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9. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — PREMIERE PARTIE. — CHAPITRE VI. Les obstacles qu’on peut rencontrer pour parvenir à la Réformation du Théâtre. » pp. 59-68

Il y a déjà plus de trois siècles que le Public est dans une habitude successive et, pour ainsi dire, héréditaire de fréquenter et de suivre le Théâtre ; et le goût en est aujourd’hui si général, qu’on peut dire que tout le monde s’intéresse à sa conservation. […] Les Comédiens de profession ne s’aviseront pas d’en faire l’épreuve ; et, s’il s’en trouvait qui y pensassent sérieusement et qui voulussent l’exécuter, ils verraient bientôt leur Théâtre désert ; et, à l’exception d’un petit nombre de personnes sages et raisonnables, tout le monde se moquerait d’eux et les abandonnerait : la misère suivrait de près leur entreprise ; et, s’ils n’avaient pas la constance de la souffrir patiemment, ces mêmes Comédiens, si bien intentionnés, se trouveraient réduits à la nécessité de revenir à leur ancienne méthode, et peut-être avec plus de licence et de désordre qu’auparavant, pour se dédommager du tort qu’ils se seraient fait à eux-mêmes par leur sagesse, et par leur retenue.

10. (1767) Réflexions sur le théâtre, vol 6 « Réflexions sur le théâtre, vol 6 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SIXIÈME. — CHAPITRE III. Immodestie des Actrices. » pp. 57-84

Est-il de ligne dans l’Evangile qui ne lance la foudre sur des empoisonneuses publiques qui, après avoir perdu les mœurs, ne cherchent qu’à les faire perdre à tout le monde ? […] Qu’est-ce donc qu’une enseigne qui invite tous les passans, un cri qui appelle tout le monde ? […] Tout le monde n’est pas, dit-on, si sévère ; des nations entieres depuis des siecles ne se font aucun scrupule de la liberté que vous condamnez. […] La nudité peint aux yeux, elle subsiste ; un regard suffit, & on en peut jeter mille ; elle attire, elle plaît, on s’en repaît sans être apperçu ; on ne peut parler continuellement, & à tout le monde, & tout le monde voit, & voit sans cesse ; nulle fatigue ni à voir, ni à se faire voir. […] Sera-t-on donc innocent en les exposant aux regards de tout le monde ?

11. (1774) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre seizieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre II. Charles IV & Charles V. » pp. 38-59

Tout le monde se mit à rire, & trouva la proposition si plaisante, qu’on engagea la mere à lui accorder une satisfaction si petite & si courte. […] Le Prince de Vaudemont etant à Paris, le Roi le combla de tant de caresses, que tout le monde en étoit surpris, surtout, ajoute-t-on, car ceci en est le comble, il fit faire un bal exprès pour lui, pour le voir danser. […] Le Prince Charles, qui perdoit la succession de son oncle, quoique au désespoir, dissimula si bien son chagrin & ses desseins, qu’il y dansa, & joua son rôle avec une grace & une gaieté dont tout le monde fut surpris. […] Il revint de ses foiblesses, s’établit à Vienne, épousa la sœur de l’Empereur, veuve du Roi de Pologne, & y mena une vie digne de sa naissance & de sa religion, avec l’approbation de tout le monde. […] Tout le monde sait qu’après son abdication, cette Reine fameuse, si enthousiaste du théatre & si grande Actrice, se montra dans une grande partie de l’Europe, avant de se fixer à Rome où elle finit ses jours.

12. (1667) Traité de la comédie et des spectacles « Sentiments des Pères de l'Eglise sur la comédie et les spectacles — 4. SIÈCLE. » pp. 120-146

Si tout le monde s'accordait à ne vouloir point regarder leurs sottises, ils cesseraient bientôt de les faire : mais lors qu'ils vous voient tous les jours quitter vos occupations, vos travaux et l'argent qui vous en revient; en un mot renoncer à tout pour assister à ces Spectacles, ils redoublent leur ardeur, et ils s'appliquent bien davantage à ces niaiseries. […] C'est vous qui dans ces représentations malheureuses profanez la sainteté du mariage, qui déshonorez devant tout le monde ce grand Sacrement : Car celui qui représente ces personnages infâmes, est moins coupable que vous qui les faites représenter, que vous qui l'animez de plus en plus par votre passion, par vos ravissements, par vos éclats, et par vos louanges, et qui travaillez en toutes manières à embellir et à relever cet ouvrage du Démon. […] Ce n'est qu'une feinte, dites-vous, c'est pour cela même que ces personnes sont dignes de mille morts d'oser exposer aux yeux de tout le monde, des désordres qui sont défendus par toutes les lois : Si l'adultère est un mal, c'est un mal aussi que de le représenter. […] Les lois des Païens rendent les Comédiens infâmes, et vous allez en foule avec toute la Ville pour les regarder sur leur Théâtre, comme si c'était des Ambassadeurs, ou des Généraux d'armée, et vous y voulez mener tout le monde avec vous pour emplir vos oreilles des ordures et des infamies qui sortent de la bouche de ces bouffons; vous punissez très sévèrement vos serviteurs lors qu'ils disent chez vous des paroles peu honnêtes ?

13. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quatorzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littérairesn sur le théatre. — Chapitre VI [V]. Élizabeth d’Angleterre. » pp. 142-187

Vrai Cameléon, elle trompoit tout le monde, & jouoit continuellement la comédie. […] Tout le monde connoit Henri VIII son pere, & en a horreur. […] Tout le monde convenoit qu’elle avoit plus l’air d’une Comédienne que d’une Reine. […] Tout le monde lui rend hommage, & s’en moque. […] Tout le monde étoit surpris de ces excès.

14. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre IV. Christine de Suede. » pp. 111-153

Elisabeth avoit un mérite supérieur au sien, elle savoit régner, ménager tout le monde, se contenir, se consulter, choisir ses Ministres, & les faire agir ; elle fut accréditée dans les Cours étrangères, s’y fit craindre. […] Le penchant d’un sexe pour l’autre est naturel à tout le monde, mais ce penchant a pour objet de s’en faire aimer & de goûter les plaisirs que la nature a attaché à leur union. […] Quoiqu’elle n’eut pas été tâchée d’épouser le Roi de France qui n’étoit pas marié, elle s’en mocqua ouvertement comme tout le monde. […] Quelqu’un dit que quand Charles IX venoit chez Ronsard aux assemblées des gens de lettres, tout le monde étoit assis ; la question fut décidée, & sans demander permission on s’assit, dès que la Reine fut assise on lui fit des complimens sans nombre, on lui récita des vers, on lut quelque pièce. […] Elle fut très-peu reconnoissante pour ses Apôtres, car elle a toujours paru mécontente des Jésuites, se moquant d’eux, de leurs pièces de théatre, les méprisant, en disant volontiers du mal ; il est vrai qu’elle en disoit de tout le monde, & méprisoit tout le monde, elle étoit fort caustique, elle se plaignoit de leur général qui avoit manqué à lui rendre quelque visite.

15. (1766) Réflexions sur le théâtre, vol 5 « Réflexions sur le théâtre, vol 5 — REFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE CINQUIÈME. — CHAPITRE V. Du Mensonge. » pp. 100-113

Il fut en particulier frappé de la plaie qu’ils avoient faite à l’esprit de droiture & de sincérité qui doit régner dans le commerce de la vie ; il manda le débutant Thespis, lui en fit de vifs reproches, & lui dit entr’autres choses : N’as-tu-pas honte de mentir devant tout le monde ? […] Le théatre travestit le vrai en faux, ne connoît la vérité que pour la déguiser, le mensonge, que pour le pallier, & tromper tout le monde pour le divertir. […] Son Dorante ment à tout le monde ; il trompe père, ami, maîtresse, valet, étranger, inconnu, avec une légèreté, une facilité, une fécondité, une présence d’esprit, qui lui en fait un agrément & un mérite. […] Même aveu en justifiant la Suite du Menteur, qui n’a pas réussi, quoique mieux écrite, par la même raison qui devoit assurer son succès, parce qu’elle a moins de mauvaises mœurs : Si je croyois que la poësie a pour but de profiter aussi-bien que de plaire, je dirois que cette piece est beaucoup meilleure, parce que Dorante y est plus honnête homme & donne des exemples de vertu à suivre (se battre en duel), & dans l’autre, il ne donne que des imperfections à éviter (mentir par caractère, à tous propos, à tout le monde, n’est donc qu’une imperfection).

16. (1666) Seconde Lettre de Mr Racine aux deux apologistes des Hérésies Imaginaires « De Paris ce 10. Mai 1666. » pp. 193-204

Cependant vous ne nous persuaderez pas que les dernières Imaginaires soient aussi agréables que les premières Provinciales, tout le monde lisait les unes, et vos meilleurs amis peuvent à peine lire les autres. […] Pascal, il est vrai que j’ai eu quelque pitié de voir traiter l’Auteur des Chamillardes avec tant d’inhumanité, et tout cela, parce qu’on l’a convaincu de quelques fautes, il fera mieux une autre fois, il a bonne intention, il s’est fait cent querelles pour vos amis, voulez-vous qu’il soit mal avec tout le monde, et qu’il ne soit estimé des Jésuites, ni des Jansénistes ? […] Comment peut-on se divertir lorsque la Vérité est persécutée, lorsque la fin du Monde s’approche, lorsque tout le monde a tantôt signé ?

17. (1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE II. Des Masques. » pp. 28-54

Cet homme célèbre, plein d’esprit & de politesse, qui écrivoit avec tant d’agrément & de légèreté les moindres bagatelles & les choses les plus sérieuses, qui a vécu trois ou quatre vies différentes, pour ainsi dire, homme, femme, abymé dans l’étude, livré au théatre, estimable par un courage apostolique, qui l’a conduit au bout du monde, méprisable par une coquetterie d’Actrice, toujours gouverné par le plaisir, se faisant aimer de tout le monde ; cette espèce de phénomène dans la société ne dissimule pas ses défauts. […] Tout le monde va masqué, & ceux qui paroissent gens de bien, que ne se permettent-ils pas dans les ténèbres ? […] On n’y entre que masqué, afin que tout le monde y jouisse d’une entiere liberté. […] Elle lui applaudit, ainsi que le Duc de la Roche-Foucant qui s’y trouva, & après eux tout le monde, on plutôt tout le monde se moqua de lui, & il eut la foiblesse de croire qu’on l’approuvoir, ne quitta plus ces habits peu décens, se fit peindre en femme, appeler Madame, &c. Ne font ce pas encore de ridicules mascarades, si souvent & avec raison jouées sur le théatre, que le luxe & le faste que tout le monde arbore, & qui confond tous les états, le Bourgeois Gentilhomme qui tranche du grand Seigneur, la Soubrette, l’Actrice habillée en Princesse, le laquais en carrosse qui appelle ses gens ?

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