Si les peintures et les images immodestes ou obscènes présentent naturellement à l’esprit ce qu’elles expriment, combien plus sera-t-on touché des représentations théâtrales, où, comme dit Bossuet, « tout paraît effectif ; où ce ne sont point des traits morts et des couleurs sèches qui agissent, mais des personnages vivants, de vrais yeux, ou ardents, ou tendres et plongés dans la passion, de vraies larmes dans les acteurs, qui en attirent d’aussi véritables dans ceux qui regardent : enfin de vrais mouvements, qui mettent en feu tout le parterre et toutes les loges ; et tout cela, dites-vous, n’émeut qu’indirectement et n’excite que par accident les passions….
Les Comédiens pensent comme lui : admirez les progrès du théatre ; ce fut d’abord une bonté dans les Rois de le tolérer, pour l’amusement du peuple ; ensuite un trait de sagesse de donner cette occupation aux gens oisifs, qui feroient encore pis, s’ils étoient laissez à eux-même.
Les Bacchantes même n’étoient pas habillées de pampres & de lierre ; il faut que Voltaire & sa troupe soient surieusement affectés de l’envie qu’ils s’imaginent qu’on leu porte, & qui n’est que l’injure banale contre tous ceux qui ne l’admirent pas, qui la répétent à toutes les pages ; il y a sans exagération dans les œuvres de Voltaire deux mille traits contre ses ennemis, & tous avec ces propos des hâles ; il est si hors de lui-même, qu’on le prendroit pour une harangere.
Ses Ouvrages modernes sont semés de traits piquans, de quolibets & d’équivoques, qui font souvent baisser les yeux à la femme la moins susceptible de honte ; & qu’approuve à peine le libertin déterminé.
DUMESNIL, débuté en 1737 : Actrice sublime…… Lorsqu’on donne les Pièces de Corneille, de Racine, de Crébillon, de Voltaire, Melpomène, qui ne croit pas qu’une Mortelle puisse en rendre toute l’énergie, prend les traits de Dumesnil ; & ces éclairs qui nous éblouissent, ces coups-de-foudre qui nous terrassent, partent de la Fille de Jupiter.
Que ces traits sont dignes d’une bouche si éloquente et si sainte !
On n’y exposoit pas un mari aux traits de la raillerie & du mépris le plus outrageant, parce qu’il étoit sensible au déshonneur de sa maison ; & une femme assez adroite pour le tromper, n’étoit pas l’héroïne qu’on entreprenoit d’y célébrer. […] Mais, en récompense, on y trouve une simplicité ingénue, une naïveté qui fait rire sans paroître trop ridicule, & quelquefois des traits de goût imprévus & assez agréables.
On voit cela dans la mine du pauvre homme ; et c’est ce qui est un trait admirable de l’entêtement ordinaire aux bigots, pour montrer comme ils se défont de toutes les inclinations naturelles et raisonnables. […] Trait inimitable, ce me semble, pour représenter l’effet de la pensée d’une chose sur un esprit convaincu de l’impossibilité de cette chose.
Nous serions également contens si nous lisions multi superarunt mercatores, & Quintilien compareroit alors la période à un trait jetté de travers, qui n’a pas la force d’aller au but, & tombe à moitié chemin.