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154. (1675) Traité de la comédie « XIV.  » pp. 294-295

« Si mon âme à mes sens était abandonnée, Et se laissait conduire à ces impressions, Que forment en naissant les belles passions. » Et l'humilité de théâtre souffre qu'elle réponde de cette sorte en un autre endroit : « Cette haute puissance à ses vertus rendue, L'égale presque aux rois dont je suis descendue ; Et si Rome et le temps m'en ont ôté le rang, Il m'en demeure encor le courage et le sang.

155. (1819) La Criticomanie, (scénique), dernière cause de la décadence de la religion et des mœurs. Tome II « Résumé et moyens de réformation. » pp. 105-200

C’est aussi cet esprit de société, répandu en torrent, ou sans mesure ni ménagement, qui, de l’aveu ingénu du plus éloquent panégyriste de Molière, a produit l’abus de la société et de la philosophie, qui est cause que la jeunesse a perdu toute morale à quinze ans, et toute sensibilité à vingt ; qui fait aussi qu’après avoir perdu l’honneur, on peut aujourd’hui le recouvrer rentrer dans cette île, du temps de Molière escarpée et sans bords, c’est-à-dire, jouir de la considération, de tous les avantages et priviléges de la vertu Comparez les temps et jugez, dis-je, vous verrez de plus que, malgré les cent cinquante mille pièces de théâtre environ qui nous ont passé sur le corps, ou plutôt sur l’âme, depuis la restauration des lettres, pour nous perfectionner, nous nous sommes toujours détériorés de plus en plus ; vous verrez que les rares petits coins de la terre civilisée qu’on pourrait encore proposer pour exemples d’innocence et de vertus, sont précisément ceux où il n’a jamais paru ni théâtre, ni comédie, ni beaucoup des gens qu’ils perfectionnent dans les villes ; et vous en inférerez que pour mettre le comble à la dépravation, surtout aujourd’hui que les hommes corrompus sont presque partout en grande majorité, et que jouer les vices au théâtre, c’est à peu près comme si on jouait l’anglomanie en Angleterre, il ne manquerait plus que de livrer de même à la justice précipitée du public malin, qui a besoin de rire, qui ne se rassemble que pour cela, à ce tribunal confus, incohérent et enthousiaste, composé de toutes sortes de gens, qui tient ses assises dans toutes sortes de lieux, qui passe en sections du théâtre dans les salons et dans les réduits, sur les places publiques et aux coins des rues, où il délibère d’après ses passions discordantes, propres on empruntées, qui dénature on change les actes d’accusation, qui juge cent fois in idem, dont la jurisprudence est incertaine et si versatile qu’il désavoue habituellement ses jugements, lesquels, en effet, sont cassés en grande partie, et souvent, après des années de la plus cruelle exécution, quelquefois dans un autre siècle, par le public mieux éclairé, sage et impartial, dont les arrêts méritent seulement alors toute confiance et respect ; il ne manquerait plus, dis-je, que de traduire à ce tribunal les hypocrites des autres vertus dont il reste plus de lambeaux, en ajoutant aux tartufes de religion, de mœurs, de bienfaisance, etc., les tartufes de justice, d’indulgence ou de pitié, de patience ou de modération, de modestie, de grandeur d’âme, d’amour filial ; et vous n’aurez aucun doute non plus qu’une satire en comédie dirigée contre une hypocrite de tendresse maternelle, comme il y en a effectivement, sur qui, par le jeu d’un Brunet ou d’un Potier, qui représenterait la marâtre, on livrerait à la risée publique le ton, les soins empressés, les caresses, les émotions ou les tendres élans du cœur d’une mère, ne portât une atteinte funeste à la plus précieuse des vertus, et ne détruisit en peu de temps l’ouvrage du génie supérieur qui a défendu si éloquemment la cause de l’enfance et mis à la mode, en les faisant chérir, les premiers devoirs de la maternité. […] et l’on doit sentir parfaitement enfin que, dans tous les intérêts, il est temps de mettre quelque frein à toutes ces mascarades des vices déguisés en vertus, courant les théâtres pour se faire voir et bafouer par le peuple convoqué ad se invicem castigandum ridendo  ; et ce peuple érigé en tribunal de mœurs, je développe l’observation que j’en ai faite, est rassemblé confusément et en toutes dispositions, c’est-à-dire comprenant avec leurs passions, leurs goûts, leurs vices, leurs préjugés différents, leurs opinions, leurs systèmes et préventions diverses, tous les rangs, tous les états, tous les âges, les deux sexes, les amis, les ennemis, les parents, les enfants, les régnicoles, les étrangers, les clercs et les laïcs, les disciples de toutes les religions, pour les mettre alternativement aux prises ensemble, ou pour livrer ceux-ci à la risée de ceux-là, et vice versâ, afin de les corriger tous, les uns par les autres au moyen d’impressions ou mouvements intérieurs si divers, si brouillés, et du conflit bizarre de tant d’éléments contraires ; c’est presque à dire, afin de les entre-choquer de telle manière que le monde moral sorte tout façonné de ce nouveau chaos, ainsi que Descartes fait sortir le monde physique de ses tourbillons. […] C’est en offrant ces sortes de clefs qu’on a induit aussi une partie du public à voir le portrait de M. de Montauzier dans le Misantrope ; celui du marquis de Soyecourt dans les Fâcheux ; ceux de Cottin, de Ménage dans les Femmes savantes ; ceux de tel et tel médecins dans l’Amour Médecin, etc. […] Les premières attaques publiques, en réparation de la sorte de calomniés que les auteurs commettraient parfois ainsi, loin d’alarmer, devront faire présager une heureuse révolution. […] L’utilité de légitimer et bien organiser cette justice intermédiaire qui n’aurait d’action que sur les justiciables de l’opinion, qui n’appellerait sur eux que la peine intermédiaire aussi de la honte et du ridicule (et tout au plus de la surveillance spéciale du ministère public qui, même dans les cas d’une certaine gravité, bornerait là son intervention, en vertu d’un pouvoir discrétionnaire ad hoc), et ferait alors concourir efficacement à la réforme ce puissant et précieux moyen de répression, dont toutefois, ainsi que je viens d’en faire le vœu, il ne serait plus fait d’application inconsidérée aux écarts et défauts légers qui n’excluent point l’honneur ou la droiture de l’âme ; l’utilité, dis-je, de cette sorte de tribunal correctionnel de première instance, qui ne décernerait ses peines morales que pour en prévenir d’afflictives et plus graves, me parait frappante dans ce temps de perversité et de dépravation générale où tant d’hypocrites de toute espèce que la loi ne peut atteindre, serpentent long-temps dans la société, et rusent paisiblement, font, comme on dit, tout juste ce qu’il faut faire pour ne pas être pendus, et deviennent ainsi des scélérats endurcis ; dans ce temps où les tribunaux existants, encombrés de coupables, suffisent à peine, et seront bientôt obligés, s’ils ne le sont pas encore, de fléchir, de fermer les yeux souvent, ou tolérer les désordres, par l’impossibilité d’en juger et punir tous les auteurs, dont un grand nombre, leur repentir, l’abîme de regrets et de douleur où on les voit plongés après leur condamnation, ne permet pas d’en douter, dont un grand nombre, dis-je, ne sont arrivés au point d’avoir encouru les peines les plus graves et infamantes, que pour n’avoir pas été arrêtés dans la route du crime, ou par l’effet, ou par la crainte d’un premier et moindre châtiment plus difficile à éviter.

156. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quatorzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littérairesn sur le théatre. — Le Comte de Chavagnac & le Marquis de… » pp. 188-216

On voit à Amsterdam trois sortes de maisons qui ont le crime pour objet, les deux premieres pour le faire commettre, la troisieme pour le punir, savoir, le théatre & les lieux publics, & une maison de correction pour les femmes perdues. […] On tient chaque nuit dans ces maisons une espece de bal, où ces filles dansent tour-à-tour avec les Matelots au son de toute sorte d’instrumens. […] Ces deux sortes de maisons, l’une pour prévenir le péché, l’autre pour le corriger, ne sont pas une réforme de la religion Catholique. […] Ce même Duc avoit un cabinet à plusieurs grands miroirs, qui par le moyen de ces regles de perspective, & des objets artistement rangés, représentoit toute sorte de nudités : abus infame de l’art, dont les plus libertins avoient peine à soutenir la détestable indécence. […] La comparaison de ces deux sortes de luxe le démontre.

157. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE IV. Des Pièces pieuses. » pp. 68-95

Le mal avait gagné dans bien des Eglises, où certains jours de l’année, pour une plus grande solennité, on introduisait ces pieuses représentations, auxquelles dans la suite on mêla toute sorte d’extravagances, même pendant l’office divin, et par les Ecclésiastiques et les Religieux, avec la plus grande indécence ; ce qui les fit avec raison appeler la fête des Fous. […] Pourquoi donc nous priver d’une infinité de traits amusants que peuvent fournir ces sortes de pièces, d’autant plus piquants, que la plupart des hommes trouvent un goût singulier dans ce qui touche la religion, et que la religion en est comme la sauvegarde ? […] C’est une autre sorte de sacrilège, selon l’expression de S.  […] Doit-on blâmer ceux qui composent de ces sortes de pièces, comme ceux qui les représentent ? […] Il est bien des sortes de tableaux : la prose est moins vive que la poésie ; l’harmonie, la mesure, la hardiesse des images, des figures et des inventions rapproche plus de la nature ; la peinture, plus frappante que la poésie l’est moins que la sculpture, qui rend la figure au naturel.

158. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE III. Est-il à propos que les jeunes gens aillent à la Comédie ? » pp. 55-83

« Ce Cardinal n'avait rien de mieux à faire que de laisser le Roi s'amuser tous les jours des plaisirs de son âge, et l'éloigner lui-même de toute sorte d'affaires ; il avait vingt ans qu'il ne savait que des danses, des mascarades, des tournois, des comédies, des jeux de cartes, etc. […]  » On peut laisser la jeunesse lire toute sorte de livres, fréquenter toute sorte de compagnies, voir les plus mauvais exemples, entendre les plus mauvais discours, regarder les objets les plus séduisants, si on leur ouvre la porte des spectacles, où se trouvent tous ces dangers à la fois, c’est-à-dire qu'il faut abandonner l'éducation de la jeunesse, la livrer à elle-même, et la laisser perdre. […] Nous n'approuvons pas, il est vrai, ces sortes de pièces ; mais ce serait être injuste de ne pas convenir qu'elles sont très différentes du théâtre public, différentes dans les mœurs des Acteurs et des Actrices, dans le goût et les vues de l'Auteur, dans le choix des spectateurs, dans la séduction des passions, l'indécence des parures, la licence des discours, les décorations, les chants, les danses, le lieu, le temps. […] Cette réflexion est très juste, surtout pour de jeunes gens, dont le cœur facile et ardent prend plus facilement toute sorte d'impression, et s'y livre plus aveuglément. […] Cyr même s'en dégoûta, et quoique par une sorte de point d'honneur, pour ne pas passer condamnation, et pour plaire au Roi qui le demanda, Madame de Maintenon fit encore jouer Athalie, ce fut d'une manière si languissante, si embarrassée, si pleine de remords, que le chef-d’œuvre du théâtre n'eut aucun succès, et S.

159. (1694) Réponse à la lettre du théologien, défenseur de la comédie « Réponse à la lettre du théologien, défenseur de la comédie. » pp. 1-45

C’était toujours par ces sortes de biens, ou par des punitions éclatantes que Dieu les conduisait. […] Certainement ceux qui font profession de jouer aux cartes et aux dés, ou qui passent la plus grande partie de leur vie dans ces sortes de jeux, ne sont pas moins coupables que les Comédiens, et les amateurs de Comédies. Mais quoique le crime soit égal en tous, et que l’Eglise les ait souvent rejetés avec la même indignation, parce que les uns et les autres demeurent dans des habitudes mortelles, elle ne se déclare hautement néanmoins que contre ceux qui font profession publique de faire triompher les passions ; elle refuse à ceux-là publiquement et invariablement sa Communion, parce qu’elle sait que l’amour des biens célestes ne peut subsister dans le cœur de cette sorte de Chrétiens qui lèvent, pour ainsi dire, l’étendard pour l’orgueil et la sensualité. […] Il compare nos Spectacles avec des festins qui se font pour satisfaire à certains usages, et par une sorte de bienséance, avec des meubles et des habits proportionnés au rang et à la dignité, avec les jeux de dés et de cartes, qui à la vérité sont un peu décriés ; mais pourtant où l’on ne peut trouver à redire, quand le désir du gain et ce qui l’accompagne n’y règne pas. […] C’est apparemment sur des compliments de cette sorte qu’Arlequin a eu la hardiesse de prendre pour devise, « qu’en jouant les hommes il les corrige.

160. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 10 « Réflexions sur le théâtre, vol 10 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE DIXIEME. — CHAPITRE PREMIER. Peinture & Sculpture. » pp. 4-40

Vous avez aussi des magots, de la Chine, des calots & des teiniers d’un prix excessif ; toutes sortes de grotesques qui ne sont rien moins que des chefs d’œuvres, n’annoncent pas votre bon goût. […] Ils les choisissent avec soin, les paient cherement, pour les engager à se laisser voir dans toute sorte d’attitudes. […] Non-seulement on permet, on met en vente, on expose en public & en particulier les éditions de ces livres funestes ; mais on les multiplie à l’infini par la gravure, sorte d’impression qui se répand avec plus de facilité que les livres. […] Suffit-il d’épargner à l’oreille les obscénités du langage, si une autre sorte de langage les met sous les yeux ? […] L’indécence multipliée à l’infini, se produit sous toutes sortes de formes, comme l’objet dans un miroir à facettes ; c’est un monde d’iniquité : universitas iniquitatis, comme dit St. 

161. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre premier. De la Musique. » pp. 125-183

Je serais parvenu au but que je me suis proposé, si l’on ne voyait au Théâtre plusieurs sortes de Poèmes chantans, qui éxigent nécessairement que l’on parle de la musique : aussi ce sixième Livre ne sera-t-il consacré qu’à tout ce qui se rapporte à cet art, dans les Ouvrages qu’on met sur la Scène. […] Shakespéar, si j’ose le mettre à côté des Pères de l’Eglise, fait souvent l’éloge de la musique dans ses Ouvrages ; il dit entre-autres choses, que celui qui n’aimerait pas la musique serait capable de toutes sortes de crimes. […] Enfin il n’est sorte d’avantage dont ils ne la crussent pourvue. […] Comme Louis IV. dit d’outre-mer, Roi de France, se moquait toujours de Fouquet second, Comte d’Anjou, qui aimait beaucoup la musique ; celui-ci eut l’audace de lui écrire de la sorte ; « Sachez, Sire, qu’un Roi sans musique est un âne couronné. » Si Pythagore la mit dans le Ciel en prétendant que les planettes se mouvaient avec harmonie, les Chrétiens n’en font-ils pas plus que ce Philosophe, en représentant les Anges & les Elus occupés à chanter les louanges du Très Haut ? […] L’Abbé d’Aubignac, qui vivait du tems de Louis XIV, s’èxprime de la sorte : « les récits d’une pièce ne peuvent être variés que par la musique ; mais comme je n’ai pu jamais approuver cette pratique des Italiens, dans la créance que j’ai toujours eue que cela serait ennuyeux, j’espère que Paris en est autant persuadé maintenant par l’èxpérience, que je l’étais par mon imagination. » Quel est l’Auteur qui de nos jours ôserait parler ainsi ?

162. (1702) Lettre de M. l’Abbé de Bellegarde, à une Dame de la Cour. Lettre de Lettres curieuses de littérature et de morale « LETTRE. de M. l’Abbé de Bellegarde, à une Dame de la Cour, qui lui avait demandé quelques réflexions sur les pièces de Théâtre. » pp. 312-410

Si toutes les femmes étaient d’aussi bonne foi que vous, Madame, elles avoueraient avec la même ingénuité, qu’elles ne savent ce que signifient proprement les termes de Tragédie et de Comédie : Ce sont les deux espèces qui divisent le Poème dramatique : Peut-être que ce mot est encore un mystère pour bien des femmes ; cette espèce de Poème est nommée de la sorte, parce qu’il représente quelque action, et il est différent des autres qui se passent en simples récits. […] On peut hasarder sur la Scène, des choses mêmes, qui sont contre nos mœurs, et ces sortes de sujets réussiront, si on y apporte tous les ménagements nécessaires. […] Je ne condamne pas absolument toutes sortes d’épisodes ; ils sont même quelquefois absolument nécessaires, pour conduire au dénouement de l’action principale ; comme dans la Tragédie de Bajazet, l’amour du Vizir Acomat, et d’Atalide, confidente de Roxane, sert beaucoup à nouer l’intrigue, et fait un grand jeu de Théâtre. […] Le Tartuffe a dévoilé les impostures des faux Dévots, et révélé les mystères des Hypocrites, qui abusaient de la Religion, et de la piété, pour faire leur fortune aux dépens des dupes, et pour se donner impunément toutes sortes de licences. […] Les Auteurs de ces Comédies n’avaient nul goût de la Fiction, de la Fable, de la Versification ; on ne se paraît point pour aller à ces sortes d’Assemblées ; les Dames n’empruntaient point le secours de l’art, ni des ajustements, pour relever l’éclat de leur beauté, et pour paraître avec tous leurs avantages, comme elles font aujourd’hui : Ainsi il ne faut pas s’étonner, que les Directeurs et les Docteurs de ce temps-là aient toléré des spectacles, qui n’étaient nullement capables d’exciter les passions dans ceux qui y assistaient.

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