Paul appelle la figure, & le dehors éclatant du monde, qui ne paroît jamais avec plus de charmes, que dans ces spectacles dont nous parlons ? […] Que si l’on s’est quelquefois avisé de faire paroître sur la scene des Martyrs ; au lieu de leur donner des sentimens Chrétiens, on les a rendus profanes, en y mêlant tant d’intrigues d’amour, tant de sentiment d’ambition, tant de fierté & d’orgueil, qu’on pourroit dire que ce sont des Martyrs qui parlent en Payens. […] Certes si vous en jugez autrement, c’est la passion que vous avez pour ces sortes de spectacles, qui vous fait fermer les yeux au danger present ; & je ne doute point que vous n’en portassiez tout un autre jugement, si je pouvois vous découvrir un autre spectacle, plus triste, & plus lugubre, qui est ce qui se passe dans le cœur de ceux qui sortent de ces assemblées, l’esprit rempli de ce qu’ils ont vû & entendu, qui approuvent la vengeance, qu’on leur a fait paroître si juste, qui entrent dans les sentimens d’orgueil & d’ambition, qu’on leur a fait passer pour une grandeur d’ame, & sur tout, qui sont touchez des disgraces d’un Amant maltraité d’une personne fiere, qui n’a pas répondu aux vœux ni aux soins de celuy qui luy a marqué une fidelité, & un attachement si inviolable, ainsi que Saint Augustin le témoigne de luy-même ; on donne des larmes à son infortune, & une feinte passion vivement representée, ne manque guere d’en inspirer une veritable.
Il parut en 1762, une histoire abregée, dit-t-on, du Port Royal, par Racine ; on fait dire à Boileau que c’est le plus parfait morceau d’histoire que nous ayons dans notre langue . […] Erasme ne croyoit pas pouvoir mieux ridiculiser les protestants, qu’en les comparant à des comédiens, & parlant d’Æcolampade, qui, comme Luther, s’étoit marié, quoique Prêtre, dit plaisamment, c’est ainsi que le réformateur veut mortifier sa chair ; on a beau dire que le lutheranisme est une chose tragique ; pour moi rien ne me paroît plus comique, ou si l’on veut, tragicomique ; le dénouement de la piéce est toujours un mariage, comme dans les comédies . […] 1769, traite fort bien cette idée neuve qui paroît vraie.
Une actrice célebre, par plus d’un talent, au moment de la piéce où elle alloit jouer un grand rôle, au lieu de s’en occuper, étoit à sa toilette à se farder, penfant uniquement à relever ses charmes, par tout l’art de la coquetterie ; on lui représenta qu’elle devoit se préparer à jouer son personnage : bon, bon, dit-elle, le premier, le plus important personnage d’une actrice, est de paroître jolie, il fait le prix de tous les autres. […] Phriné qui n’avoit point artisé ses couleurs, parut & étoit en effet la plus belle & la seule belle. […] Une femme est réellement, & se croit une idôle, dont tout adore les charmes ; elle est sa premiere & sa plus dévote adoratrice, & prêtresse ; son autel est son miroir, & son image l’objet de ses transports réligieux, elle en attend d’aussi vifs de tous ceux qui la voient, & pour les obtenir elle épuise tout ce qu’elle croit pouvoir l’embellir, & le fard lui en paroît un moyen assuré ; l’idolâtrie de son côté, croyoit ne pouvoir mieux honorer ses Dieux, qu’en les embéllissant, les fardant, les enluminant comme les femmes.
19, n’approuve point, à la vérité, ce genre de comédie, par une raison littéraire, s’il paroît quelque observation qui blesse l’amour propre des auteurs, ils courent aux armes ; que seroit-ce, si on exposoit leurs fautes, leurs vices, leurs foiblesses sur le théatre ? […] Un entr’autres y a fait aller toute sa paranté, & a payé pour plusieurs, il n’a pourtant pas osé y paroître lui-même ; il donne sa Société pour garant, il se trompe. […] Le Procureur du Roi ne pourra paroître sur le theatre, ni assister à la comédie, & il ira passer trois mois à planter des choux, & mener la vie pastorale avec ses chevres & ses moutons, de quoi il portera un certificat en bonne & due forme, signé du Curé & du Juge de la Paroisse, après quoi ils pourront revenir chez eux, mais non pas se trouver dans les compagnies avec Lesdites Dames offensées, & seront tenus de se retirer quand elles entreront, & défense à eux sous des plus grieves peines, de faire ni de chanter jamais de pareilles chansons, contraires à l’honneur des Dames & des Evéques.
Une femme Professeur, comme il y en a deux en Italie, est un prodige : embarrassées par modestie, déconcertées par timidité, elles ne peuvent soutenir les regards d’un auditoire, & ne sont pas faites pour paroître en public. […] Le progrès du théatre sur les femmes est si grand, que par le catalogue des trois théatres & des foires, qu’on trouve dans le calendrier des spectacles, il paroît que dans Paris seul il y a deux cents cinquante femme employées, autant de servantes & femmes de chambre, & une multitude d’ouvrieres, de sorte qu’on peut compter dans la capitale un corps de cinq cents femmes destinées au public, & dont en effet le public jouit. […] Avec quel éclat elle auroit paru sur la scène Polonoise !
Le Soldat mesme portoit des Couronnes : & ceux qui avoient fait quelque action éclatante, en avoient & en faisoient paroître les recompenses obtenuës, ou du moins meritées. […] Il ne reste guerre plus à mon avis de choses à dire sur ces fameux Spectacles des Triomphes Romains, & j’ay tâché de ramasser de toutes parts tout ce qui m’a paru pratiqué par les Anciens, & admiré par les Modernes. […] Le docte Lipse nous a délivré d’une grande partie de toutes ces difficultez, selon sa supputation, & le Triomphe de Paul Æmile valut au sise, ou du moins il y fit paroître la valeur de 6000.
Les François parurent avoir oublié qu’ils étoient des êtres pensans, obligés de cultiver leur raison, & de s’occuper de choses sensées, pour s’abandonner entiérement à de vaines imaginations, & à tout ce qui caractérise l’enfance. […] Si cette derniere nous paroît aujourd’hui plus conjecturale, c’est qu’elle a été beaucoup moins cultivée parmi nous.
ne paraissez pas plus marcher sur les traces de ces hommes ombrageux et aveuglés par leur passion ; modérez la fougue de vos sentiments tendres, repoussez par un air calme les méchants et leurs propos malins, ne vous faites pas remarquer, ne vous affichez point par des plaintes éclatantes, ou des démarches insensées, ne laissez même pas apercevoir vos inquiétudes, si vous en avez ; mais faites avec prudence tout ce qui dépend de vous pour prévenir le mal ; soutenez la faiblesse de votre épouse contre les séductions qui l’entourent, écartez tout doucement les dangers qui la menacent, encouragez-la, répétez lui souvent que sa vertu vous est bien chère, qu’elle fait votre bonheur, comme elle vous porte à faire le sien, ce que vous devez lui prouver par vos bons procédés, et puis observez-la silencieusement, croyez à son innocence jusqu’à ce que vous ayiez acquis la preuve certaine de votre malheur, que, selon les circonstances, en homme sage, vous dévorez encore secrètement, et vous ne serez jamais regardé comme un jaloux ; parce que vous n’en aurez aucune apparence. […] Si ces observateurs, ne voyant pas bien que le tartufe dont il s’agit est en même temps tartufe de religion et de mœurs, que compromettre en le mettant en spectacle les vertus chrétiennes, ce fut aussi compromettre les autres vertus sociales qu’il avait besoin d’affecter aussi et qu’il affectait également, persistaient à croire que cette satire, qui ne regardait que les hypocrites de religion, n’a pu contribuer si puissamment à la démoralisation générale ; sans entreprendre de démontrer une seconde fois une vérité qui me paraît évidente, il suffirait à ma thèse de leur rappeler que la Criticomanie, comme pour consommer l’ouvrage du premier tartufe, nous en a donné plusieurs subsidiaires, et nommément un tartufe de mœurs ; personnage presque tout imaginaire, composé de différents caractères, de vices incompatibles, ou phénomène dans la société, auquel, au reste, on doit appliquer ce que j’ai dit de l’autre, fût-il même regardé comme un tableau fidèle, parce qu’il n’a été propre aussi qu’à faire triompher et rire le parti alors plus nombreux des hommes sans masques, et des femmes au courant, qui ne faisaient pas tant de façons, ainsi qu’à réchauffer leur bile et renouveler leur pouvoir, qui commençait à vieillir, de faire naître les défiances, et des soupçons injustes contre les personnes, et de travestir avec succès les meilleures actions.
Corneille parut, tous les obstacles furent surmontés.