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355. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre VII. De la Vraisemblance. » pp. 277-286

Le Spectacle moderne s’écarte souvent de la Vraisemblance. Tout cela se trouve réuni dans le nouveau Théâtre ; aucun Spectacle n’employe aussi-bien que lui la Vraisemblance ; c’est peut-être la raison qui nous le fait tant chérir. […] Un Spectacle si naïf, si simple, devrait-il tomber dans de pareilles fautes ?

356. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre V. De la Parodie. » pp. 78-89

IL y a deux sortes de Parodies dramatiques, l’une où les Acteurs parlent tout simplement, & l’autre qui se chante : cette dernière, de beaucoup plus ancienne, appartient de droit au Spectacle moderne par sa nature & par son genre. […] Nos Pièces simplement de Dialogues ne sont pleines sur-tout que de bouffonneries ; elles éxcitent le rire immodéré, par un Spectacle, par une action burlesque, & par de bons mots entâssés les uns sur les autres : elles ne peuvent amuser que la populace ou les enfans. […] Cette Pièce offre un Spectacle fait pour des fous, plutôt que pour des hommes sensés.

357. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre VIII. Réfléxions sur le plaisir qu’on ressent à la représentation d’un Poème comique, & sur la douleur qui déchire l’ame des Spectateurs d’un Drame sérieux. » pp. 113-123

Les Spectacles auraient été bientôt détruits, si l’homme ne s’était absolument intéressé qu’à la vérité ; mais il suffit qu’il en voye l’apparence ; sa seule image le touche & l’affecte. […] L’Abbé du Bos21 croit qu’on aime les Spectacles tragiques, quelque déchirement qu’ils fassent éprouver à l’âme sensible, parce que le cœur est énnemi du repos, qui le fait tomber dans l’indolence, dans une langueur insipide : afin de s’occupe, il se remplit de passions, tristes ou enjouées, peu lui importe, pourvu qu’elles le retirent du désœuvrement. […] 18 Il est inutile de parler des autres Spectacles.

358. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre onzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre premier.  » pp. 4-42

Ce ne fut pas le seul spectacle où le Pontife oublia la Sainteté de la Thiare, ce fut une tâche dans un Pontifiat que de grands événemens ont rendu célébre. […] Sa passion dominante étoit la musique, il réussissoit admirablement à chanter & à composer, il avoit chez lui des concerts, & sa maison devint le plus curieux spectacle de Rome. […] Ce spectacle plût beaucoup au peuple Romain. […] Ses égaremens ne justifient pas le spectacle, le spectacle les condamne. […] C’est à Rome que les spectacles ont été portés à un plus grand excès de somptuosité & de licence.

359. (1767) Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs « Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs — PREMIERE PARTIE. Quelle est l’essence de la Comédie. » pp. 11-33

Ceci pourra paroître singulier à la plupart de ceux qui sont accoutumés à regarder la Comédie comme un Spectacle de pur amusement ; mais je les prie de mettre à part les préjugés que l’habitude leur a fait contracter, & d’examiner quelques Comédies d’après les principes constitutifs de son essence, j’espere après cela, que la plupart de mes lecteurs trouveront mon opinion moins extraordinaire. […] On sort d’un pareil Spectacle plus suffisant, plus orgueilleux & plus impertinent qu’on n’y étoit entré ; on est bien résolu d’éviter le ridicule du vice, c’est-à-dire, samaniere d’être extérieure ; mais on est déterminé d’en conserver le fond, s’il est intéressant pour nous de le conserver : c’est ce qui fait que la Comédie parmi nous n’a produit d’autre effet jusqu’ici, que de supprimer le ridicule du vice, sans le détruire ; & il étoit naturel que cela arrivât ainsi, puisque généralement parlant, la Comédie a lancé tous ses traits plutôt sur la maniere d’être extérieure du vice, que sur le fond du vice. […] Je ne compte pas parmi les avantages de la Comédie, traitée selon les regles qui constituent son essence, celui de faire cesser le cri des dévots contre les Spectacles ; car il faut convenir qu’ils n’ont eu jusqu’ici que trop de raisons de déclamer contre un Spectacle qui se prétendant institué pour corriger les Mœurs, les a peut-être rendues plus mauvaises.

360. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Seconde partie « Causes de la décadence du goût sur le théatre. — Chapitre XXIV. Le sentiment, juge plus sûr que le goût. Celui-ci préféré au premier. Pourquoi ? Amour du Théatre, funestes à ses progrès. Honneurs avilis en devenant trop communs. Cabales. Leurs effets, & les moyens qu’on employe pour les éluder.  » pp. 129-150

Ils plaignent les Poëtes, oublient l’Acteur, sont peu frappés du spectacle, & finissent souvent par s’en dégoûter. […] Ils lui donneroient plus de confiance en sa théorie, il ne parleroit plus qu’élemens : il leur conféreroit sans cesse toutes les parties d’une Tragédie ; le tems que dure un spectacle ne seroit employé qu’à des disputes sur l’art d’attendrir & d’émouvoir, qu’à des puériles discussions sur les fautes que l’Auteur pourra avoir commises. […] Ce spectacle affreux vous feroit regretter d’avoir joui encore une fois de la lumière. […] Nous semblons n’aller au spectacle que pour eux.

361. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « III. Si la comédie d’aujourd’hui est aussi honnête que le prétend l’auteur de la Dissertation. » pp. 5-9

Il ne sert de rien de répondre, qu’on n’est occupé que du chant et du spectacle, sans songer aux sens des paroles, ni aux sentiments qu’elles expriment : car c’est là précisément le danger, que pendant qu’on est enchanté par la douceur de la mélodie, ou étourdi par le merveilleux du spectacle, ces sentiments s’insinuent sans qu’on y pense ; et plaisent sans être aperçus.

362. (1744) Dissertation épistolaire sur la Comedie « Dissertation Epistolaire sur la Comedie. — Reponse à la Lettre précedente. » pp. 19-42

Saint Charles Borromée, qui vivoit à la fin du seiziéme siécle, eût le même sentiment de celle qu’on représenta alors ; & nous dit : « Qu’entre les entretiens publics de corruption étoient les spectacles de la Comedie, & que tout ceci étoit contraire à la morale chrétienne. » Personne ne nous prouvera, que le Theatre du dixseptiéme, ou du dixhuitiéme siécle soit plus chaste que dans le siécle de ce Saint : je suis donc en droit de pouvoir suivre le commandement du même Saint, qui veut, que ceux qui ont quelque charge des ames, en inspirent de l’horreur à celles que Dieu leur a confiées ; qu’ils leur montrent, que ces spectacles sont les malheureuses sources des calamités publiques, qui accablent le peuple chrétien ; & qu’ils alleguent à cet effét l’autorité des Saints Chrysostome, & Cyprien, & du grand Salvien. […] La grace de Jesus-Christ produit dans les prédestinés une aversion pour toute vanité, & pour les spectacles de la Comedie : Saint Luc au livre des Actes des Apôtres parle des premiers Chrétiens comme des gens livrés & devoués à la grace ; & ces gens ne paroissoient jamais aux spectacles de la Comedie : ou s’il y en paroissoit quelqu’un, on le regardoit délors comme un Apostat & un Infidéle. […] Or les saints Peres m’apprennent, que d’abandonner les spectacles de la Comedie c’étoit une marque de Religion, & une marque bien autentique dans l’estime commune des premiers chrétiens, qui jugeoient selon la morale de Jesus-Christ. […] « C’est vous joüer, mon frere, écrivoit saint Cyprien, d’avoir dit anatheme au demon, comme vous avez fait recevant sur les Fonts la grace de Jesus-Christ, & de rechercher maintenant les fausses joies, qu’il vous présente dans ce spectacle de vanité. » Elle a raison la Demoiselle, que du moins les Devotes s’en doivent absténir : & ce seroit à juste titre qu’elle se scandaliseroit, si quelqu’une de ces Demoiselles, qui se sont volontairement engagées à passer leur vie en priéres & en œuvres de charité, venoit se montrer dant la Comedie ; si elle veut prendre, diroit elle fort bien, part à nos plaisirs & à nos passetems, qu’elle renonce à sa vie retirée & à la profession : voila, Madame, quels seroient les justes sentimens de cette fille sur la conduite des Devotes : mais pourquoi ne s’applique-t-elle pas des regles si justes & si raisonnables ? […] « quiconque cherche le péril, y perira », & qu’on y ajoute le sentiment de tous les Docteurs, que de rechercher une occasion où l’on commet ordinairement le crime, c’est être dans le dessein de le commettre : & quelle sera la personne si heureuse, pour qui ces spectacles ne sont pas des pechés, & des pêchés griefs, & des pechés dignes de la reprobation éternelle ?

363. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre premier.  » pp. 2-36

Nous avons souvent parlé des spectacles de la Chine, voici ce que nous apprend de ceux du Tonquin, le dernier & vingt-neuvieme tome des Lettres édifiantes & curieuses, des missions étrangeres des Jésuites, dont le travail utile & agréable est interrompu depuis plusieurs années. Ces spectacles sont fort semblables, le Tonquin est non-seulement voisin de la Chine, mais en étoit autrefois une province ; les mœurs, les loix, la créance, les divertissemens doivent être à peu près les mêmes. […] Il n’y a pas de spectacle au Cap, & on ne l’y désire pas, chacun in voit dans sa maison de fort touchants ; des domestiques heureux, des enfans bien élevés, des femmes fidelles ; voilà des plaisirs que la fiction ne donne pas . […] Des hommes faits doivent s’occuper des choses utiles, ce théatre quoique fort élagué, est encore dangereux ; mais combien doit être souverainement pernicieux un corps de spectacle, toujours subsistant ; des corps d’acteurs & d’actrices établis, soudoyés, protégés, favorisés ouvertement, qui passent leur vie à donner tous les jours des leçons, des objets, des modeles, des occasions, des exemples de tous les vices. […] Mais il passe sa vie au spectacle ; il écoute attentivement, il retient aisément ; peut-il ne pas goûter les oracles que prononce sur la scéne une belle bouche, qu’embellit un pas de trois, que réchauffe un coup d’archet, & qu’il est d’ailleurs si porté à croire ?

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