Pour moi, mes Frères, si je n’étais déjà d’une profession qui, par elle-même, m’interdit de pareils amusements, et que j’eusse, comme vous, à prendre parti là-dessus et à me résoudre, il me semble que, pour m’y faire renoncer, il ne faudrait rien davantage, que cette diversité de sentiments. […] Les noms sacrés et vénérables dont on abuse pour justifier la composition des Ouvrages dramatiques et le danger des Spectacles, les textes prétendus favorables, les anecdotes fabriquées, les sophismes des autres et les miens, tout cela n’était que du bruit, et un bruit bien faible, contre ce sentiment impérieux qui réclamait dans mon cœur. […] Il nie que les représentations théâtrales soient nécessaires pour former le goût des Citoyens, leur donner la finesse du tact et la délicatesse du sentiment, ou qu’elles puissent jamais seconder la Morale, quand même l’on y verrait toujours le vice puni et la vertu récompensée. […] Les impressions vives et touchantes dont nous prenons l’habitude, sont-elles bien propres à modérer nos sentiments au besoin ? […] A proprement parler, il n’y a point de passions légitimes, mais bien des sentiments légitimes.
Avouez donc, Monsieur, que vous avez péché vous-même contre les régles de critique que vous avez établies ; avouez, que votre jugement a été trop précipité ; avouez enfin que, quand même un Théologien de Genève vous auroit donné dans ses écrits l’occasion la plus forte pour le soupçonner de Socinianisme, vous ne seriez pas plus en droit d’imputer ce sentiment à tout le corps des Pasteurs, que ne seroit ce même corps à soutenir que la doctrine des Escobars & des Busembaums est celle de l’Eglise Catholique. […] Ce sentiment intime nous engage à nous humilier devant lui ; à reconnoître que cet Etre suprême demeure dans une lumière inaccessible pour nous ; & que l’homme qui, conduit par ses propres lumières, prétend nous donner une définition exacte de cet Etre suprême, des qualités qui lui sont propres, de ce qui est possible en Dieu, & de ce qui y est impossible, mérite autant le titre d’insensé que celui qui dit dans son cœur, il n’y a point de Dieu 8. […] Ceux qui, à cet égard, ne sont pas de notre sentiment, quoique d’ailleurs ils admettent la divinité des Ecritures, nous les regardons comme de mauvais logiciens, qui accordent les prémisses, & qui nient la conclusion.
Toutes ces passions ne plaisent qu’autant qu’elles sont senties, et que le sentiment en a été plus vif et plus profond. […] « Tout ce qui est spectacle est passion ; les sentiments ordinaires et modérés ne frapperaient pas. […] On accoutume son cœur à tout ; on lui apprend en secret à ne rougir de rien : on le dispose à ne pas condamner, à son égard, des sentiments qu’il a excusés et peut-être loués dans les autres ; enfin on ne voit plus rien de honteux dans les passions, dont on craignait autrefois jusqu’au nom, parce qu’elles ont toujours été déguisées sur le théâtre, embellies par l’art, justifiées par l’esprit du poète, et mêlées à dessein avec les vertus dans des personnes que la scène nous présente comme des héros.
Tout cela ne plaît qu’autant qu’il est senti, et l’on est content à proportion de ce que le sentiment a été plus vif et plus profond. […] Les sentiments ordinaires et modérés ne frapperaient pas. […] On accoutume son cœur à tout ; on lui apprend en secret à ne rougir de rien ; on le dispose à ne pas condamner à son égard des sentiments qu’il a excusés, et peut-être bien loués dans les autres.
» « L’amour du beau est un sentiment aussi naturel au cœur humain que l’amour de soi-même : il n’y naît pas d’un arrangement de Scènes, l’Auteur ne l’y porte pas, il l’y trouve ; et de ce pur sentiment qu’il flatte, naissent les douces larmes qu’il fait couler. […] » « Quand même on pourrait me disputer cet effet ; quand même l’on soutiendrait que l’exemple de force et de vertu qu’on voit dans Titus, vainqueur de lui-même, fonde l’intérêt de la Pièce, et fait qu’en plaignant Bérénice, on est bien aise de la plaindre ; on ne ferait que rentrer en cela dans mes principes : parce que, comme je l’ai déjà dit, les sacrifices faits au devoir et à la vertu, ont toujours un charme secret, même pour les cœurs corrompus : et la preuve que ce sentiment n’est point l’ouvrage de la Pièce, c’est qu’ils l’ont avant qu’elle commence.
Il ne sert de rien de répondre qu’on n’est occupé que des spectacles sans songer au sens des paroles, ni aux sentiments qu’elles inspirent **. « Car c’est précisément là le danger, pendant qu’on est enchanté par la douceur de la mélodie, ou étourdi par le merveilleux du spectacle, ces sentiments s’insinuent sans qu’on y pense, et plaisent sans être aperçus. […] Vous savez ce que je vous ai dit des opéras et des comédies, on doit en jouer à Marley : le roi et la cour savent le scrupule que je me fais d’y aller, et ils auraient une mauvaise opinion de vous, si vous aviez si peu d’égard pour mes sentiments. […] » C’est le sentiment de M. le duc de la Rochefoucault, homme que sa valeur et son esprit mirent au premier rang des seigneurs de la cour. […] L’horreur de la jeune Juive pour le baptême exprimée avec des sentiments de foi, est une attaque malicieuse contre le christianisme, au milieu d’une intrigue d’amour entre un catholique et une juive. […] Chers parents, laissez-vous toucher par ces considérations et revenez à des sentiments plus chrétiens.
« La violence du sentiment, [Fils Naturel,] coupant la respiration, portant le trouble dans l’esprit, les syllabes des mots se séparent ; l’homme passe d’une idée à une autre ; il commence une multitude de discours, il n’en finit aucun, & à l’exception de quelques sentimens, qu’il rend dans le premier accès, & auxquels il revient sans cesse, le reste n’est qu’une suite de bruits foibles & confus, de sons expirans, d’accens étouffés, que l’Acteur connoît mieux que le Poëte. […] Je sçai que les bons Auteurs travaillent par saillies, & d’aprés un sentiment qui raisonne peu, ou qui semble peu raisonner. Mais c’est en cela que le sentiment est plus sûr. […] Le sentiment saisit d’abord celle qui lui est propre.
Laisserons-nous là les Pères et les Conciles pour suivre le sentiment des Modernes ? […] C’est aussi le sentiment de S. […] Qu’y a-t-il là-dedans que de conforme au sentiment de tous les fidèles et à l’usage de tous les pays et de Rome même ? […] Je n’ay dit que ce que j’ai cru absolument nécessaire pour vous satisfaire sur vos doutes, et pour vous découvrir mon sentiment sur la Comédie, et sur les autres Spectacles de la sorte. Ce n’est point mon sentiment ni ma doctrine particulière ; mais la doctrine« Doctrina mea non est mea. » et le sentiment des Saints Pères, que j’ai lus et relus, et dont j’ai tiré ce qu’il pouvait y avoir de favorable ou de contraire aux Spectacles.
Réfutation des Sentiments relâchés d’un mauvais Théologien, sur la Comédie. […] Discours sur la Comédie, où l’on voit la Réponse au Théologien qui la défend, avec l’Histoire du Théâtre, et les Sentiments des Docteurs de l’Eglise, depuis le premier siècle jusqu’à présent. […] La Lettre finit par une Eloge du Père Caffaro, qui a édifié tout le monde par les sentiments humbles et Chrétiens, dont sa Rétraction est remplie. […] On finit par des décisions des Pères Guzman et Mariana Jésuites, qui soutiennent que les Comédies sont mauvaises et nuisibles, et qu’il ne faut pas déférer au sentiment des personnes de quelque mérite et condition qu’ils fussent, s’ils osaient justifier les Comédies. […] Sentiments de l’Eglise et des Saints Pères, pour servir de Décision sur la Comédie et sur les Comédiens : opposés à ceux de la Lettre qui a paru sur ce sujet depuis quelques mois.