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176. (1675) Traité de la dévotion « Chapitre III. De la trop grande sensibilité aux plaisirs de la terre ; troisième source de l’indévotion. » pp. 58-65

Pour moi je dis que les vertus de Théâtre sont des crimes selon l’esprit de l’Evangile ; et quand on y entendrait quelque chose de bon, il est bien souillé par l’impureté des lèvres et des imaginations à travers lesquelles il passe. […] Ce seront de belles dévotions que celles qui se feront après avoir passé la moitié de la nuit en cet exercice : La tempête a été trop grande, les flots seront longtemps agités ; l’âme tardera longtemps à se rasseoir, et encore après cela les douceurs de la dévotion ne seront pas selon son goût, parce que ce ne sont pas les plaisirs de la chair auxquels seuls elle est sensible.

177. (1752) Essai sur la comédie nouvelle « HISTOIRE DES OUVRAGES. Qui ont paru pour et contre la Comédie, depuis le 17e Siècle. » pp. 161-175

Saint Charles Borromée, qu’on veut faire passer pour un protecteur de la Comédie, a fait composer un livre particulier contre les Comédies, qui prouve qu’elles sont mauvaises à cause des circonstances qui les accompagnent, et de leurs effets, et que c’est pour cela qu’elles sont défendues. […] Cependant après plus de vingt années de silence, un particulier entreprit de justifier la Comédie par une Lettre qu’on a voulu faire passer pour une réponse faite à Boursault, auteur d’un volume de Pièces de Théâtre.

178. (1698) Mandement de Monseigneur l’Illustrissime et Révérendissime Evêque d’Arras au sujet des Tragédies qui se représentent dans les Collèges de son Diocèse [25 septembre 1698] « Mandement  » pp. 37-43

Que rien ne s’y passe dont ils ne soient instruits par avance, et dont dans la suite ils ne puissent nous être garants. […] Et il n’y a nul désordre qui ne pût passer, si la coutume qui est ordinairement pour le mal, suffisait pour l’autoriser.

179. (1588) Remontrances au roi Henri III « [Chapitre 2] » pp. 128-135

, et à la ruine des familles des pauvres artisans, desquels la salle basse est toute pleine, et lesquels plus de deux heures avant le jeu, passent leur temps en devis impudiques, en jeux de cartes et de dés, en gourmandise et ivrognerie tout publiquement, d’où viennent plusieurs querelles et batteriesc. […] La loi dit tit. de feriis au Cod. qu’il n’est point permis de passer le jour de la fête en aucune volupté : et l’Empereur auteur de cette Loi le défend expressément : d’où il apperti que aller et assister aux jeux et spectacles le jour de la fête, est transgresser les lois divines et humaines : ce n’est donc pas un plaisir honnête.

180. (1671) Lettre d’un ecclésiastique à un de ses Amis « letter » pp. 472-482

On représente sur le Théâtre des Histoires, dont les unes sont inventées à plaisir, et tirées des Romans : les autres sont prises dans les livres de ceux qui ont écrit ce qui s’est passé de plus mémorable dans le cours des siècles. […] C’est dans ces pièces que les vices qui ont de l’éclat, et qui ont déshonoré les Princes qui les ont eus, sont élevés au-dessus des vertus abattues sous leurs pieds : que l’impudicité est appelée chasteté, et qu’elle passe pour telle dans une fille qui n’a qu’un amant, et qui lui abandonne son cœur et son corps sans lui donner de rival. […] [Proverbes de Salomon, chap. 5], la recherchent pour se divertir, peuvent-ils passer pour innocents devant Dieu et devant le Tribunal de leur propre conscience ? […] Je me contenterais de vous faire remarquer qu’il ne proscrit pas ces Spectacles du Christianisme, seulement comme ayant leur source dans idolâtrie, qui faisait de ces actions profanes des sacrifices à leurs fausses divinités : où comme s’il ne s’y passait rien qui ne fût contraire à l’humanité naturelle, à l’homme qui abhorre le sang : Mais comme des pompes du Diable, auxquelles nous avons renoncé entrant dans l’Église par le Baptême, et devenant membres de Jésus-Christ, qui a fait profession au nom de tous ses enfants de n’être point du monde : et comme des nourrices des mauvais désirs qui sont les sources fécondes de tous les péchés.

181. (1697) Histoire de la Comédie et de l’Opéra « HISTOIRE ET ABREGE DES OUVRAGES LATIN, ITALIEN ET FRANCAIS, POUR ET CONTRE LA COMÉDIE ET L’OPERA — CHAPITRE II. » pp. 19-41

Des Auteurs Thomistes, il passe aux Jésuites, et il cite Sanchezk, Livre 9.e disp. 46. n. 42. […] Dans la première, l’Auteur examine si les Comédies de ce siècle peuvent passer pour honnêtes. Il commence par la définition des Comédies déshonnêtes : Ce sont celles, dit-il, où les hommes et les femmes s’entretiennent des intrigues d’amour, dansent au son des chansons les plus tendres, et donnent publiquement des leçons d’un crime qu’on n’ose commettre qu’en secret, tant ce crime est honteux : les entretiens n’en peuvent donc pas passer pour honnêtes ; et quoique la corruption du siècle les tolère, ils n’en sont pas moins criminels. […]  » Ces jeux-là seulement peuvent passer pour honnêtes, dans lesquels on ne voit pas paraître de femmes, où il n’y a rien qui puisse donner de mauvaises pensées, ni réveiller ou exciter un amour déréglé.

182. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre III.  » pp. 68-96

Il falut faire passer tous les tems en revue, le passé, le présent, l’avenir, & toutes les avantures passées & futures. […] Les graces & la beauté n’ont point de privilége : elles sont plus journalieres que tout le reste, & passent plus rapidement : il faut bien qu’on leur trouve ce défaut, puisqu’on a si souvent besoin de les recrepir. […] Non, le portrait est chargé, ces horreurs ne seroient pas souffertes, & tout le crédit de ces grandes Princesses ne les sauveroit pas de la corde ; mais se livre au libertinage, suivre les amans contre la volonté de la famille, passer sa vie dans des mauvais commerces, vivre soi-même, & entretenir ses amans dans un célibat & une débauche volontairement sterile, réduire par les enchantemens, c’est-à-dire, par tous les charmes que peuvent prêter l’art & la nature ; enlever la toison d’or, c’est-à-dire, la bource à ses adorateurs ; à ces traits qui ne sont pas chargés, le public sans s’y méprendre, reconnoît aisément les nouvelles Médées : au reste, les rôles de Medée sont si communs sur le théatre, qu’il n’est pas étonnant qu’en s’y familiarisant, on les réalise. […] Une année se passe dans cet exercice de vertu, & les excès du vice : on se lasse enfin de tout, même du plaisir. […] Il se reveille de son long sommeil, & pour en bien profiter ils passent tout le jour à table : le lendemain ils se préparent au départ, & enfin s’embarquent.

183. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre V. Du Faste. » pp. 154-183

Mais passer les bornes de cette gradation, aspirer à tout ce qui est de plus brillant, prodiguer les bijoux pour en faire un fastueux étalage, en nourrir sa vanité, se repaître de cette grandeur imaginaire, s’en croire fort supérieur à ses semblables, en prendre droit de les mépriser, de les opprimer, d’en exiger des adorations & des bassesses ; c’est un orgueil & une tyrannie contre laquelle la Religion, la raison, l’humanité ont toujours réclamé, & qu’aucun prétexte n’autorise. Le théatre fut toujours coupable de ces excès, il étale le plus grand faste, il en entretient le goût ; la simplicité & la modestie y sont des vertus inconnues, & y passent pour des vices chez les amateurs. […] Un petit maître a eu la direction de mon habit, il l’a fait faire sur le modèle du sien qui passe pour un chef-d’œuvre ; il m’a protesté qu’il a revé plus d’un mois à la seule façon des manches, & que le reste l’avoit occupé tout l’Été : vous avez donc lui ai-je dit, bien peu d’affaires, puisque vous consumez tant de temps à de pareilles bagatelles. […] Ce style est suranné, ces expressions passent aujourd’hui pour basses, mais il a de l’éloquence, de la force, de la vérité, le livre d’où ce trait est pris a joui de la plus grande réputation, couru de la Cour & de la ville, imprimé plusieurs fois, traduit en toutes les langues vivantes ; on ne le lit plus aujourd’hui. […] Dans Judith ils sont criminels, Holopherne par pure débauche en devient amoureux, veut en abuser, lui fait demander & obtient son consentement, la fait enfermer dans sa tente pour passer la nuit avec elle, elle y couroit les plus grands risques ; heureusement pour Judith l’ivresse suspend ses poursuites, elle profite de ce moment pour lui couper la tête.

184. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 7 « Réflexions sur le théâtre, vol 7 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SEPTIÈME. — CHAPITRE VI. Suite de la Danse. » pp. 140-167

Tout s’est évanoui comme un songe, tout a passé comme une ombre, dit le Sage ; que nous reste-t-il de ces folies, de cette magnificence, de ces mascarades ? […] Un usage toléré borne mal à propos ces loix au temps du service divin ; on ferme les yeux sur ce qui se passe après les offices, comme si toute la journée n’étoit pas consacrée à Dieu, & destinée à de bonnes œuvres ; comme si les préparatifs n’emportoient pas le temps du service, & n’empêchoient pas même d’y aller. […] Il ont en main la timballe & la harpe ; ils se réjouissent au son de l’orgue, ils passent leurs jours dans le plaisir, & tombent dans un moment en enfer : Ducunt in bonis dies suos, & in puncto ad inferos descendunt. […] Les heures entieres, les jours & les nuits s’y passent ; les affaires vaquent, les études souffrent, tout en est dérangé ; la fatigue est extrême, les dépenses énormes, & pour ceux qui donnent le bal, & pour ceux qui s’y rendent. […] L’homme a tant d’affaires importantes, de devoirs à remplir, de péchés à expier, de bonnes œuvres à faire, de pièges à éviter, d’ennemis à combattre, peut-il passer les jours à cabrioler ?

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