En effet, elle renferme mille leçons des ruses dont une fille peut faire usage pour faire connaître à son Amant ses intentions afin de tromper son Tuteur qui veut l’épouser.
L’héroïne du poème n’est, selon Fontenelle, « qu’une Princesse assez mal morigénée», le Roi son père un imbécile, son amant une espèce de fou qui fait le bel esprit. […] L’Aveugle de Smyrne est encore plus mauvais et plus indécent ; les amants s’embrassent, se baisent, se caressent à plusieurs reprises sur le théâtre. […] Quoique amants d’Europe, ils font la cour à des Princesses d’un moindre rang, à l’Austrasie (la Lorraine). […] quel compliment à une Princesse par son amant !
Nicole avait pris le change sur la fureur de Camille, dans la Tragédie des Horaces : vous prétendez que cette furieuse, en faisant toutes ses imprécations contre son frère et contre son pays par le désespoir d’avoir perdu son amant, est capable de dégoûter les filles dont la tendresse pourrait passer les bornes ordinaires, et qu’elles se ménageront mieux sur une passion qui peut produire de si terribles effets. […] Avez-vous vu des Amants bien tranquilles dans la situation la plus calme ?
des Théâtres, il ne parle que de la compassion qu'il avait pour les misérables que l'on représentait dans les Tragédies, et de laquelle il faisait lors son plaisir, disant qu'il était fâché lors qu'il en sortait sans être ému de douleur, et qu'il entrait dans les interdits des Amants, étant bien aise quand ils obtenaient ce qu'ils avaient désiré.
Les effets, la course admirable De ce bel Astre infatigable, Désireux de revoir un jour Athènes et la Philosophie, Je vous laisse Amants de Sophie L’honneur de cet heureux séjour.
Cependant le Poète qui veut intéresser ses auditeurs dans la fortune de Pamphile et de Glycérie, fait paraître ces deux jeunes gens aimables ; il en fait à la fois un monstre de vertu et de vice, ou plutôt un composé de vices effectifs sous des vertus apparentes, pour le rendre aimable ; de sorte que bien loin que des jeunes gens conçoivent de la honte de ces sortes d’amours, ils souhaiteraient ressembler à ces deux amants, dont les amours réussissent.
Pour les premiers ; nos Amants & nos Belles en sçavent plus qu’on n’en peut écrire : Pour le second, outre que nous en avons dé-ja parlé sur le propos des Dances, je n’adjoûteray que ce mot, que la belle Dance est une certaine finesse dans le mouvement, au port, au pas, & dans toute la personne, qui ne se peut ny exprimer ny enseigner par les paroles.
Elles l’obtiendroient aisément, si le Marquis, auteur de cette farce, ou Voltaire son approbateur, étoient seigneurs de Salenci, & avoient le droit de l’adjuger : celle qui passeroit la nuit dans la campagne tête-à-tête avec son amant, & qui viendroit effrontément le baiser sur le théatre, seroit aussi-tôt la Rosiere : il ne seroit qu’embarrassé pour choisir sur le grand nombre. […] Et cependant on fait de la Rosiere une vraie coquette, hypocrite & adroite qui cache la plus vive passion, par un air de gaieté, de fanfaronnade sur la vertu, de protestation d’indifférence, de mauvais traitemens affectés à son amant, des injures, des emportemens. Elle se trahit à tout moment par ses ariettes galantes, par le détail de l’amour de Colin dans la romance, par ses allarmes sur le départ de son amant, l’éloge qu’elle en fait, l’embarras de ses réponses, le pardon qu’elle accorde à son amant, la conversation la plus tendre en duo, le duel à coups de poings qu’elle arrête, &c. tout ce manége de romans & d’opéra.
Ainsi toute fille qui n’est entretenue que par un amant, peut impunément faire son commerce ; la seule prostitution publique, qui seule étoit autrefois tolérée, est au contraire la seule aujourd’hui soumise à la police. […] Peut-on comprendre qu’un pere délicat sur les mœurs de sa fille, un mari sur l’honneur de sa femme, un amant même sur les sentimens de la personne qu’il se destine pour compagne, les voient sans les plus vives inquiétudes à l’école la plus rafinée de la coquetterie, & dans les occasions les plus dangereuses de l’infidélité ? […] Un mot de galanterie, un éloge de leur beauté, un coup d’œil passionné raccommode tout, fait tout pardonner, tant elles sont charitables & bonnes : les fleurettes ne sont pas trop achetées au prix des injures, un amant dédommage de tour. […] Etant venue dans la salle du concert, elle chercha des yeux N … son Maître de chant & son amant, & ne l’ayant pas trouvé, elle signifia qu’elle ne chanteroit pas, s’il n’étoit placé auprès d’elle ; on le fait chercher, on le place, elle chante enfin.
Quelle folie et quel péché (de peccato et vanitate) de négliger des études utiles, pour m’occuper des aventures de je ne sais quel Enée, tandis que j’oubliais mes propres égarements, et de pleurer la mort que se donna Didon pour son amant, tandis que je vois d’un œil sec la mort de mon âme ? […] Tels étaient les sentiments de joie que me donnaient les amants sur le théâtre, lorsque par leurs intrigues ils faisaient réussir leurs désirs, ou de tristesse lorsque quelque accident venait à les séparer, quoique ce ne fussent que des fictions : « In theatris congaudebam amantibus, cum sese fruebantur, cum autem sese amitebant quasi misericors contristabar. » Aujourd’hui j’ai plus de pitié de celui qui se réjouit dans son crime, que de celui qui regrette une félicité méprisable et une volupté pernicieuse. […] C’est la charité ; mais n’appelez pas charité la liaison qu’ont entre eux les méchants, les voleurs, les Comédiens, et ceux qui les fréquentent : « Non quacumque charitas … qui simul latrocinia vel maleficia faciunt, qui Histriones amant, aurigis clamant. » (Serm. 159.
Quand je la vis pour la première fois, elle retraçait le tableau d’une Amante courageuse, qui s’est envain immolée, pour conserver la fortune & la vie de son Amant*.
L’amant de Psiché, aussi amoureux d’elle, malgré sa diformité, ce qui est très rare, pour se moquer des insensés qui aiment les femmes fardées, malgré la laideur réelle que leur donne le fard. […] Ce conte est très-licencieux, l’imagination y est toujours fixée sur des nudités & des crimes, sous des idées de la plus belle personne du monde, des Nimphes charmantes de Venus, de l’amour devenu amant. […] A-t-elle coupé les membres de son frere pour arrêter les poursuites de son pere, à qui elle avoit échappé, pour s’enfuir avec son amant ? […] Cette honnête Dame empoisonne son mari, & s’enfuit avec son amant ; elle alla s’établir dans une isse de la Méditerranée, à qui elle donna son nom ; elle y ouvrit un lieu de débauche, comme Calypso, les Sirenes, la Déesse de Paphos, d’Amathonte, &c. car les stations & les avantures du sage Ulysse dans sa navigation, les innombrables prodiges d’Ovide ne sont précisément, non plus que les intrigues de tous les rommans & de toutes les piéces de théatre, que les historiettes des libertins, & des courtifannes, dont on chante les amours.
Il est vrai que son amant lui en donnoit l’exemple. […] Celle-ci, ayant tout découvert par le moyen d’un Page, amant de la Danseuse, qui s’étoit brouillé avec elle, engagea un Officier, son amant, à faire l’amoureux de sa rivale, moyennant cinquante louis, qu’elle lui remit, afin d’en obtenir un rendez-vous. […] Elle fit passer ce diamant par quelqu’autre amant qui la trahit.
Le mot harpon, sorte de crochet, & harpager en latin harpagere, c’est-à-dire, accrocher, saisir avec un croc, terme usité dans la Marine, Une maîtresse qui exige des présens, qui ruine son amant, est une harpie. […] Ayant obtenu tout ce qu’elle vouloit, Cléopatre donna les fêtes les plus somptueuses à son amant, plus méprisable par ses foiblesses, que grand par ses conquêtes. […] Qu’on cherche une Actrice dont on puisse louer la chasteté, qui n’ait eu qu’un amant, car pour le mari, la plupart n’en ont pas ; en est-il à quoi on n’ait droit de dire, comme le Sauveur à la Samaritaine, vous avez eu cinq hommes fut votre compte, & celui avec qui vous vivez n’est pas votre mari ? […] L’amant dont elle mérite la conquête est un Holopherne qu’elle s’efforce de seduire, pour en faire sa proie, ce qui n’est pas bien difficile : il est pris au premier coup d’œil, il va au-devant de ses fers, il étale le plus grand lune pour plaire. […] Une Actrice à sa toilette, se proposant quelque conquête, coupant la bourse à son amant, faisant la prude pour le surprendre par la condamnation de la coquetterie, les flatteries de celui à qui elle a recours, priant dans son Oratoire, s’entretenant avec son amie, fetoient une fausse Judith, qui pourroit donner des scenes plaisantes.
Ce peuple sage dans sa grossiéreté craignoit qu’une jeune Reine si dissipée ne lui donnât quelque fils naturel qui attroit causé du trouble pour la succession, ou peut-être qu’un mariage bisarre formé par la passion ne fit monter sur le trône quelque amant indigne qui l’auroit déshonoré, ou quelque Prince étranger qui seroit venu gouverner l’État & enlever ses finances ; on souhaita qu’elle se mariât & qu’elle épousât le Prince Palatin, Charles, son proche parent, héritier présomptif de la couronne, mariage à tous égards très-convenable, qui assuroit le repos de la Suède, l’âge, la naissance, la religion, le mérite, tout étoit parfaitement assorti ; on le lui proposa, on l’en pria, on l’en pressa ; un mariage formé par la sagesse n’est pas du goût de Thalie, elle ne veut que les chaînes de la passion, ou l’indépendance du célibat, & quoique toutes les comédies se terminent par un mariage, la plupart des Auteurs, Acteurs, Actrices, Amateurs préfèrent au joug de l’hymen, la dissipation & le libertinage, elle avoit devant les yeux l’exemple récent d’Elisabeth d’Angleterre qui avoit refusé vingt-quatre mariages & joué la virginité pendant quarante ans. […] Quel odieux assemblage de religion & de crime, de tendresse & de cruauté, assassiner son amant, parce qu’on le croit infidèle ! […] Le théatre eut-il jamais de tragédie aussi bisarrement atroce, & si jamais quelque Shakespear s’avisoit de mettre Christine & Monal Deschi sur la scène, ne craindroit-il pas de se déshonorer & de révolter tout le parterre, ne fut-il composé que des cannibales, s’il faisoit venir un Mathurin donner l’absolution à cet amant infortuné par l’ordre d’une si barbare & si ridicule Héroïne. […] Mais le mariage est un joug, & Christine n’en vouloit pas ; le Palatin est un homme sérieux qui n’aime pas le libertinage du théatre, & qui la gêneroit dans ses passions, & Christine n’aime qu’un amant qui l’adore & lui laisse une entière liberté, elle ne veut pas se donner un maître, & les États ne veulent point une Actrice sur le trône, la liberté vaut mieux qu’une royauté esclave. […] Ses amours gothiques comme elle tenoient de l’humeur des Attilas, des Totilas dont elle croyoit descendre ; elle porta la jalousie aux plus grands excès qui lui donnoient droit de faire remonter sa généalogie jusqu’à Médée, elle fit de sang froid poignarder son infidèle amant ; tout le monde sait l’aventure de Monal Deschi son Écuyer, qui parmi tant de comédies fait une vraie tragédie.
Ce temps si précieux est encore rempli par une galanterie entre la fille du maître du château royaliste & son amant ligueur, qui se termine par un mariage. […] Au milieu de ce tapage l’amant ligueur entre, se donne au Roi, & lui demande sa grace, en lui chantant une ariette. […] Ces termes de cuisine, ce style grossier, ce mot qu’il avoit toujours à la bouche, Ventre-saint-gris, ces grands mots, mes belles amours, le titre de Roi & de votre amant sont bons , à quelle sauce qu’on les y mette, cette ruse de faire ôter tous les siéges, pour obliger des députés de s’asseoir à terre : de pareils éloges sont des satyres. […] Son amant en fut au désespoir ; les mouvemens de sa colere furent aussi violens que ceux de son amour : il tonna, il menaça, poursuivit la Princesse, se déguisa pour la voir & la surprendre. […] Toi, qui sus enfin sans foiblesse, amant & guerrier tour à tour, servir & la gloire & l’amour, aimer ton peuple & ta maîtresse.
Le père de Chimène donne un soufflet au père de Rodrigue, Amant aimé de Chimène. […] Au cinquieme Acte, & c’est où j’en voulois venir, Rodrigue entre inopinément chez sa Maîtresse, qui a promis sa main au vainqueur de son Amant. […] Dans Virgile, Didon livrée au plus furieux désespoir, déchirée de remords, poursuivie par l’ombre vengeresse de son époux, monte enfin sur le bûcher, & se tue en faisant d’horribles imprécations contre l’amant qui l’a trahie, & qui n’a fait cependant qu’obéir aux Dieux. […] A ne consulter que le préjugé général, qui croiroit que Titus n’est Empereur & Romain que dans Racine ; & qu’il n’est dans Corneille qu’un Prince irrésolu, qu’un Amant foible & langoureux ? […] La Fille d’Agamemnon, promise par son Père au jeune Achille, n’aime dans son Amant que l’Epoux qui lui est destiné.
Tu n’auras qu’à mon retour le travail de ton tendre, de ton généreux Amant (c’est à l’Actrice que je parle) : je te trouve assez occupée… Je gagerais que tu reviendras plus d’une fois au joli portrait… Ma sœur, quelle situation !
Aux païens, il est vrai, l’on pardonne aisément Qu’un héros courageux devienne un lâche amant.
Dites, que tout cet appareil n’entretient pas directement et par soi le feu de la convoitise ; ou que la convoitise n’est pas mauvaise, et qu’il n’y a rien qui répugne à l’honnêteté et aux bonnes mœurs dans le soin de l’entretenir ; ou que le feu n’échauffe qu’indirectement ; et que, pendant qu’on choisit les plus tendres expressions pour représenter la passion dont brûle un amant insensé, ce n’est que « par accident » c, que l’ardeur des mauvais désirs sort du milieu de ces flammes : dites que la pudeur d’une jeune fille n’est offensée que « par accident », par tous les discours où une personne de son sexe parle de ses combats, où elle avoue sa défaite, et l’avoue à son vainqueur même, comme elle l’appelle.
Il reconnaît devant Dieu, comme un grand mal, le sentiment qui le portait, lorsqu'il voyait représenter des Amants qui étaient contraints de se séparer, à s'affliger avec eux.
Dans ce temps, qui ne dura peut-être pas vingt-quatre heures, il n’y avoit ni troupeaux, ni bergers, ni bergeres, ni amant, ni maîtresse, ni églogue, ni galanterie. […] Cœur tendres, amant malheureux, courtisan pauvre, érudit crédule, italien superstitieux, plume facile ; des malheurs, ses amours, son siecle, sa réputation, sa dévotion, son libertinage, routes ces choses réunies dans sa personne, ont fait un ouvrage plein de beautés & de défauts, plus dramatique qu’épique, qui n’est qu’une longue comédie, faite uniquement pour le Théatre. […] Chez lui la Fée Dentue est une vraie sorciere, Fleurd’épine une pleureuse, Tarare son amant un langoureux, Dentillon son rival un nigaud, dont l’ingénuité & la balourdise font rire quelquefois.
A l’amant chacun porte envie, Et rit des fureurs de l’époux. […] Un amant Iroquois seroit peu redoutable à des Françoises, & je doute qu’un petit-maître François fît bien des conquêtes à la Chine. […] Si l’amant d’une de ces femmes déshonorées par le commerce de leurs attraits, au lieu de rougir de son choix, le confioit insolemment au public, en offrant l’image de la courtisanne dans le temple des arts ; s’il avilissoit ces arts mêmes en exigeant d’eux qu’ils éternisassent ces traits par le marbre & le bronze (le portrait, l’estampe, le buste & la médaille de la Clairon) ; s’il donnoit enfin au vice le prix de la vertu, je m’écrirois, qu’êtes-vous devenu, &c.
Il est doux à cet âge, D’aimer tendrement Un Amant qui s’engage. […] Mais, comme cette passion aveugle d’ordinaire celles qui en sont possédées, elle lui répondit sottement : « Non ; dans l’âge où je suis, Je ne veux plus passer pour bête, si je puis. » Enfin, elle s’échappa, et alla trouver son amant. […] à contrefaire les amants passionnés.
Son crédit procura l’entrée à la comédie à son jeune amant, unique ressource dans son extrême misère, dit M. […] Il y eut information contre elle, Beloc et Bourlet, Procureurs au Châtelet, ses amants, qui lui avaient tenu la main, et qui furent emprisonnés. A leur place un troisième amant, nommé Moligni, se chargea de poursuivre le procès.
Déjà le faible du cœur est attaqué, il est vaincu, et l’union conjugale trop grave et trop sérieuse pour passionner un spectateur qui ne cherche que le plaisir, n’est que par façon et pour la forme dans la comédie dont le but est d’inspirer le plaisir d’aimer : on en regarde les personnages, non comme épouseurs, mais comme amants ; et c’est amant qu’on veut être, sans songer à ce qu’on pourra devenir après.
Une belle nuit de la Prévôt coûta deux cents louis à son amant. » Il fait ensuite le parallèle des Actrices et des Courtisanes, et les Actrices l’emportent. […] Cependant la dépense que font leurs amants ne les assure pas du cœur de ces créatures ; elles prennent de toutes mains quand l’occasion est favorable, leur vertu ne s’effarouche pas, pour peu que leurs aventures soient cachées à leurs adorateurs, lorsqu’elles sont assurées du secret, le marché est bientôt conclu.»
D’autrefois ils les composaient de contes fabuleux, ou de Dialogues entre des Amants ; ce qu’ils nommaient Tensons, syruentes Fabliaux, ou disputes d’amours : ils récitaient eux-mêmes les vers de leur composition, ou les faisaient chanter par les Chanteours ou Chantres.
Aucun amant qui ne servît son Roi, aucun guerrier qui ne servît sa dame (c’étoit sa Reine). […] Deux Comédiennes, Marote Beaupré & Catherine les Ursis, se donnèrent rendez-vous sur le théatre du Marais, pour se battre l’épée à la main, & se battirent en effet à la fin de la piece (c’étoit deux rivales qui se disputoient un amant, comme les Chevaliers se disputoient leurs Dames). […] Si elle est déférée à la police, elle répond qu’elle s’est comportée selon les loix, en fille entretenue, qu’elle n’a qu’un amant. […] parce que la nature sacrifiée a repris ses droits, parce qu’une fille a cédé à ses désirs & à ceux de son amant, tout un empire regarde cet amourette comme un présage de quelque événement sinistre.
Sans s’embarrasser de la balance d’or qui entraîne les dieux et l’avenir, il l’a mariée à un homme du pays qui n’est point du vulgaire couronné, déclaré indigne d’elle, mais du vulgaire non couronné, qui lui est mieux assorti, quand l’auteur amant remerciait son protecteur de sa générosité, qu’il ne pensait pas devoir tomber sur un autre. […] Il ne fait des amants que des avocats, pour ou contre, des sophistes et des politiques. […] Encore, ces folies sont-elles plus tolérables dans la bouche d’un amant que dans celle d’une héroïne. […] Il ne nous servira de rien, il ne saura que mourir.Rien de plus commun sur la scène ; c’est le refrain de tous les amants.
Il ne faut pas non plus qu’Egisthe, Amant de Clytemnestre, soit massacré à la vue des spectateurs, ni de son Amante, pour épargner à cette Reine infortunée un spectacle si douloureux. […] Racine, est si pathétique, et si touchant, que le spectateur est autant attendri par cette narration, que s’il voyait de ses yeux Hippolyte traîné par ses chevaux, et Aricie pâmée auprès du corps de son Amant, qui expire, et qui est tellement défiguré, qu’à peine le peut-elle reconnaître. […] Cette Princesse conçoit un amour violent pour Hippolyte, fils de Thésée, son mari : Après bien des combats, elle prend enfin la résolution de découvrir à son Amant une flamme si criminelle : Ce jeune homme, plein de vertu, bien loin de répondre à cet amour incestueux, est épouvanté d’une déclaration si peu attendue : L’amour de Phèdre se change en fureur, et dans la crainte d’être prévenue, elle se hâte d’accuser son Amant, et se résout à le perdre par une calomnie horrible ; enfin elle se livre toute entière à son désespoir, et se donne à elle-même la mort qu’elle n’avait que trop méritée.
Qu’il est doux, ô mon Ursule, d’avoir dans son mari, un chef éclairé, vigilant ; un protecteur sage, tendre ; d’y voir un père, un ami, & sur-tout un amant !
Mais je reviens à mon Amant.
Apparemment il ne songe pas à ceux des chanteuses, des comédiennes, et de leurs amants, ni au précepte du SageProv.
En sortant d’avec Zaïre, lorsque l’on s’examine sur l’impression qu’elle nous a faite, on ne se trouve que de la tendresse, on est amant jusqu’à la fureur !
Pour aller au même but, les Italiens n’ont pas fait comme les Français : ils ne se sont pas servis de Valets, ni de suivantes pour tendre des pièges à l’innocence, ou pour seconder la débauche des amants de Théâtre ; mais ils ont substitué, aux Esclaves, des hommes et de vieilles femmes, qui font le métier de séduire la jeunesse ; et, en cela, quoique le mal soit toujours le même, du moins les mœurs du temps ont été plus régulièrement suivies par les Italiens, que par les Français : D’ailleurs, s’il se trouve quelquefois des suivantes peu délicates sur l’honneur de leurs maîtresses, ce vice, par bonheur, est assez rare ; d’où il suit qu’il est extrêmement pernicieux d’en produire des exemples qui ne peuvent qu’inspirer des idées de corruption à celles qui ne la connaissent pas.
Pendant les troubles du Royaume & la prison des Princes, les deux Princesses leurs femmes n’en passoient pas moins leur temps en comédies, jeux, bals, ballets, chansons & conversations galantes ; & la Duchesse de Longueville depuis devenue dévote à Port Royal, alors fugitive hors du Royaume, faisant l’Amazône à la tête des troupes qui combattroient contre le Roi sous les ordres du Vicomte de Turenne, entretenoit un commerce de galanterie avec le Duc de la Rochefoucauld son amant, qu’elle avoit entraîné dans la revolte, & qui l’adoroit comme une Divinité ; toutes étoient pleines d’intrigues, au milieu des horreurs de la guerre civile, chaque Dame avoit sou amant, chaque Seigneur sa maîtresse ; le Duc de Bouillon qui en fut le chef à Bordeaux, entretenoit une femme, le Duc d’Epernon, Chef du parti contraire, avoit la sienne, & l’Auteur Ministre de la Princesse, le sieur Lenet avoue qu’il en avoit une à Paris. […] Rien de plus comique que la Reine régente & le premier Ministre faire la Cour à cette créature, & le Gouverneur traîné en lesse adorer ses charmes ; la Clairon n’en a pas tant fait, elle jouoit assez bien son rôle, sur-tout pour ses intérêts ; car avec toutes ses ridicules scènes elle fit une fortune de deux millions, tout s’évanouit à la mort de son amant ; les héritiers du Duc ne se firent aucun scrupule de la dépouiller de tout, prétendant qu’ils ne faisoient que reprendre leur bien, elle rentra dans la poussière d’où le vice l’avoit tirée. […] C’est une critique ingénieuse de bien des pièces où l’amant vient en effet je ne sais comment.
C’est-là qu’un Amant contraint d’éloigner de lui pour quelque tems sa Maîtresse, afin de ne la point perdre pour toujours, fait cette reflexion sur sa peine, la Vigne coupée à propos en devient plus belle, & ce sont les blessures que la main du Pasteur Arabe fait à un arbre, qui en font couler le beaume. […] Il est content, parce qu’ils vont se retrouver aux Enfers, sous ces berceaux qu’habitent les Ombres des illustres Amants, qui toutes vont les environner & faire leur cortège.
Mais alors je prenais part à la joie de ces amants du Théâtre ; lors que par leurs artifices ils faisaient réussir leurs impudiques désirs, quoi qu'il n'y eût rien que de feint dans ces représentations, et ces Spectacles; et lors que ces amants étaient contraints de se séparer, je m'affligeais avec eux comme si j'eusse été touché de compassion, et toutefois je ne trouvais pas moins de plaisir dans l'un que dans l'autre.
Quelles sont nos vertus, si l’amour est un crime Ces doux fremissemens, ces feux & cette ivresse Sont des secret tributs qu’il rend à son auteur : Et ne savoir nuir, par un heureux lien, Les plaisirs d’un amant aux devoirs d’un chretien… Dieu qui creusa l’abyme où ton couroux me laisse J’esperois que ton bras soutiendrois ma foiblesse ; Mais puisque tu n’as pu m’arracher mon penchant, Pour teindre l’amour, aneantis l’amant. […] D’une adultere, d’une folle, qui se déguise en homme, court le monde & se fait moine pour voir son amant.
Belinde déclare avec effronterie son inclination pour un amant. […] Torrismond nomme la Reine rebelle, tandis qu’il est et son Général et son amant. […] Céladée jeune personne de qualité saisie de crainte que son amant ne devienne l’époux d’une autre qu’elle, demande que l’univers tombe dans un informe chaos : elle voudrait voir tous les éléments se confondre et s’ensevelir elle-même sous la ruine commune de ce bas monde : elle invective follement et emphatiquement contre le Ciel de ce qu’il a formé la nature humaine autrement qu’elle n’eût dû être à son avis : P. 52.
N’a-t-il pas rappellé sur la Scéne les mêmes horreurs sur lesquelles Saint Cyprien gémissoit autrefois1 les piéges d’un amant, les ruses d’une coquette1 ?
« Heureux, si le Théâtre au bon sens ramené, N’avait point, de l’amour aux intrigues borné Cru devoir inspirer d’une aveugle tendresse Aux plus sages Héros la honte et la paresse : Peindre aux bords de l’Hydaspe Alexandre amoureux, Négligeant le combat pour parler de ses feux, Et du jaloux dessein de surprendre une ingrate Au fort de sa défaite occuper Mithridate : Faire d’un Musulman un Amant délicat Et du sage Titus un imbécile, un fat, Qui coiffé d’une femme et ne pouvant la suivre Pleure, se désespère, et veut cesser de vivre … … … … … … … … … … … … Mais on suppose en vain cet amour vertueux : Il ne sert qu’à nourrir de plus coupables feux L’amour dans ces Héros plus prompt à nous séduire, Que toute leur vertu n’est propre à nous instruire. » Au regard des Anglais, que la paix multiplie chaque jour dans le Royaume, ils seront bien aises d’avoir un excellent Auteur de leur nation traduit dans une langue qu’il leur est nécessaire de savoir pour vivre en un pays étranger avec quelque plaisir et quelque satisfaction.
Arétin enfanta des milliers de vers sur les amours, comme Tibulle, Ovide, Properce, & un volume pour l’une de ses maîtresses, comme Pétrarque pour Laure : mais ces vers, abandonnés à la poussiere, n’ont procuré l’immortalité, ni à l’amant, ni à la maîtresse. […] Sa vie ne fut depuis qu’un tissu de calamités & de foiblesses, qui altererent la raison de l’amant berger, jusqu’à le faire réelement Berger à l’honneur de sa Silvie, & le firent traiter avec raison comme un insensé. […] Le Duc de Ferrare traita plus sèverement l’amant de sa sœur : il le fit enfermer dans l’Hôpital des Foux, par charité, disoit-il, pour le faire guérir ; dans la vérité, pour sauver l’honneur de sa sœur, en faisant passer son amant pour un fou, & son intrigue pour une folie.
Des Courtisannes d’aujourd’hui le luxe insolent feroit rire ; chaque amant épris sans amour, brûle de montrer au grand jour, & sa conquête & son délire ; veut que sa belle ait une cour, qu’elle soit par-tout, qu’on admire le collier qui pare son sein, ses coursiers, sa robe, son train. […] Il est plaisant de voir la sœur Javote d’un Fiacre, dire d’un ton de princesse, & le faire croire à son amant imbécile, Si mon seul partage étoit l’obscurité, s’il mettoit entre nous trop d’inégalité, vous aurai-je permis la plus foible espérance ? […] Son amant la quitte impitoyablement pour prendre à l’Opéra la célebre Amélie. […] Le style en est décent, & quelques situations attendrissantes : mais elle blesse les bonnes mœurs, comme bien d’autres, en intéressant pour un séducteur, une fille amoureuse qui se fait enlever par son amant, & pour le fruit illégitime d’une union clandestine faite à l’insu des parens, sans observer aucunes regles, ni canoniques, ni civiles, à qui on donne le nom sacré de mariage, & qu’on tâche de réhabiliter par le consentement forcé du père ; au lieu de donner horreur des intrigues qui deshonorent les familles. […] Jusqu’ici on s’en embarrassoit peu, pourvu que la recette fut bonne & l’amant libéral, on laissoit tout dire & tout écrire.
Qui pourrait s’empêcher de rire en voyant qu’on fait dire à une jeune fille, qu’un amant flateur, enchanteur, a des armes sûres de leurs coups ? […] Trouverai-je l’Amant glacé comme le Père46 ?
Chimene, malgré tout le bruit de sa douleur, aime beaucoup moins son Pere que son Amant, & lorsque le Pere de Camille lui conseille d’étouffer sa tristesse, après la mort de son Amant, & de montrer du courage ; elle répond que l’Amour ne prend point de loix De ces cruels tyrans Qu’un Astre injurieux nous donne pour parens.
Dans le Cid on parle d’un parricide commis, en ces termes : « Enfin n’attendez pas de mon affection, Un lâche repentir d’une belle action, Je la ferais encore, si j’avais à la faire. » Et la Fille du Père assassiné, loue l’assassin, « Tu n’a fait le devoir que d’un homme de bien. » On y trouve des Leçons de vengeance d’un Père à son Fils : « Va contre un arrogant éprouver ton courage, Ce n’est que dans le sang qu’on lave un tel outrage, Meurs, ou tue. » Dans Polyeucte cette Pièce prétendue sainte, on voit une Fille qui parle d’un Amant que ses parents ne voulaient pas qu’elle épousât : « Il possédait mon cœur, mes désirs, ma pensée, Je ne lui cachais point combien j’étais blessée, Nous soupirions ensemble et pleurions nos malheurs, Mais au lieu d’espérance il n’avait que des pleurs. » On dit qu’on a combattu le faux dévot dans le Tartuffe ; cependant après qu’on a détrompé Orgon, on le fait ainsi parler contre tous les gens de bien : « C’en est fait, je renonce à tous ces gens de bien, J’en aurai désormais un horreur effroyable, Et m’en vais devenir pour eux pire qu’un diable. » Dans le Festin de Pierre, on expose les maximes les plus impies ; et le tonnerre qui écrase l’Impie, fait moins d’impression sur les méchants qui assistent à cette malheureuse Représentation, que les maximes détestables qu’on lui entend débiter, n’en font sur leurs esprits. […] L’Auteur de cette Pièce ne pourra effacer que par les larmes d’une véritable Pénitence le sacrilège qu’il a commis, en donnant un Amant à une Veuve qui n’en a jamais eu, puisque l’Ecriture n’en dit pas un mot ; et il s’est condamné lui-même, en avançant au commencement de sa Préface, qu’on ne peut altérer les sujets de l’Ecriture sans une espèce de sacrilège.
Puisque l’intérêt y est toujours pour les amants, il s’ensuit que les personnages avancés en âge n’y peuvent jamais faire que des rôles en sous-ordre. Ou, pour former le nœud de l’intrigue, ils servent d’obstacle aux vœux des jeunes amants et alors ils sont haïssables ; ou ils sont amoureux eux-mêmes et alors ils sont ridicules. « Turpe senex miles ». […] Je ne sais là-dessus comment les Auteurs s’y prennent ; mais je vois que les Spectateurs sont toujours du parti de l’amant faible, et que souvent ils sont fâchés qu’il ne le soit pas davantage. […] Qu’Orosmane immole Zaïre à sa jalousie, une femme sensible y voit sans effroi le transport de la passion : car c’est un moindre malheur de périr par la main de son amant, que d’en être médiocrement aimée. […] L’honnête homme et l’amant s’en abstient, même quand il pourrait l’obtenir.
En effet, que prétend Corneille dans le Cid, sinon que l’on ait pour Chiméne les yeux de Rodrigue, qu’on l’aime, & que l’on tremble avec lui lorsqu’il est en danger de la perdre, & qu’on s’estime heureux avec cet amant qui la posséde enfin ?
On peut, d’après Juvenal, dire des Français, dignes émules des Romains : Ce peuple si supérieur aux autres peuples, qui donne le ton de l’élégance et des grâces, des sciences et des arts, de la littérature et de la parure, après avoir vaincu le monde, est à son tour vaincu par la comédie, et borne tous ses désirs à avoir du pain et des théâtres : « Qui dabat olim imperium … fasces, legiones, duas tantum res anxius optat, panem et circenses. » Les papiers publics en font chaque semaine une honorable mention, les Mercure, les affiches, les journaux, les feuilles de Desfontaines, de Fréron, de la Porte, transmettent à la postérité les événements importants du monde dramatique ; on célèbre le début d’une Actrice, les hommages poétiques de ses amants, les compliments d’ouverture et de clôture ; on détaille avec soin les beautés, les défauts, les succès, les revers de chaque pièce ; on en présente à toute la France de longs morceaux avec les noms fameux de Valère et de Colombine.
Une Actrice cherche-t-elle un mari, ou un amant ? […] Ce foible moyen, plus payen que chrétien, de ménager un établissement, ne réussit, ni du côté de Dieu, on l’offense ; ni dans le monde, on s’y décrie ; ni dans l’esprit d’un amant, on s’y rend suspect. […] Un amant un jour homme sage, un homme sûr, capable de rendre heureuse celle qui les méprise, mérite seul la préférence.
L’utile & édifiant conseil à une fille à qui on ne veut pas donner son amant ! […] L’action n’a pû commencer que sur la fin de la matinée ; car dès la premiere scène la belle-mère & le frère, qui ne logent pas dans la maison, se trouvent rassemblés pour attendre Orgon qui arrive de la campagne, la femme & la fille sont toutes parées, & l’amant arrive bien-tôt après, ainsi qu’Orgon.
Le jeune-homme qui vient d’être ému, troublé, transporté hors de lui-même, s’est mis à la place de l’Amant ; il a cru voir dans celle qui représentait l’Amante, l’objet qui doit faire sa félicité ; son âme abusée ; s’est élancée vers l’Actrice ; la personne a fait oublier le rôle : dès le lendemain, il court revoir son enchanteresse, & dans la bouche de cette femme, les maximes saines, salutaires ne font plus que parer des charmes de la vertu l’idole de la volupté. […] Je sais que ces deux petites Comédies ne peignent qu’une innocente tendresse dans l’amant ; mais l’amante fort des bornes, & des Représentations de ce genre, doivent être interdites aux jeunes filles dont on veut que le cœur ne reçoive des loix que d’une raison sage & soumise.
ce n’est qu’à l’amant le plus tendre qu’il est permis de s’exprimer ainsi quand il ne rêve pas. […] La fureur s’emparait de lui ; il écrivait alors ; les blasphêmes et les horreurs coulaient de sa plume empoisonnée, et malheur aux amants jaloux ou chimériques qui auraient lu ces libelles horribles ; leur âme tourmentée n’eût plus éprouvé que d’affreux sentiments… Les Dieux, qui entendent les gémissements de la beauté, ne prendront-ils pas sa défense ?
Mais pour pousser encore davantage cette matière sans sortir pour cela des bornes de la vérité : peut-on appeler tout à fait honnêtes des ouvrages, dans lesquels on voit les filles les plus sévères écouter les déclarations de leurs amants, être bien aises d’en être aimées, recevoir leurs lettres et leurs visites, et leur donner même des rendez-vous ? […] Il continue par saint Augustin, qui remarque dans le troisième Livre de ses Confessions, Chapitre 2. qu’encore qu’il n’y ait rien que de feint dans les Représentations, l’on ne laisse pas de prendre part à la joie de ces Amants de Théâtre, lorsque par leurs artifices ils font réussir leurs impudiques désirs ; qu’on ne prend pas de plaisir dans les Comédies si l’on n’y est touché de ces aventures Poétiques qui y sont représentées, et dont cependant on est d’autant plus touché, que l’on est moins guéri de ces passions.
Témoin ce mariage de Basile, qu’un curé imbécile ou prévaricateur bénit cavalierement sur un grand chemin, sans formalité, sans préparation, sans consulter les parens, parce que l’amant fait semblant de se tuer, quoiqu’il connoisse la fraude, avec une fille fiancée à un autre qui a fait à grands frais tous les préparatifs de la noce, & la conduit à l’autel pour l’épouser.
Du moins les salles du bal & de la comédie sont chaudes, on y étale les graces, sa parure, son adresse à danser, on s’y entretient avec son amant : grand adoucissement des rigueurs de la saison. […] Il en fut vivement piqué, & au moment de punir les coupables en amant irrité. […] Cet héroïsmes est fort commun au théatre ; tous les jours un amant qui connoît l’infidélité d’une actrice, la quitte & en prend une autre. […] Tel fut l’héroïsme de Scipion en Espagne, qui rendit à son amant une esclave d’une rare beauté, dont il étoit le maître.
Et vous devez aux Dieux compte de tout le sang Dont vous l’avez vengé pour monter à son rang. » On sacrifie les plus tendres sentiments, les objets les plus chers, la vie d’un amant. […] Ce ne sont pas des héros de folie, des amants insensés, qui se tuent pour une maîtresse, des amantes forcenés qui, comme Emilie dans Cinna, n’offrent leur cœur et leur main que pour récompenser un assassinat ; ce sont des héros raisonnables, de vrais héros qui s’immolent pour le bien public. […] Mais n’est-ce pas faire le procès à tous ces prétendus chefs-d’œuvres dont celui-ci renverse tous les principes, où l’on ne voit que des amants extravagants, des rebelles furieux, des conjurés parricides, des Monarques haïs, méprisés, détrônés, massacrés ? […] Une femme furieuse trahit lâchement le secret de son amant, pour le perdre, et le Consul emploie bassement la coquetterie de sa propre fille, pour pénétrer Catilina, comme les Philistins se servirent de la Courtisane Dalila pour découvrir le secret de Samson : tant la corruption des Auteurs, des Acteurs, des spectateurs, impose la nécessité de mêler l’amour partout, fût-il le plus inutile, le plus faux dans le fait, le plus abominable dans ses intentions et ses démarches, opposé même au caractère des personnages.
Plus elle est charmante, plus elle est dangereuse ; plus elle semble honnête, plus je la tiens criminelle. » Il cite l’exemple de Chimène dans le Cid, alors si admiré et si honnête : « Elle exprime mieux son amour que sa piété, son inclination est plus éloquente que sa raison, elle excuse plus le parricide qu’elle ne le condamne ; sous ce désir de vengeance qu’elle découvre, on remarque une autre passion qui la retient, elle paraît incomparablement plus amoureuse qu’irritée ; prête à épouser le meurtrier de son père, l’amour qui triomphe de la nature, va la rendre coupable du crime de son amant. Les filles avoueront que l’amour de Chimène fait bien plus d’impression sur elles que sa piété, qu’elles sont plus touchées de la perte qu’elle fait de son amant, que de celle qu’elle fait de son père, et qu’elles sont plus disposées à imiter son injustice qu’à la condamner. » Il regarde comme impossible, depuis le péché originel l’entière pureté du théâtre, ainsi que des Poètes, parce « que les mauvais exemples plaisent plus que les bons, qu’on a plus d’inclination pour le vice que pour la vertu, qu’on exprime beaucoup mieux les passions violentes que les modérées, les criminelles que les innocentes, et que les Poètes, contre leur intention même, favorisent le péché qu’ils veulent détruire, et lui prêtent des armes contre la vertu, qu’ils veulent défendre, etc. » Sans toutes ces antithèses, ordinaires à cet éloquent et pieux Ecrivain, et qui n’affaiblissent pas la vérité qu’il enseigne, le P. le Moine, Jésuite, dans son Monarque, le P.
Qui eût pu conjecturer que de ce qu’une fille tracerait sur la muraille l’ombre de son amant, il en résulterait la Peinture pour être portée par les Raphaël, les Rubens, les Corrège et les Le Moine au degré auquel elle est parvenue depuis deux siècles.
C’est une jeune personne qui s’èxprime ainsi à son amant ; Quelquefois dans le boccage, J’entens les petits oiseaux, Leurs plaisirs sous les rameaux, De nos amours sont l’image. […] J’ai souvent entendu dire, que si un amant avait le malheur de s’enflammer pour une beauté cruelle, il n’aurait qu’à la mener à la représentation des Drames dont je parle ; & qu’il verrait bientôt s’éteindre sa rigueur : peut-être qu’une épreuve aussi dangereuse n’est déjà plus à faire.
Un Avocat du Parlement de Paris, fol du spectacle et amant de la Clairon, se fit adresser un Mémoire à consulter sous le nom de cette Actrice, où avec un air de religion et de remords de conscience elle lui demande s’il est vrai que les Comédiens sont excommuniés, si elle peut demeurer dans son état, etc. […] Outre ces blasphèmes, les maximes vicieuses sur les mœurs sont poussées jusqu’à dire que la conduite des Comédiennes qui vivent en concubinage avec leurs amants n’est pas déshonorante, qu’elle est seulement irrégulière, que le concubinage était autorisé chez les Romains, et même dans les premiers siècles de l’Eglise, qu’il est toléré dans nos mœurs, et qu’il n’y a que celles qui mènent une vie scandaleuse qui doivent être rejetées.
Le Mercure et les affiches, parmi cent folies théâtrales qu'ils ont l'exactitude de ramasser, et dont ils ont la bonté de régaler périodiquement la France, ont rapporté avec enthousiasme, comme un événement très important à l'Etat, qu’on avait peint la Clairon, seule à la vérité et sans amants, car pour les mettre tous il eût fallu un tableau comme ceux des batailles d'Alexandre ; que pour répandre un portrait si précieux, on l'avait fait graver par les plus grands maîtres ; et que partout les estampes étaient enlevées. […] Un portrait peut n'être qu'un trait de galanterie, toutes les Actrices se font peindre aux dépens de leurs amants ; on peignait les Courtisanes Grecques, on peint celles de Venise et de Rome.
Le principal personnage est un ambitieux & un amant ; s’il n’est bien ni l’un ni l’autre, tant pis.
Les craintes & les transports de Rodrigue éclateraient ; ce que Chimène doit à la mémoire de son père combattrait encore son amour ; mais elle se laisserait enfin attendrir aux larmes de son Amant & aux prières du Roi.
Cependant peut-on regarder nos bons comiques et tous les riants auteurs de nos délassements, du même œil qu’un amant regarde sa maîtresse ?
Nous nous sommes assis sur le gazon ; il s’est mis à mes pieds… Je ne savais comment me défendre de ses caresses : elles étaient bien vives de la part d’un frère ; elles étaient bien respectueuses de la part d’un amant. […] Je n’entrerai pas dans de grands détails là-dessus ; je vais citer seulement la Soubrette du Tartufe ; cette femme est trop hardie, trop insolente ; son rôle, d’un bout à l’autre, est invraisemblable : mais le personnage de Juliette, dans la Gouvernante, a beaucoup de vérité : il est naturel qu’une Suivante ait un libre accès & soit fort bien, avec une jeune Orfeline, étrangère dans la maison où elle vit ; que cette domestique marque de la jalousie contre une Gouvernante nouvellement introduite, qui veut lui enlever la confiance de sa jeune maîtresse ; qu’elle ait des sentimens conformes à son éducation, & favorise en secret un Amant aimable, honnête, libéral. […] Dans l’Aveugle-Clairvoyant 2, Damon parle à Léonore ; celle-ci, qui le croit aveugle, répond en se tournant vers Léandre, son amant, & lui adresse les douceurs qu’elle veut que Damon prenne pour lui. […] Les Auteurs qui travaillent pour ce Spectacle se contentent de mettre beaucoup de fadeur dans leurs Poèmes : les mots d’amour, d’amant, de flâme, s’y font entendre à chaque rime ; tout doit céder à la tendresse ; tous les cœurs doivent s’enflamer : ces lieux communs feraient aujourd’hui peu d’effet, si les voluptueux Elèves de Terpsychore ne fondaient la glace du Drame. […] Une jeune personne de ma connaissance, lisait un des Romans de madame De Villedieu, dont j’ai oublié le titre : cette lecture l’attendrissait au point de faire couler ses larmes : un Amant aimé, mais indigne de l’être, auquel elle avait eu la faiblesse d’accorder un tête-à-tête dangereux, arrive en ce moment : il rappelle des promesses… devient pressant… La jeune fille était perdue, si sa passion, vivement excitée, en lui rendant son amant plus cher, n’eût redoublé la crainte de perdre son estime & d’occasionner son inconstance.
Ecoute-t on les loix de la décence, ne doit on pas avoir le cœur bien corrompu quand, dans une prétendue Héroïde, on vérsifie les douleurs, les regrets, les gémissemens d’une Réligieuse, sur ce que son amant est mutilé, & ne peut plus la satisfaire ? […] Abaillard avance qu’Héloïse qui faisoit le bel esprit, & avoit lu quelques poëtes, récita à haute voix, pendant la cérémonie de sa profession, quelques vers de Lucain, sur la mort de Pompée, dont elle faisoit l’application à ses amours, à ses malheurs, à sa profession forcée, qu’elle faisoit par désespoir ; c’est donner une bien mauvaise idée de sa vertu, de la prudence, de la décence de son amant ; mais l’écrivain de la lettre à Philinte en donne-t-il une bien avantageuse de lui-même, en rapportant la traduction de ces vers, pris de la tragédie de Corneille, sur la mort de Pompée.
Je sais tout cela ; aussi je ne défends point à une femme de se plaindre, mais je veux qu’elle se plaigne toue bas, que la vanité quoique blessée étouffe sa tendresse ou du moins en ôte l’éclat ; enfin je trouve infiniment mauvais qu’une maîtresse, parce qu’elle est abandonnée, aille faire en face à son Amant de ces reproches qui marquent le besoin qu’elle a encore de lui, & qui selon le procédé du cœur humain, ne servent qu’à assurer l’infidélité de son amant ; savez-vous que ce sont ces belles représentations là qui produisent le peu de respect que les hommes ont pour nous.
Ce qui l’a été pour moi, ce sont les grands bras, la prononciation affectée, et la laideur de l’amant à qui on dit : vos charmes, et le perpétuel hoquet que la jeune fille a employé par supplément à une sensibilité vraie. […] Imaginez-vous l’impression que doivent faire sur de jeunes sens leur coëffure printanniere, leurs cheveux parsemés de fleurs et de brillans, leur sein découvert, leur dos nud le médaillon de leur amant, placé sur le cœur.
Un personnage à faire, occupe tout entier celui qui en est chargé ; il remplit tout son temps, et ne souffre plus qu’il soit le maître de son imagination, pour l’arrêter à point nommé : Si un Acteur a le personnage d’un Amant disgracié, ou d’un autre qui réussit dans ses poursuites ; il y pense jour et nuit ; il songe aux moyens de s’exprimer d’une manière vive et touchante : et pour cela, il faut qu’il ressente des mouvements et des passions que nous n’oserions même admettre dans notre esprit pour un moment avec une attention volontaire, sans nous croire coupables devant Dieu. […] Si l’on me dit que c’est un amour légitime qu’on représente entre deux personnes qui veulent s’unir par le Mariage ; je dirai : Premièrement que ce n’est jamais un amour légitime, parce qu’il est toujours excessif et outré, la Comédie ne représentant jamais de passions calmes et modérées ; d’où vient qu’on fait toujours les Amants se plaindre des Dieux, qu’ils accusent d’injustice, et dire souvent d’autres blasphêmes, comme quand ils se servent du mot d’adorer, etc. […] Dans le cours d’une Pièce on fait paraître tous les faux Dieux qui s’opposent les uns aux autres pour seconder ou pour traverser la passion de deux Amants : S’il s’agit d’en appaiser un qui soit courroucé, et qu’on ait peine à fléchir ; comme par exemple le Dieu Mars, on lui prépare un Sacrifice, on lui rend des respects profonds comme à un Dieu tout puissant, on lui fait des invocations redoublées. Le Spectateur déja attendri par les disgrâces des Amants, goûte avec plaisir l’espérance qu’il met dans ce Dieu, lequel enfin attiré par une Musique qui sent d’abord extrêmement la Guerre, mais qui dans la suite changeant et allongeant ses tons, devient toute semblable à celle que l’on entend dans les Églises Cathedrales quand on lève la redoutable Hostie.
L’honnête homme et l’amant s’en abstient même quand il pourrait l’obtenir. […] Les femmes faiblement aimées, aiment faiblement à leur tour : l’exemple, le dépit, la séduction, les déterminent à imiter un amant trompeur, un époux dédaigneux ou volage ; et bientôt le dérèglement de part et d’autre, devient une espèce d’émulation. […] « On flatte les femmes sans les aimer ; elles sont entourées d’agréables, mais elles n’ont plus d’amants. […] Il ajouterait à ce tableau le contraste d’une femme impérieuse et vaine, qui veut que tout cède à ses caprices, que tout soit sacrifié à sa fantaisie et à ses plaisirs ; qui ne connaît dans son amant de devoir, de soin, d’intérêt que celui de lui complaire ; qui se fait un jeu de sa ruine, un amusement de ses folies ; un triomphe de ses égarements. […] » Ainsi quand, les yeux mouillés de larmes, je viens de voir Zaïre ou Bérénice, j’oublie qu’elles étaient vertueuses, qu’elles ont sacrifié le sentiment le plus cher de leur âme, l’une à la religion de ses pères, l’autre à la gloire de son amant ?
Nous convenons qu’il a de grandes beautés ; mais les situations, les sentimens, les passions, & cette extremité où est Chiméne, de venger la mort de son pére, sur son amant, ne sont-ils pas aussi admirables que le style ?
C’est ordinairement le dénouement légitime de toutes leurs intrigues, l’heureux terme des artifices des auteurs & des acteurs, la récompense & le couronnement de deux amants.
Cette fille ayant dansé devant Hérode, avec les grâces et l’indécence d’une Actrice (et sans doute beaucoup moins, c’était une jeune Princesse plus noblement élevée qu’une vile danseuse), elle séduisit ce Prince, jusqu’à lui arracher ce serment, si ordinaire aux amants, de tout sacrifier pour l’amour d’elle, et enfin à sa prière d’immoler le plus saint des hommes.
Elles vont la chercher, la ramenent dans leur carrosse, lui cedent le fonds, lui donnent des fêtes ; à leurs exemples toutes les femmes des actionnaires & bien d’autres se font honneur de la société des actrices, sur-tout de celle-ci, on les voit par-tout avec elle ; mais jamais à l’Eglise : ces Dames se trouvent à la toilette de la Princesse, disputent aux femmes de chambre, l’honneur de la servir, en prenent des leçons de parure, cependant c’est la plus dangereuse rivale auprès de leur mari & de leurs amants ; la plus séduisante maîtresse de leurs enfans, le plus contagieux exemple pour leurs filles ; mais sa mere, sa sœur, elle-même ont été autrefois leurs femmes de chambre ; mais les comédiens furent toujours, & sont encore infâmes. […] On vit sortir une petite procession d’elle & de son amant, de la femme de chambre & de Lubin, de Maturine, de la cuisiniere & de Pierrot, d’un petit laquais & de Javote, chacun menant sa chacune.
Un amant de la Reine tua le danseur, & la séduisit. […] On les souffrit jusqu’à Domitien ; mais le danseur Paris ayant eu l’audace de souiller le lit de l’Empereur, ce Prince répudia sa femme, fit massacrer son amant & un autre danseur, dont il craignoit un pareil affront, & chassa encore tous les Comédiens : Uxorem Domitiam Histrionis amore deperditam repudiavit, &c.
Il est vrai qu’elle tient ici peu de place ; qu’il est traité décemment par la fille, mais petit & puérile dans l’amant. […] Ce n’est que quand tout est fini, que le péril est passé, qu’elle s’en souvient, & les renvoie à son Juge, amant & beau-pere, quand ils ne servent plus de rien qu’à constater son crime & sa honte. […] Il est instruit, il sauve l’amant & l’amante, les marie, & révoque l’édit de persécution par un autre édit tout aussi réel que le premier, & tout aussi digne de la majesté de l’Empire.
On se souvient d’un autre sonnet qui mérite d’être conservé, par la vérité qu’il présente & le ridicule sur le suïcide, si commun au théatre & dans le pastoral, où sans cesse on veut se tuer, on ne peut pas survivre à son amant, à sa maitresse ; on va se jetter dans l’eau, se donner un coup d’épée, &c. qui heureusement ne passe ne passe pas le bout des levres.
Quant à celle-ci, où l’on voit une épouse prêter l’oreille aux fleurettes d’un amant, en recevoir des lettres, lui répondre, lui donner un rendez-vous nocturne, chercher à déshonorer son mari, dont elle raconte les ridicules à un séducteur à qui elle fait un signe de pitié au moment où on lui rappelle le respect qu’elle doit aux nœuds sacrés du mariage ; et tout cela se faisant de manière à divertir, à être approuvé des spectateurs, à faire applaudir l’infidélité, les détours, les mensonges, l’impudence ; quant à ce spectacle, dis-je, il n’y en a pas de plus dangereux pour les femmes de tous les rangs et de tous les ordres ; parce qu’en voyant applaudir une femme noble de mépriser ainsi les devoirs du mariage, de fouler aux pieds le précepte de la foi conjugale, en un mot de se jouer de son mari, sous prétexte qu’il est paysan, il n’est pas douteux que les femmes roturières n’aient la noblesse de penser qu’il doit leur être permis d’en agir de même envers leurs maris, quand ils sont lourdauds, malotrus ou bêtes, etc. Et puis, qui ne voit que la différence des fortunes, après que le frein a été rompu et le pas franchi, a dû produire les mêmes effets que la différence des rangs, et que la fille d’un riche négociant, par exemple, qui épouse un petit commis sans fortune, peut se croire aussi bien fondée que la pauvre de Sotenville à mépriser son mari et à fouler aux pieds les engagements qu’elle a pris avec lui, lorsqu’il vient à lui plaire moins qu’un amant ?
Jusques-là c’est son rôle : voici celui du François, il court dans la scéne suivante se déclarer amant d’une fille qu’il n’a jamais vue, & qui n’est pas moins étonnée de sa déclaration, que doit l’être un spectateur raisonnable, qui ne desire pas de voir par tout la passion dont son cœur est rempli, Racine se fait lui-même le procès, dans la préface de cette même Phedre, il convient (quel aveu pour un François, pour un poëte, pour un poëte de théatre !) […] Une Gabrielle manger le cœur de son amant !
Le Roi passoit sa vie avec ses maîtresses, les Courtisans avec les leurs, qui étoient souvent celles du Roi, aussi peu fidéles à leur amant, qu’il l’étoit à sa femme, & la femme au mari. […] On le faisoit passer pour impuissant, quoiqu’il eut une fille de son mariage, & sa fille pour illégitime, en disant que le Roi lui-même, qui vouloit à quelque que prix que ce fut avoir des enfans, avoit conduit son amant à la Reine, qui lui avoit donné sans peine son consentement.
Celui qui se pare est sa premiere idole, le premier amant de soi-même. […] Vous vous découvrez indécemment à vos yeux, vous vous regardez avec complaisance, vous vous admirez dans votre miroir, vous goûtez vos graces, votre figure, n’êtes-vous pas votre premier amant, & de tous le plus libre ?
Un Espagnol ayant trouvé la nuit une Indienne dans les rues, voulut la mener chez lui ; elle ne s’en défendoit pas, mais elle lui dit : entendez cette flûte de laquelle mon amant joue, sur la prochaine colline, elle m’appelle avec tant de passion & de tendresse, qu’il faut nécessairement que je m’y en aille ; laissez-moi, car la violence de mon amour m’emporte de ce côté-là . […] Dans cette maison, dont on voit l’intérieur, l’amant & la maîtresse, le mari & la femme font en conversation, un malade est dans son lit, tandis que la fille à son balcon fait des signes à son Sigibée.
On se lasse du métier ; on trouve une occasion favorable de s’établir, on en profite ; on a fait un amant riche qui veut épouser & faite la fortune de sa maîtresse, on ne le manque pas ; on étoit entré dans la troupe pour avoir du pain, on a fait quelque réserve, on a obtenu quelque pension, on quitte pour s’établir ; c’est un bien sans doute de quitter un mêtier scandaleux, de contracter un mariage légitime & d’y vivre en honnête femme. […] La Champmelé a été une des plus célébres actrices par ses talens, ses succès & ses amours ; elle avoit été formée par Racine son amant, qui lui avoit appris le geste, les démarches, la déclamation, jusqu’à lui noter les tons divers qu’elle devoit prononcer.
Sur ce discours, Valère amant de cette fille à qui elle est promise, arrive. […] Ce dépit amoureux a semblé hors de propos à quelques-uns dans cette pièce ; mais d’autres prétendent au contraire, qu’il représente très naïvement et très moralement la variété surprenante des principes d’agir, qui se rencontrent en ce monde dans une même affaire, la fatalité qui fait le plus souvent brouiller les gens ensemble quand il le faut le moins, et la sottise naturelle de l’esprit des hommes, et particulièrement des amants, de penser à tout autre chose dans les extrémités, qu’à ce qu’il faut, et s’arrêter alors à des choses de nulle conséquence dans ces temps-là, au lieu d’agir solidement dans le véritable intérêt de la passion. […] Enfin il sort, et à peine la Vieille s’est-elle écriée, « Je ne sais plus que dire, et suis toute ébaudie », et les autres ont-ils fait réflexion sur leur aventure, que Valère l’amant de Mariane entre et donne avis au mari, que « Panulphe par le moyen des papiers qu’il a entre les mains, l’a fait passer pour criminel d’État près du Prince ; qu’il sait cette nouvelle par l’Officier même qui a ordre de l’arrêter, lequel a bien voulu lui rendre ce service de l’en avertir ; que son carrosse est à la porte, avec mille louis, pour prendre la fuite ».
Tel est le Théâtre Espagnol : c’est-là seulement que serait vraisemblable le caractère de cet Amant (Villa Mediana), Qui brûla sa maison pour embrasser sa Dame.
C’est dans ces pièces que les vices qui ont de l’éclat, et qui ont déshonoré les Princes qui les ont eus, sont élevés au-dessus des vertus abattues sous leurs pieds : que l’impudicité est appelée chasteté, et qu’elle passe pour telle dans une fille qui n’a qu’un amant, et qui lui abandonne son cœur et son corps sans lui donner de rival.
« Un Clerc pour quinze sols, sans craindre le holà, Peut aller au parterre attaquer Attila, Et si ce Roi des Huns ne lui charme l’oreille, Traiter de visigoths tous les vers de Corneille. » Mais qu’importe, pourvu que le Receveur ait de l’argent, les Actrices des amants, les Acteurs une bonne table ?
» Le Comédien ne doit jamais exprimer la tendresse d’un amant, ni par paroles ni par gestes, non pas même pour faire voir le sort infortuné de l’impureté ; le moindre haleine se communique, les esprits dissipés n’entendent pas en sûreté l’histoire des passions d’autrui : qu’aucune femme ne monte sur le Théâtre, que son habit même n’y paraisse pas.
Toutes ces scénes que des grands nous peuvent faire appeller des tragédies, & que la nature des faits rend des farces de la foire, la Duchesse en a instruit le public, dans ses mémoires, écrits par elle-même, on les trouve fort détaillés dans les œuvres de l’Epicurier Saint- Évremont son panégyriste & son amant, qui passa sa vie auprès d’elle, en Angleterre, occupé à faire en son honneur de la prose, des vers, des piéces de théatre, que la dévotion de son mari ne l’empêchoit pas de représenter. […] Ces arts sont par eux-mêmes innocens, ils furent employés inocemment pour conserver la mémoire d’un fils cher enlevé par la mort, d’un Roi respectable, éloigné de ses sujets ; ne pouvant les voir on traça leurs images, qui sembloient les rendre présens, & consoler de leur absence : on dit aussi que l’amour crayonna le premier portrait d’un amant, par les mains de sa maîtresse ; on abuse de tout, cette image adorée comme l’original, est devenue une idole, la passion lui a rendu un culte sacrilége, & de combien d’abominations, ce culte n’a-t-il pas été suivi ?
Il est juste que la vertueuse Arnoud achete à son tour un amant qui lui plaise ; c’est la loi du commerce, après avoir satisfait tant d’honnêtes gens, à un juste prix ; il y auroit de la mauvaise humeur de lui réfuser la liberté de se satisfaire ; mais le théatre y va beaucoup perdre. […] Pour séduire une femme très-respectable de la Cour d’Hongrie, un Prince son amant, ordonna sous main, aux acteurs de ne représenter que des piéces où la foiblesse des femmes fût toujours excusée ; ainsi tout disoit à cette Dame qu’une femme peut se livrer sans crime, au penchant de son cœur ; mille exemples, moyens plus persausifs que tous les discours, l’assuroient que le deshonneur ne suit pas toujours une tendre foiblesse, que la plus austere vertu n’est pas à l’abri des soupçons, que la loi de la fidélité n’est qu’un joug imposé par la tyrannie des maris, qu’une femme sage peut reprimer les desirs ; mais qu’il lui est impossible de n’avoir pas de penchant.
On n’introduit point de femmes, pour être plus libres, faire moins de dépenses, éviter les querelles de rivalité, d’infidélité ; car les femmes exigent des égards, des présens, brouillent les amis, mais chacun doit avoir sa maîtresse, à laquelle, sans vouloir la connoître, la société envoie quelque galanterie par les mains de son amant ; ou communément on profane le S. […] J’ai vu, il y a quarante ans, une mode charmante de peindre des têtes humaines sur le corps d’un animal ; un amant ne manquoit pas de faire faire le portrait de sa maîtresse sur ce piedestal.
D’un autre côté une jolie nymphe qui versoit un torrent de larmes, à la vue du danger & des blessures de Miller son amant. […] Son amant fut blessé & vaincu ; il fallut l’emporter demi-morte.
Il est glorieux d’avoir Jupiter pour rival, & bien flatteur d’en faire un amant. […] Combien d’Agnès viennent adroitement, Malgré l’œil vigilant d’une duegne austère, Y prendre un billet doux des mains de leur amant !
Passons à ces Comediens qui remplissent la scene d’impuretez & d’ordures ; sans mentir, i’ay honte d’estre icyleur accusateur, & la bien-seance de ma profession me défend de rapporter tous leurs discours, leurs abominations, & leur adresse à bien ioüer toutes sortes de personnages, on y commet mille ordures, on y apprend les intrigues dans les amours, les détours & subtilitez des amants dans leurs poursuittes, les finesses des adulteres pour abuser, le peu de resistance des femmes pour ne l’estre pas, les lasciuetez, les petits discours, les rendez vous, les messages, toutes ces momeries authorisées de l’agreement des impudiques, & ce qui m’estonne le plus, de la presence des plus affairez, des peres de famille, qui quittent froidement leur mesnage pour se treuuer au Spectacle, pour y folastrer, pour y faire les gaillards, & pour y donner à connaistre qu’ils n’ont pas encor esteint les feux de la ieunesse, bien qu’ils ne soient la plus-part que des souches à demi pourries, des stupides, & des hommes pour beaucoup de raisons, sans pudeur & sans honnesteté : Mais ce qui est plus admirable, c’est d’y voir toutes les conditions extremement maltraitées dans les discours, & de n’y voir personne qui en témoigne du ressentiment, qui ne se treuue au Spectacle, & qui ce semble ne tiene à gloire d’y estre ioüé par des insolents.
S’il paroît quelque fille élevée avec soin, & loin des occasions, c’est une Agnès, dont on se moque, & qu’on a bien-tôt déniaisée, ou qui instruite à l’école de la nature forme, dit-on, les plus violens desirs, fait cacher son jeu, tromper les plus clairvoyans, jouer son père, sa mere, son maître, son tuteur, & s’entendre avec son amant. […] Il faut donc pour y fournir, s’épuiser, s’endetter, negliger sa famille, déranger ses affaires pour achêter la paix, & empêcher qu’on ne se fasse justice par ses propres mains, ou qu’on n’ait recours à un amant libéral, qui payera les faveurs par les frais de la parure.