Ne peut-on pas peindre la douceur de la vie pastorale, sans peupler les bois, les campagnes, les ruisseaux, de Naïades, de Faunes, de Satyres, & faire défiler toute la bande des dieux & des déesses champêtres. […] Les Destinées n’auront aucune part à la mort de tant de milliers d’hommes tués à la guerre ; les Parques ne se mêleront point de couper le fil de leur vie, le systême chrétien des balles & de la poudre à canon y suffit. […] Ce poëte, qui ne travailloit pas pour la gloire, n’a rien donné au public pendant sa vie : on n’a rien trouvé dans ses papiers après sa mort.
Si-tôt qu’on entend parler Roxane, on ne doute point que Bajazet ne soit très-malheureux d’en être aimé, & qu’il ne lui en coute la vie, s’il manque de complaisance pour une femme de ce caractere. […] & puisqu’enfin ce Thomas Morus, qui couta, dit-on, la vie à quatre ou cinq Portiers de la Comédie, & où l’on suoit au mois de Décembre, étoit une Tragédie en Prose. […] Ma vie à peine a commencé d’éclore, Je tomberai comme une fleur Qui n’a vu qu’une Aurore.
Le théâtre est-il donc une maison différente, où le Roi daigne passer sa vie, ou peut être comme les gens qui s’y assemblent, la plupart des gens sans Réligion & sans mœurs, on a cru la personne du Roi plus exposée au théâtre, & on a pris plus de sûreté, pour sa précieuse conservation. […] Voilà le pendant de la naissance, la vie, la passion, la mort, la résurrection, l’ascension de J.C.
.° Que signifient cette vie austere, retirée, inaccessible au monde, ces murs qui retentissent de gémissemens, & qui les tiennent ensevelis, inconnus à toute la terre (la clôture religieuse qu’on veut rendre odieuse) ? […] Comme si avoir donné la vie, cultivé l’enfance, fourni la nourriture & l’éducation, n’étoient pas de véritables & de grands bienfaits.
Je pardonne à Médée d’être vivement piquée de ce divorce, soit par amour ou par délicatesse ; et je consens qu’elle cherche à s’en venger : mais son ressentiment va trop loin ; puisqu’il en coûte la vie à Créon et à Créuse, qu’on pouvait, en quelque sorte, excuser sur la condescendance qu’ils ont pour Jason. […] Le Spectateur, voyant Médée rester en vie, ne cesse point de détester l’Auteur de tant de crimes, et sent un plaisir secret à espérer qu’elle languira longtemps dans des tourments égaux à sa méchanceté, s’il est possible, et dont enfin elle sera accablée.
Soyez mes juges, hommes de bien, observateurs sages qui, étrangers aux exagérations passionnées des partis, voyez mieux les véritables causes de ce débordement, et osez avouer à vos antagonistes la perversité, toutes les perfidies, les criminelles extravagances de vos contemporains, en les voyant habituellement se trahir, se persécuter les uns les autres, commettre toutes les espèces d’injustices et d’excès, chercher le bonheur en détruisant ce qui en est le principe, acquérir des richesses, obtenir des places en donnant l’exemple contagieux et funeste du mépris des vertus et des lois qui en sont la garantie ; biens empoisonnés dont ils ne doivent pas jouir en paix, dont les enfants seront un jour dépouillés par les mêmes moyens odieux que les parents ont pratiqués et propagés avec aussi peu de retenue que si la fin de leur vie devait être la fin de tout ce qui les intéresse.
La Comédie est l’école des hommes d’une classe ordinaire, ou pour mieux dire l’image de ce qui se passe dans les moindres actions de la vie ; & la Tragédie instruit les Particuliers & les Rois.
Un Moderne en a fait une autre aussi grossière, et qui ne peut trouver d'Apologie, bien qu'elle soit dans une Apologie du Théâtre ; Il veut prouver que les Acteurs de l'ancien Théâtre étaient honnêtes gens, et que leur vie n'était point licencieuse comme on se l'imagine ; et sans distinguer les Jeux Scéniques des représentations du Poème Dramatique, ni les Mimes des Acteurs de la Comédie et Tragédie, il dit sur les paroles du grand Pline très mal entendues, que Luceïa et Galéria, donc il fait par une insigne bévue deux excellentes Comédiennes, s'étaient trouvées capables de monter sur le Théâtre ; la première durant cent ans, et l'autre à la cent quatrième année de son âge qu'elle y fut remise comme une merveille ; et posant pour maxime indubitable que la voix ne se peut jamais conserver dans la débauche, il conclut que ces prétendues Comédiennes, ayant conservé la leur si longtemps, avaient été fort honnêtes femmes, et ensuite que toutes les autres leur ressemblaient.
On choisit l’Ecole des femmes que M.F. présente sous un si bel aspect, et dont il pallie adroitement le péril, ennoblissant autant qu’il peut le sujet ; car on croit que c’est de cette Comédie dont il a entendu parler, quand il a dit que Molière avait eu dessein de corriger « celui qui abuse d’un dépôt confié, qui veut séduire en sa faveur une enfant qu’il a mal instruite, et qui compte lui enlever et les douceurs de la vie et les biens ». […] Saint Charles, et quelques autres Saints, ont bien souffert qu’il y eût des femmes de mauvaise vie dans les grandes villes ; mais que ces malheureuses femmes étaient notées d’infamie, et que l’on ne permettait pas qu’elles se trouvassent dans les assemblées de dévotion avec les femmes pieuses ; que l’Eglise en a toujours usé de même à l’égard des Comédiens, et qu’elle se trouve vis-à-vis d’eux réduite à de pareilles extrémités. […] Le Brun ne dit pas que les Comédiens et les femmes débauchées se ressemblent ; que leur vie est la même ; qu’il n’y a point de différence entre les mauvais lieux et le Théâtre ; mais que S. […] Le Brun, ce fait ne s’accorde pas avec le récit de l’Auteur de la vie de saint Charles, qui assure que les Comédiens aimèrent mieux quitter Milan, que d’observer les lois prescrites par ce saint Cardinal. […] Ce doit être une consolation pour celles dont la vie est exacte, de savoir qu’on n’en doutera pas.