Il les avertit encore de ne point s’y méprendre, en fesant adresser à Alberti ces mots pleins de délicatesse ; Ne vous retenez pas, Et prenez vos ébats.
Mais indépendamment de ces raisons générales de sagesse, ceux-mêmesj qui voudraient le plus accorder à tout le monde la lecture des Ecritures, doivent convenir qu’elle n’est pas faite pour le théâtre ; que c’est la défigurer, l’avilir, la déshonorer ; que bien loin d’en faire la nourriture de l’âme fidèle, on en fait l’amusement de la frivolité, souvent du vice et de l’impiété ; qu’au lieu de servir à la sanctification des fêtes, elle en devient la profanation ; que les Pères, en conseillant cette lecture aux âmes bien disposées, n’ont jamais entendu qu’on dût la livrer au parterre, la couper en actes, la cisailler en scènes, la travestir en comédies, la faire jouer par des hommes et des femmes sans mœurs, avec des habits, des gestes, des discours pleins de mollesse et de dissolution.
Le Parlement, toujours plein de zèle pour les bonnes mœurs et la discipline du Palais, confirma la délibération des Avocats, fit rayer du tableau le nom du sieur la Mothe, condamna le livre au feu, et fit entrer le Bâtonnier dans la chambre, pour le charger de dire à son Corps que la Cour louait son zèle, et serait toujours disposée à appuyer de son autorité le maintien de l’ordre public et de la discipline du Palais.
Mais Montaigne jugeait du goût et des idées du public par les siennes, et appelait passetemps bien réglés une liberté pareille à celle qu’il se donne dans son livre, où l’obscénité, l’irréligion et la hardiesse des sentiments sont répandues à pleines mains, et souvent d’une manière plus révoltante que dans nos comédies, dont le grand nombre est plus châtié que ses essais.
Rome est pleine de Professeurs qui enseignent cet art à une foule de disciples. […] Les anciens manuscrits à demi-effacés, pleins d’abbréviations, & difficiles à déchiffrer, produisirent des copies imprimées qui, étant multipliées, & se répandant par toute l’Europe, firent succéder le sçavoir & la politesse à l’ignorance & à la grossiereté.
Pleins de ces salutaires instructions qui doivent nous être toujours présentes, même dans la recherche de nos plaisirs, nous entrons dans une salle de spectacle, qu’y voyons-nous ? […] ) si ce n’est pas assez pour vous d’hurler, déchirez-nous à pleines dents, victimes pour la Patrie, nous trouverons un gain dans la mort même, heureux de ne pas emporter le regret d’avoir été pour vous des chiens muets, canes muti non valentes latrare .
Ils parlent de Jupiter en des termes magnifiques, et pleins de respect, et ne font qu’un tout uniforme des actions de ce Dieu et de la haute idée qu’on a généralement de lui. […] Cependant, ce Monsieur le Digne harangue Amando dans un style plein d’emphase et de pédantismebi. […] « Recevez ses froides caresses avec des bras de glace, et réservez votre flamme pour ceux qui viennent à vous pleins de flammes.
Avant que ces foyers de l’infection générale soient anéantis, il seroit aussi raisonnable de songer à purifier le sang humain, que de se flatter d’arrêter les ravages de la peste eu lui laissant une pleine liberté de répandre et de renforcer son poison.
Je veux donc que les comédiens représentent des actions pleines de générosité & de décence ; mais ce n’est-là qu’un artifice pour déguiser le poison qu’ils veulent verser dans nos ames ; nous devons être plus effrayés du danger qu’attirés par le plaisir : omnia illic seu fortia, seu honesta, proindè habe stillicidia mellis de poculo venenato, nec tanti gulam facias voluptatis quanti periculum.