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93. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE VI. De la Religion sur le Théâtre. » pp. 120-142

Sont-ce donc des Athées qui regardent, paient, composent, représentent, justifient des exercices publics où il n’est pas permis de paraître Chrétien ? […] Les Comédiens sont des gens décriés de tous les temps, que l’Eglise regarde comme retranchés de son corps ; mais quand Molière aurait été innocent jusqu’alors, il aurait cessé de l’être, dès qu’il eut la présomption de croire que Dieu voulait se servir de lui pour corriger le vice. […] La piété a toujours regardé comme un des plus grands dangers pour la foi la lecture des livres hérétiques et l’entretien des gens sans religion. […] Tout en souffre, on s’accoutume à regarder comme indifférent ce qu’on voit indifféremment attribué à Dieu et aux Idoles ; la religion n’est plus bientôt qu’un amusement et un badinage. […] Mais dans tout ce qui regarde la religion, le mensonge et le fiel tiennent la plume chez Voltaire.

94. (1697) Histoire de la Comédie et de l’Opéra « HISTOIRE ET ABREGE DES OUVRAGES LATIN, ITALIEN ET FRANCAIS, POUR ET CONTRE LA COMÉDIE ET L’OPERA — CHAPITRE IV. » pp. 78-112

A regarder les plaisirs du monde sous une idée métaphysique, qui les sépare des plus grands désordres, il semble les permettre : cependant il exige des dispositions dans leur usage, qu’on ne saurait tenter de garder avec fidélité sans renoncer à tous ces plaisirs. […] La deuxième regarde les Auteurs, et généralement tous ceux qui y coopèrent ; ils répondent à cette demande, que tous ceux qui coopèrent à la Comédie d’une manière prochaine et déterminée pèchent, et particulièrement ceux qui composent pour le Théâtre les Pièces que l’on y représente ordinairement, parce que leur action tend d’une manière déterminée à une chose mauvaise. […] Je ne dirai rien de la seconde partie, qui contient des passages des Pères ; j’en ai assez dit dans la Tradition : ni de la troisième qui regarde les Scholastiques ; on les a déjà vus. […] Il se sert de la comparaison des Peintures immodestes dont l’usage est condamné, parce qu’elle ramènent naturellement à l’esprit ce qu’elles expriment ; et il dit que les expressions du Théâtre touchent plus, parce que tout y paraît effectif : les vraies larmes dans les Acteurs en attirent d’aussi véritables dans ceux qui les regardent. […] Cette Requête a été lue et examinée dans la Congrégation du Concile, parce que cette affaire regarde la discipline et les décisions des Conciles : et les Comédiens ont été renvoyés à M. l’Archevêque de Paris, afin qu’il les traite suivant le droit et les canons des Conciles, « Ut provideat eis de jure. 

95. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — TROISIEME PARTIE. — Tragédies à conserver. » pp. 128-178

On voit bien des incestes de fait ou d’imagination sur la Scène ; mais Corneille a marché par une autre route : il a supposé Léonce fils de Maurice, et par conséquent frère de Pulchérie ; par là les deux Amants sont saisis de la crainte de commettre un inceste, s’ils donnaient leur consentement au mariage que le Tyran leur propose ; et cette réflexion détruit en eux jusqu’à la moindre étincelle d’une tendresse suspecte, puisqu’ils ne se regardent que comme frère et sœur. […] Ce n’est pas que j’ignore que mon Lecteur, s’il a retenu tout ce qu’il a lu jusqu’à présent, ne soit en droit de me regarder comme l’ennemi déclaré de la passion d’amour sur la Scène ; et j’avoue sans peine qu’il aura raison : cependant, autant que je suis contraire à cette passion, lorsque la représentation en est nuisible, et qu’au lieu de guérir une maladie, elle ne fait que la rendre plus dangereuse ; autant suis-je éloigné de l’exclure du Théâtre, toutes les fois qu’elle y pourra paraître avec utilité, et d’une manière qui tende à en corriger les inconvénients. […] Quant à ce qui regarde l’instruction, la passion d’amour appartient autant à la Tragédie, à la Tragicomédie, à la Comédie Héroïque, qu’aux autres espèces de Pièces où l’on introduit des gens de qualité, des Bourgeois, des gens du peuple, des paysans, etc. […] On l’appellera un petit Roman tant qu’on voudra ; je la regarderai toujours comme un excellent ouvrage, et comme une Ecole où le sexe et les hommes en général peuvent apprendre à faire marcher la passion d’amour dans la route que la bonne morale et les égards de la société lui ont marquée. […] Polyeucte est un chef d’œuvre qui, en tout temps, fera honneur au Théâtre moderne, et qui peut être regardé comme un morceau éternellement digne du Théâtre de la Réformation.

96. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre VIII. Des caractères & des Mœurs Tragiques. » pp. 131-152

Les jeunes Auteurs regardent le Théâtre comme un champ fertile en lauriers ; c’en est assez pour entreprendre une Tragédie. […] Mais on regarde comme un aveuglement impardonnable de s’appésantir sur un objet ; & alors commence le siécle des feux folets, des bluettes, des demi-Savans. […] Au reste l’objet de l’Abbé Terrasson étant de démontrer qu’on a tort de regarder les talens dans les mains du plus grand nombre, comme une véritable perte pour le bon goût ; c’est ajouter une absurdité au peu de justesse de ses expressions.

97. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Seconde partie « Causes de la décadence du goût sur le théatre. — Chapitre XXIV. Le sentiment, juge plus sûr que le goût. Celui-ci préféré au premier. Pourquoi ? Amour du Théatre, funestes à ses progrès. Honneurs avilis en devenant trop communs. Cabales. Leurs effets, & les moyens qu’on employe pour les éluder.  » pp. 129-150

5 S i dans les tems, où le public ne suivoit que les impulsions de l’ame, ses jugemens ont été quelquefois démentis par la raison ; on ne doit regarder ces erreurs que comme des accidens passagers, qui ne peuvent porter atteinte, ni à ses droits, ni à ses décisions. […] Sages de l’antiquité, qui regardiez les Lettres comme le plus solide fondement des sociétés, comme l’œil universel de la sagesse, le thrône des mœurs, & un lien sacré du genre humain. […] Les Poëtes qui ne sont que spectateurs de ces abus des honneurs & des suffrages, ne regardent le Parterre que comme une Courtisanne, dont la beauté frappe d’abord, & en qui une facilité qui éteint le desir, révolte aussi-tôt.

98. (1802) Sur les spectacles « FUITE DES MUSES ET DU BON GOUT : Peut-on compter sur leur retour ? » pp. 3-11

Cependant peut-on regarder nos bons comiques et tous les riants auteurs de nos délassements, du même œil qu’un amant regarde sa maîtresse ? […] Que le mirandum et le terribile, résultant de l’apparition de vos revenants et de vos assassins, cessent d’être regardés chez nous comme un mal endémique !

99. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre second. — Chapitre III. Recherches nécessaires pour s’éclaircir si les Anciens ont connus l’Opéra-Bouffon. » pp. 101-108

Nous devons cependant regarder Sannyrion comme le père de ce genre amusant, c’est-à-dire, comme celui qui lui prescrivit une certaine forme ; ce fut lui qui ajouta dans la Comédie ancienne les masques & les bouffonneries. […] Ce Philosophe semble le regarder comme beaucoup plus ancien que les autres Spectacles, Ainsi les Drames de Thalie & de Melpomêne n’auraient que le second rang dans l’esprit de ceux qui mettent le principal mérite des choses dans leur antiquité.

100. (1666) Dissertation sur la condemnation des théâtres « Disseration sur la Condemnation, des Théâtres. — Chapitre X. Que l'extrême impudence des Jeux Scéniques et des Histrions fut condamnée. » pp. 217-229

Après l'éclaircissement de ces vérités, touchant les choses qui se pratiquaient dans le Théâtre des Romains, il sera facile de montrer que la juste censure des premiers Docteurs de l'Eglise, ne regardait point les Acteurs des Comédies et des Tragédies, mais seulement les Scéniques, Histrions, ou Bateleurs, qui par la turpitude de leurs discours et de leurs actions avaient encouru l'indignation et de tous les gens de bien, l'infamie des Lois, et l'anathème du Christianisme ; Il ne faut qu'examiner les paroles qu'ils ont employées en cette occasion, et qui nous en peuvent aisément donner toute assurance. […] donner aux Histrions, on n'a regardé que les Mimes et Farceurs, et ces termes ne se peuvent étendre plus loin ; car il les nomme Bateleurs et Bouffons, et les conjoint aux Combats d'hommes et de bêtes, aux plus viles personnes du Cirque, et à ces femmes prostituées de la Scène qui jouaient les Mimes « Histriones, Mimos Cærerosque circula ores, perditos homines. » Concil.

101. (1807) Préface pour une édition des deux lettres à l'auteur des Imaginaires « [Chapitre 2] » pp. 78-82

J’avais vu ma Lettre entre les mains de quelques gens de sa connaissance, qui en avaient ri comme les autres, mais qui l’avaient regardée comme une bagatelle qui ne pouvait nuire à personne ; et Dieu sait si j’en avais eu la moindre pensée. […] Mais je vois bien que ces bons solitaires sont aussi sensibles que les gens du monde ; qu’ils ne souffrent volontiers que les mortifications qu’ils se sont imposées à eux-mêmes, et qu’ils ne sont pas si fort occupés au bien commun de l’Église, qu’ils ne songent de temps en temps aux petits déplaisirs qui les regardent en particulier.

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