi consiste l’honnête liberté que ce galant homme laisse non pas à sa femme, (M.F. change ici les traits du tableau) mais à une jeune fille dont la conduite et l’éducation lui ont été confiées par son père en mourant, qui, à la vérité lui a permis d’en faire un jour sa femme. […] Leur situation est la même que celle de l’amant, dont on leur offre le tableau. […] L’art de l’exposition, de l’arrangement, la beauté et le choix du style, l’énergie des termes, le succès des transitions, la force des tableaux : voilà ce qui en fait la différence. […] Aussi piquant qu’Aristophane, quelquefois aussi peu retenu ; aussi vif que Plaute, de temps en temps aussi bouffon ; aussi fin que Térence, souvent aussi libre dans ses tableaux : Molière fut-il plus grand par la nature ou par l’art ?
Le pere inimitable de la Comédie Française, cet Auteur divin, dont toutes les Pieces portent l’empreinte du génie créateur, ce Peintre si exact & si fidele du cœur humain, Moliere, enfin, n’offrit plus de Scenes intéressantes & de tableaux pathétiques. […] Aurai-je jamais assez de courage, Monsieur, pour vous faire le tableau de tout ce qui s’y passe, & de tout ce qui en résulte ? […] de toutes ces Phrynés, en un mot, qui, au sortir d’une orgie, vont chercher aux Boulevards l’amusement grossier qui leur convient, & qui n’en sortent que pour réaliser les tableaux dont elles viennent de voir les esquisses, & se replonger ainsi continuellement dans la fange. […] En traçant le tableau des abus & des désordres qu’engendrent les Trétaux, il m’a semblé me trouver à l’époque où se trouvait l’illustre T. […] C’est un miroir fidele des ridicules & des vices de l’humanité, c’est une tableau mouvant qui nous présente tous en action.
Tant il est vrai que les tableaux de l’amour font toujours plus d’impression que les maximes de la sagesse, et que l’effet d’une tragédie est tout à fait indépendant de celui du dénouement ! […] Ayant à plaire au public, il a consulté le goût le plus général de ceux qui le composent ; sur ce goût il s’est formé un modèle, et sur ce modèle un tableau des défauts contraires, dans lesquels il a pris ces caractères comiques, et dont il a distribué les divers traits dans ses pièces.
Un jeune homme dans Térence voyant cet adultère peint dans un tableau, s’écrie : Pourquoi ne ferais-je pas ce que fait le maître des cieux ? […] Augustin pour trouver l’original de ce tableau ?
En effet, qui est-ce qui a assez peu étudié l’histoire des passions humaines pour ne pas savoir qu’elles ont pris naissance avec l’homme, & qu’elles se sont perpétuées avec lui ; qu’elles sont aujourd’hui ce qu’elles étoient il y a mille ans ; que le tableau des mœurs de chaque siecle, & de chaque région de l’Univers se ressemble ?
C’est l’unique raison qui a fait négliger ce sujet, très comique en lui même, & susceptible de tous les autres comique qu’on peut y faire venir ; on a craint le revers du tableau : Mutato nomine de te fabula narratur. […] La description de son Palais, de sa cour, de son cortège, de ses jeux, de ses habits, de sa toilette, de ses équipages, des hommages qu’elle reçoit, des audiences qu’elle donne, des loix qu’elle porte, des jugemens qu’elle prononce, &c. forment une suite de tableaux amusans, ingénieux, très-vrais & instructifs, si la frivolité étoit capable d’instruction. […] Ces tableaux piquans des mœurs, annoncent un honnête homme, qui aime la vérité & la vertu.
On va plus loin, & on a tort, on accuse les Religieux & les Ecclésiastiques d’allarmer les jeunes-gens par des tableaux de la mort, du jugement, de l’enfer, du purgatoire. […] On s’égare dans un vaste tableau, on en saisit difficilement l’ensemble, tous les traits portent coup dans une mignature. […] L’Auteur des trois Siecles prononce en termes radoucis que ses tableaux ont trop de mollesse , il eût dû dire de licence.
Pline L. 35 parle d’un tableau qui réunissoit toutes les imperfections & perfections des Athéniens. […] Les Athéniens admiroient ce tableau, en s’y reconnoissant comme dans les Comédies d’Aristophane.
Toutes nos Pièces ne sont pas également estimables : mais quoi qu’on ait dit de notre Dramatique, nous n’en avons pourtant aucune à qui l’on puisse reprocher d’autoriser le crime, & de présenter des Tableaux d’une indécence révoltante. […] Le premier n’est-là que pour le contraste, pour faire saillir le caractère du bouillant d’Ormilli ; caractère bien dans la nature, dont la Comédie fait un joli Tableau, mais que l’Auteur n’a pas eu l’art de présenter de manière à nous corriger : au contraire, l’on peut dire que le jeu de l’Acteur n’est propre qu’à rendre charmant un original vicieux, à porter nos Petits-maîtres, à se donner de plus-en-plus son ridicule brillanté ; ils en seront plus insupportables aux yeux des femmes sensées, plus courus des folles ; ils ne prétendent que cela.
Le spectacle nous représente le tableau de la vie civile sous des noms empruntés.
Non, vous n’auriez plus besoin d’aller chercher au fond des cœurs le tableau des mœurs.
Quels tableaux touchés avec plus d’art, que ceux de l’esprit tortillé, inconséquent, et sans nulle vigueur de nos frivoles déclamateurs dans la Chartreusea, et surtout dans le style ingenu que vous leur opposez du Curé de la Seigneurie, peint avec une naïveté ravissante !
Mais comme notre nation a toujours aimé le mot pour rire, on ne tarda pas à trouver que les mystères étaient un peu graves ; et les confrères, pour varier le spectacle, s’adjoignirent insensiblement quelques bons fils de famille ou enfants sans souci, comme il y en a dans tous les siècles, qui se chargèrent d’égayer ceux dont les saints tableaux avaient rembruni l’imagination ; de sorte qu’au seizième siècle s’introduisit presque généralement l’usage de représenter les histoires du Vieil et du Nouveau Testament avec la farce au bout, pour recréer les assistants.
Leurs Poètes ont pensé avoir atteint au suprême degré de leur Art, d’avoir exprimé naïvement toutes les passions, et c’est où l’on trouve le plus de danger ; C’est comme les Peintres qui ayant employé tous leurs efforts à représenter des Nudités dans leurs Tableaux, sont condamnés par les personnes austères qui croient que de tels objets causent de mauvais désirs.
Il a le contentement d’y considerer les tableaux de ses inclinations, les images des desirs, de l’amour, de la joye, de la haine, & des autres passions : les applications de tous ces mouvemens à des sujets differens, un mélange si bien disposé, qu’il laisse de la passion pour le retour des mouvemens que les Acteurs suspendent pour un temps, afin de recréer par la nouveauté de ceux qu’ils font paroistre. […] Quelques-unes de ces Pieces sont des copies animées de l’innocence & de la sainteté ; quelques-unes sont des tableaux vivants des passions les plus noires & les plus criminelles ; quelques-unes tiennent le milieu de ces extremitez, & sont des images éloquentes des vertus, & des vices. […] Quand nous remarquerions quelques passions criminelles dans les plus religieuses Comedies, elles n’y paroissent que dans un état qui en fait concevoir de l’horreur : & elles ne sont non plus contraires au respect que nous devons à ces images parlantes, que les bourreaux qui dans un tableau font mourir Jesus-Christ, ou les Saints, ne sont pas opposez à la veneration que nous devons à cette representation de la Passion de Jesus-Christ, & du martyre des Saints. Ces bourreaux bien loin de diminuer le respect que nous devons à ces tableaux, en sont en partie, les causes, & nous honorons ces representations en partie, parceque nous y voyons crucifier Jesus-Christ, ou martyriser les Saints.
Sans approuver ce tableau de Calot, du moins je vois une différence entre ces deux pieces : dans l’une, il est inconnu, déguisé, réfugié par hasard chez un paysan, après s’être égaré, il est naturel qu’il se familiarise avec ses hôtes : mais que, dans un jour de bataille, au milieu de ses guerriers, il s’occupe des puérilités d’une galanterie, chante des ariettes avec ses généraux, & fasse faire des rondes à la fin du repas, ne diroit-on pas qu’on a voulu dégrader & faire mépriser ce grand Roi, le travestissant en Tabarin, ou que l’auteur n’a aucune idées des bienséances ? […] Cette Partie de Chasse de Henri IV, disent les Affiches Janvier 1776, n’est qu’un tableau dramatique de la popularité de ce Prince. […] Ce silence, cette inaction, ce vuide ont été mis à dessein pour le musicien, qui trace le plus riche tableau par un chef-d’œuvre de son art. […] Il faut certainement beaucoup de génie & de fécondité pour ce tableau musical : c’est une espece de pantomime pour l’oreille qui a fort bien réussi : la piece lui doit tout.
Que si l’on veut les corriger par leur charge, on quitte la vraisemblance et la nature, et le tableau ne fait plus d’effet. […] Cependant le tableau séducteur fait son effet. […] Ces grands tableaux l’instruisaient sans cesse, et il ne pouvait se défendre d’un peu de respect pour les organes de cette instruction. 5°. […] Deux jeunes pigeons, dans l’heureux temps de leurs premières amours, m’offrent un tableau bien différent de la sotte brutalité que leur prêtent nos prétendus sages. […] Ne sait-on pas que les statues et les tableaux n’offensent les yeux que quand un mélange de vêtements rend les nudités obscènes ?
Les sages seroient enchantés de parcourir ainsi sans étude pendant quelque heure les fameux volumes de Bougeant, ils préféreroient ces représentations savantes aux frivoles & dangereux tableaux des passions & des foiblesses humaines. […] Ses pieces sont l’histoire de sa vie, le portrait de son cœur, le tableau de sa maison. […] Un Dictionnaire historique portatif, fort bien fait, parle ainsi de Moliere : Louis XIV le regardoit comme le Législateur des bienséances du monde (non de celles de la vertu), & le Censeur le plus utile des ridicules de la Cour & de la ville, ses ouvrages sont l’histoire des mœurs, des modes, des goûts du siecle, & le tableau le plus fidele de la vie humaine.
La violence ou l’énergie déplacée, les contre-temps, les doubles ententes, le vague, les traits envenimés, les tableaux et les tours ingénieux, les attraits licencieux, l’éclat, la coquetterie, si je puis parler ainsi, en un mot, l’art séduisant des critiques du théâtre dont la malignité est en effet le moyen ordinaire, souvent le principe, depuis long-temps a produit cet effet, en attirant et captivant la foule qu’il a agitée à l’excès et égarée.
La Comédie d’un air enjoué, nous présente un tableau naif de nos ridicules ; tel s’amuse de la copie d’un petit maitre, d’un dissipateur, d’un méchant, dont il est souvent l’original.
M. de Belloy vient de recevoir des honneurs fort approchans, un prix dramatique au théatre, de la part du Roi, la qualité de Bourgeois de Calais, une boîte d’or de la part des Echevins, un grand tableau, qui vaut bien une statue, placé dans l’hôtel de ville, lieu plus décent & plus honorable que les foyers de la comédie. […] Ce char étoit tiré par quatre bufles, & étoit surmonté d’une figure de la mort, tenant une faulx à la main, qui fauchoit tout : elle avoit à ses pieds plusieurs sépulchres à demi ouverts, d’où sortoient des corps décharnés, comme dans le tableau du jugement, de Michel Ange.
Son fust étoit divisé en sept tableaux qui représentoient les principaux événemens de la guerre, heureuse pour la Russie : quatre batailles, la prise de Bender, &c. c’est-à dire, la défaite de la Pologne. […] Les dietes polonoises, les parlemens anglois sont-ils les seuls qui doivent gémir de la vérité de ce tableau ?
C'est une espèce de théâtre intérieur qui tantôt comme une prairie émaillée de fleurs, offre des beautés riantes et gracieuses, tantôt présente des tableaux hideux et lugubres, joue tour à tour le comique, le tragique, l'opéra, la foire, les bouffons. […] L'imagination du spectateur est souvent froide, engourdie, distraite ; celle de l'Auteur, communément belle, vive, cultivée, a formé ce tableau vivant, et en anime tous les traits, pour frapper les yeux et le cœur.
Les comparaisons des mœurs étrangeres, vraies au imaginées, avec les nôtres, font un cadre bannal, où on enchasse le tableau qu’on veut. […] Statues, médailles, tableaux, bas reliefs, inscriptions, livres, meubles, habits, armes, outils, ustencilles, provisions, des cadavres entiers dessechés, &c. […] Herculanum étoit une vraie Sodome ; on en voit des preuves sans nombre dans les tableaux, dans les statues, les meubles, où tout est plein d’obscénités, surtout dans les lampes.
La partie morale, ces tableaux des vertus & des vices ne sont qu’un Evangile déguisé par un langage qu’il se fait, & qui ne laisse voir que la nature. […] Ce tableau, tracé par lui-même, de son cœur & de sa conduite n’est point suspect ; il n’a pas besoin de commentaire. […] Le Théatre est un tableau aussi dangereux : il présente les mêmes désordres, & avec les mêmes couleurs, dans les dieux & les déesses, dans les héros, dans les princes ; l’élévation du coupable semble les ennoblir, en effacer la bassesse & le crime.
Il s’ensuit de ce tableau, que la Comédie dont le but est de corriger les mœurs, les rend plus mauvaises, puisqu’elle contribue à fortifier & à étendre l’amour-propre qui ne nous est déja que trop naturel.
A huit Piéces par année, les 53 qui sont inscrites sur le noir Tableau du Foyer, ne pourront être jouées que dans six ans & demi, (le calcul est aisé à faire, huit Piéces par an.)
La Mimographe * débute par le tableau d’une de ces Intrigues communes à nos Actrices, qui sert de preuve que leur personne, leurs talens, leurs mœurs, & leurs attraits inconvénientent la Représentation des Pièces les plus sages.
Les laquais, les cuisiniers, les carrosses, les tableaux, les glaces et tout ce qui est objet de luxe, doit disparaître d’un évêché, car tout cela est proscrit par la simplicité de notre religion, qui est la religion du pauvre et de l’humble.
Accoutumé à avoir la fibre ébranlée par l’impression de tableaux épouvantables, le peuple renonce à la jouissance des impressions douces ; il ne veut plus que Clytemnestre meure derrière la toile.
Ces grands tableaux l’instruisaient sans cesse, et il ne pouvait se défendre d’un peu de respect pour les organes de cette instruction. 5°.
Il savoit dessiner : son coup d’essai fut de peindre un luth dans un tableau de la Magdelaine aux pieds du Sauveur, qu’il vit dans une église. […] Ce Sibarite est couché sur des roses, mais ne peut souffrir une feuille pliée ; il ne peut souffrir les tableaux grossierement lascifs, parce qu’ils excitent rapidement & fortement plutôt l’emportement de la débauche que la douceur de la molesse ; il dédaigne un vin fameux, un ragoût épicé, qui brûle le palais, & jette dans l’yvresse, il lui faut quelque chose de moëlleux, qu’il savoure & avale sans effort. […] Le plaisir n’a pas besoin d’art, la nature le fait goûter, & en fait mieux que le poëte tracer les tableaux, & faire sentir l’agrément.
C’est un tableau de l’ame, dont les couleurs sont les traits. […] Les Peintres étudient avec soin le coloris, il a fait la réputation de plusieurs Artistes célebres : l’art du coloris ne consiste pas seulement à donner à chaque objet sa couleur naturelle, mais à bien assortir les couleurs, de les bien répandre sur le tableau, dans le lointain ou dans le voisinage, dont les couleurs doivent tomber les unes sur les autres, afin de donner à chaque Groupe & à l’ensemble, le degré de teinte & de nuance, qui doit résulter de leur combinaison.
Le Traducteur a adouci cet hideux tableau, en disant qu’elle peignit ses yeux avec du fard : Pinxit oculos suos stibio. […] Il n’a negligé rien pour faire de son visage un tableau.
Tous les romans emploient les mêmes traits dans le tableau de leurs héroïnes, & les Actrices sur le théatre pour les représenter. […] C’est enfin le tableau de l’enfer, c’est une fosse profonde pleine d’une boue sale & puante, c’est un lac de misere qui engloutit à jamais les damnés, où ils s’empestent l’un l’autre : De cadaveribus eorum ascendit fœtor .
Tout cela peint parfaitement le héros & le panégyriste, les vrais originaux du tableau. […] On revient au château entouré de janissaires & d’officiers du serrail à cheval ; Sa Hautesse conduit la Sultane à l’appartement qui lui etoit préparé avec des meubles neufs d’une richesse extraordinaire ; le lit de damas aurore brodé d’argent étoit admirable, des amours en relîef en soutenoient les rideaux, divers tableaux représentoient les amours de Titon & d’Aurore, contre le costume turc.
Quant aux libertés que l’Auteur s’y donne, son titre fait sa justification bien moins que les tournures adroites & voilées qu’il a imaginées pour adoucir la vivacité (la grossiereté) des tableaux. […] Qui doute qu’une mauvaise lecture, une statue, un tableau licencieux, ne soient plus pernicieux dans un cabinet où l’on est seul, que ce qui est exposé dans les places publiques ?
Oui, le Théâtre est le tableau du monde, et un tableau qui, par les traits dont il est rempli, est plus dangereux que le monde même.
J’aimerois autant qu’on me soutint qu’un Marchand de Tableaux est celui qu’il faut louer de la beauté des peintures qu’il vend, que d’avancer que l’Acteur donne au discours tout ce qu’il a d’énergie .
« Or, pour savoir si cette idée peut s’allier avec celles des spectacles, il suffit d’examiner ce que c’est que le spectacle ; il suffit de remarquer, avec Tertullien, que c’est une assemblée d’hommes mercenaires, qui, ayant pour but de divertir les autres, abusent des dons du Seigneur, pour y réussir, excitent en eux-mêmes les passions autant qu’ils le peuvent, pour les exprimer avec plus de force : il suffit de penser, avec saint Augustin, que c’est une déclamation indécente d’une pièce profane, où le vice est toujours excusé, où le plaisir est toujours justifié, où la pudeur est toujours offensée, dont les expressions cachent le plus souvent des obscénités, dont les maximes tendent toujours au vice et à la corruption, dont les sentiments ne respirent que langueur et mollesse, et où tout cela est animé par des airs qui, étant assortis à la corruption du cœur, ne sont propres qu’à l’entretenir et à la fortifier : il suffit de comprendre que c’est un tableau vivant des crimes passés, où on en diminue l’horreur par la manière de les peindre : il suffit de considérer, avec tous les saints docteurs, que le théâtre est un amas d’objets séduisants, d’immodesties criantes, de regards indécents, de discours impies, animés toutefois par des décorations pompeuses, par des habits somptueux, par des voix insinuantes, par des sons efféminés, par des enchantements diaboliques.
On trouvera de même un exemple d’un dénouement vitieux, dans le tableau exact que nous esquisserons ailleurs du dernier Acte d’Hypermnestre.
Ne reconnoit-on pas les traces de leur politique à cet égard, dans l’usage où étoient les Lacédémoniens d’inspirer de l’aversion pour l’yvrognerie, par le tableau des excès mêmes de ce vice ?
Faut-il donner au marchand, au tableau, ou à la bordure du cadre, la gloire du peintre ?
Quant aux Tyrans, on n’en a besoin nulle part : il suffit de les montrer ; et vous n’ignorez pas les motifs qui portent nos Auteurs à les produire sur la scène : c’est pour en faire l’objet de l’exécration publique, et quelque bien établie que soit à Genève la haine de la Tyrannie, il n’en est pas moins sage de justifier, de nourrir et de fortifier cette haine par les tableaux des horreurs que les Tyrans ont su commettre.
Je déteste surtout le tableau qui pendant toute la Tragédie est sans cesse devant mes yeux, de deux frères qui aiment Rodogune et qui nous présentent presque à la fois des traits d’un Héroïsme manqué, et d’une véritable faiblesse.
On particularise ces généralités par des insinuations, par des formes ou petites combinaisons adroites ; il suffit de quelque rapport ou consonnance de noms, de quelques traits de ressemblance dans les accessoires du tableau entre le personnage du théâtre et la personne qu’on a en vue de signaler. […] Si, dans le tableau du Tartufe, on avait mis en action, et opposé à ce personnage odieux un vrai dévot, du même habit et à peu près dans la même situation, lui parlant sincèrement le langage de la religion, se livrant aux mêmes exercices pieux, faisant l’aumône ou d’autres bonnes œuvres par une charité non suspecte, en blâmant et censurant son hypocrite collègue, les suites de cette satire n’auraient certainement pas été aussi fâcheuses ; parce que le vrai dévot se serait attiré et aurait conservé, au profit de la dévotion ou de la religion, la considération que le scandale de la conduite du Tartufe lui a fait perdre.
L’imagination est un tableau dont tous les pinceaux divers rendent les objets & les couleurs. […] Les ombres légères, les nuances insensibles, les dégradations de la lumiere qui relevent & font sortir les objets dans les tableaux, font connoître & font passer dans les auditeurs & les spectateurs, la corruption du cœur, la dissolution de l’esprit, & les font encore mieux goûter par ces assaisonnemens séduisants.
Tout sert à ces compositions, le vermillon, la ceruse, le mercure, le safran, le pastel, la suïe, l’indigo, &c. on les mêlange, on les combine, on les nuance, on en regle la dose comme on veut, selon la maniere dont on veut se colorer ; c’est une branche de la peinture, un art particulier, une toilette & une palette, où l’on trouve toutes les couleurs ; le visage d’une femme une toile d’attente, disposée pour les recevoir ; son fauteuil sur lequel elle se renverse pour se livrer au pinceau, un vrai chevaler, où le tableau est exposé ; un habile coëffeur est un Raphaël, un Michel-Ange, qui fait des chefs-d’œuvres, ou plutôt un Calot & un Tenier, qui fait des grotesques. […] Le plus habile coloriste, travaillât-il sur vos joues, comme sur une toile tende sur le chevalet, le coloris ne rendra jamais les vraies couleurs, que l’âge, l’artifice, l’infirmité, la volupté ont ternies ; & plus fragiles que celles d’un tableau, qui le conserve les années entieres, ces couleurs seront ternies dans un instant, & laisseront des tristes traces qui vous défigurent, & mettent au grand jour votre ancienne & votre nouvelle laideur.
» Que ajouter à ce tableau de mœurs, de mœurs pures et innocentes, et de quel autre coloris oserais-je essayer de l’embellir ? […] Dans ces tableaux circulaires, nouvelle conquête de la peinture, l’artiste choisit un point central élevé qui permette d’embrasser tout un vaste horizonv.