On aurait dû, ce me semble, innocenter les conducteurs de chariots dans le Cirque : on ne leur fit point de grâce ; et dans un concile d’Elvire, qui se tint en 305, il est ordonné qu’ils quitteront cette infâme et dangereuse profession, s’ils ont dessein d’embrasser la foi, et, s’ils retournent à leur premier métier après avoir reçu le baptême, ils seront chassés du sein de l’Eglise. […] Tandis qu’ils demeureront dans la profession, ils seront séparés de la communion des fidèles : « De theatricis et ipsos placuit, quamdiu agunt, a communione separari » 32. […] Quoique ce dernier concile ne sévisse pas directement contre les comédiens, il suppose un vice dans leur profession, en tenant leurs spectacles pour un amusement incompatible avec le service divin.
D'applaudir aux Comédiens, de les approuver, et de contribuer à les entretenir dans leur profession. […] Le péché est encore plus grand pour les personnes qui font profession de vertu, parce que les mondains s'autorisent de leur régularité apparente, et croient se pouvoir permettre des plaisirs que les gens de bien ne se refusent pas. » D.
Dans celui où ils jouoient réellement des pièces infâmes, dans celui où il falloit si peu de chose pour être couvert d’opprobre, où un soldat l’étoit pour avoir manqué de bravoure, une veuve pour s’être remariée avant l’année de son veuvage, un marchand pour faire profession de vendre du vin, un médecin pour remplir les devoirs de son état. […] Aux personnes, pour que celles qui sont constituées en dignité, ou d’une profession comptable au public de leurs momens, n’aillent pas tous les jours à la comédie. […] En France, ils sont excommuniés, & la sépulture chrétienne leur est refusée, s’ils n’ont pas, avant la mort, renoncé à leur profession. […] Le dernier effort qu’un de ses confrères a fait en faveur de la comédie & de la profession de comédien, à la sollicitation, dit-on, de mademoiselle Clai…, a été réprimé avec la plus grande rigueur. […] La profession des comédiens n’a pas échappé à M.
nous faisons profession d’embrasser la Religion Chrétienne conformément aux saintes Lois qui nous y sont prescrites ; et nous y témoignons que nous renonçons au diable, à ses Anges, et à ses pompes. […] Les pompes et les spectacles sont donc les armes du diable, suivant la profession que vous faites en votre Baptême. […] Mes chers frères, vous avez fait profession publique de renoncer au démon et à toutes ses pompes : vous y avez, dis-je, renoncé non seulement en présence des hommes, mais aussi devant les Anges, qui ont eux-mêmes écrit les paroles que vous avez prononcées. […] Car vous serez chargés d’une horrible confusion, si vous menez une vie qui n’ait point de rapport à la sainteté de la profession que vous avez embrassée, si portant le nom de fidèles, vous n’en faites point les actions, et si vous ne gardez point la foi que vous avez donnée à Dieu. […] Ne font-ils donc profession d’une Religion si sainte, que pour la déshonorer par une conduite si basse et si indigne d’eux, et pour désobéir à l’Eglise, qui leur défend si expressément cette sorte d’amusement.
La profession de ceux-ci est un pur accident qui n’ajoute rien à la chose. […] Or, comment allier cette profession avec la pureté de la Religion chrétienne ? […] Si vous avez de l’honneur, ayez honte de vivre avec tant de personnes qui font gloire d’en manquer, & qui n’inspirent guères moins d’horreur aux personnes du monde, qu’à celles qui font une profession sincére de la Religion chrétienne. […] Si vous louez un Acteur ; d’où vient n’oseriez-vous embrasser sa profession ? […] Cette double vie est tout ce que nous avons de plus précieux, le reste est un accessoire dont on pourroit absolument se passer ; cependant la profession que vous exercez vous fait perdre l’une & l’autre ; l’Excommunication est une mort spirituelle que vous ne pouvez éviter, la peine d’infamie vous fait mourir aux yeux des hommes, malgré les applaudissemens dont on vous berce, & la sorte de gloire qui vous couvre de ses aisles.
Il est vrai que ce n’est pas d’aujourd’hui, que ce Moine réformé a donné l’essor à sa méditation frénétique, pour choquer cette profession ; Mais la connaissance que tout le monde a de son mérite augmente d’autant plus sa réputation que son ignorance essaie d’en diminuer le prix : Ce qui m’a le plus étonné ça a été qu’après avoir lu son libelle, intitulé (le Théâtre du Monde) par lequel il prétend assujettir la liberté de notre Vie ; J’ai trouvé qu’il était de la nature deb ces écrevisses, où il y avait plus à éplucher qu’à prendre, que ses arguments étaient des galimatias, et qu’il savait mieux débiter une invective, qu’enseigner une doctrine, faire le Rabelais, que le Théologien, que les passages qu’il a tirés de l’Ecriture sainte, étaient des allégories ou métaphores, pour amuser ceux des petites maisons de Paris, que les allégations des Docteurs qu’il produit contre la Comédie, ont si peu de rapport à son sujet, que j’ai honte que le public soit témoin de la faiblesse de son jugement. Sa plume qui est le truchement de ses pensées, et ses écrits le symbole de ses mœurs, font connaître, que ses œuvres sont l’image de son esprit, et son visage étant l’âme raccourcie de son naturel et le miroir de son cœur, montre par la débilité de son cerveau, que ses sens sont égarés, et que son jugement a sorti les bornesc de la raison, par ce grand débordement d’injures dont son libelle est rempli : Ce Casuiste semble avoir mal pris ses mesures, d’avoir voulu faire un parallèle, de la Profession des anciens Histrions, à celle des Comédiens ; d’autant qu’il n’y a aucune affinité ni correspondance entre leurs exercices, l’une étant un pur batelage et souplesse de corps, et l’autre une représentation d’une fortune privée, sans danger de la vie, comme témoigne Horace, en son livre, de Arte d, « Comedia vero est Civilis privataeque fortunae sine periculo vitae comprehensio » ; Je sais bien qu’il y en a plusieurs, qui ne sachant pas la différence de ces deux professions, confondent l’une avec l’autre, et sans distinction de genre, prennent leur condition pour une même chose ; Mais il y a une telle inégalité entre elles, qu’il est facile de juger par la diversité de leurs fonctions, qu’elles n’ont nulle conformité ensemble, car celle des histrions n’est comme j’ai déjà dit qu’une démonstration d’agilité de corps et subtilité de main, mais l’autre étant une action plus relevée, fait voir qu’elle est une école des plus belles facultés de l’esprit, et où la mémoire fait un office digne d’admiration ; l’antiquité nous apprend qu’autrefois les Romains avaient ces Bateleurs en quelque considération, à cause du divertissement qu’ils donnaient à leurs Empereurs, mais ayant abusé du crédit qu’ils avaient obtenus du Sénat, s’adonnèrent à toutes sortes de licences pernicieuses, ce qui obligea la ville de Rome de les chasser, et particulièrement un nommé Hyster, qui s’étant retiré à Athènes, fut suivi d’une bande de jeunes hommes, auxquels il enseigna ses tours de passe-passe et autres parties de son métier, et furent appelés Histrions, du nom de leur Maître, ces Libertins s’ennuyant de demeurer si longtemps dans un même lieu, prirent résolution de revenir à Rome pour exercer leurs jeux : Mais l’Empereur Sévère, ne pouvant souffrir ces Ennemis des bonnes mœurs, fit publier un Edit, par lequel ils furent pour la seconde fois bannis de tout le pays latin ; Lisez ce qu’en dit Eusebius, et Prosper Aquitanus, sur la remarque des temps et des siècles : Pour le regard des Mimes, ou Plaisanteurse, ils ont pris leur source d’un certain bouffon appelé Mimos qui signifie en langue grecque Imitateur, d’autant qu’en ses représentations il contrefaisait divers personnages, et imitait les façons des uns et des autres. […] Mais ce qui le rend encore d’autant plus blâmable, c’est de vouloir choquer une profession, dont il ignore l’effet et la cause. […] Paul, qui attirait un chacun par l’humilité de son exemple, et que n’étant pas si violent en ses prédications, il pût nous inspirer de salutaires pensées, ceux qui comme lui font profession de la vie privée, doivent être d’une qualité tempérée, modeste, courtoise, humble, affable, débonnaire, et non d’une humeur vicieuse, aigre, bouillante et prompte, afin que le tempérament de leur ardeur, n’excite leur passion au-delà de leur devoir.
Si la profession de Comédien est honnête. […] Il ne peut être deshonnête de l’exercer, puisqu’il seroit absurde de dire, que la profession d’un art utile aux Mœurs & au Gouvernement est deshonorante. […] L’art du Théâtre étant bon par lui-même, il ne peut être deshonnête d’en exercer la profession. […] Sur quels arts, sur quelles professions ce jugement ne s’exerce-t-il pas, plus ou moins ? […] La condamnation prononcée par ses juges fait son ignominie ; mais est-ce sur sa profession ou sur son incapacité que retombe cet affront ?
Avertissement Les passages des Pères qu'on emploie dans cet ouvrage pour montrer que la Comédie est un divertissement défendu à ceux qui font profession de la Religion Chrétienne, sont de trois sortes. […] en elle-même, elle ne serait toujours qu'un dérèglement de vanité, qui ne convient pas à ceux qui font profession du Christianisme.
Ces prêtres orgueilleux frappent de réprobation des comédiens, à raison de leur profession d’acteur de comédie, et ils feignent d’ignorer que ces citoyens sont autorisés à exercer leur art sous la protection de l’autorité ecclésiastique et séculière ; mais Dieu vous désapprouve et il vous frappera lui-même, « percutiet te Deus, paries dealbate ». […] Or, puisque nos souverains, nos lois et nos règlements de police ont fondé des théâtres et créé des comédiens auxquels ils accordent protection, salaire, pensions et honneurs, aucune puissance ecclésiastique, telle qu’elle puisse être, n’a de droits à exercer sur la profession de comédien.