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149. (1744) Dissertation épistolaire sur la Comedie « Dissertation Epistolaire sur la Comedie. — Reponse à la Lettre précedente. » pp. 19-42

C’est la demande de l’eloquent Salvien, qui y ajoute : « Si Dieu daigne vous regarder quand vous vous trouvez à la Comedie, il doit par une suite necessaire se plaire aux choses qui s’y passent : mais puisqu’il en detourne les yeux, il les detournera aussi de vous. » Mais je veux qu’une personne soit de bronse ; & qu’au milieu du feu elle n’en sente aucune affection, aucun mouvement qui l’amollisse : cependant c’est cette prétenduë insensibilité qui est la plus vaine illusion, & en quoi consiste son mal : car la vanité, cette dangereuse passion, qui s’attache aux plaisirs du monde, fera du progrés, qu’elle n’appercevera pas d’abord, mais qui ne deviendra ensuite que trop sensible par l’insensibilité, qu’elle aura bientôt à tous les mouvemens d’une devotion chrétienne. […] Qu’une Dame, dont la malheureuse tâche est de se faire aimer jusqu’à la passion, qui n’est pas honteuse de permettre cent legéres libertés ; qu’une Dame, dont les yeux, les paroles, les habits, l’air vain & coquet cinquante fois par jour étudié au miroir montrent, qu’elle n’a aucun soin de son salut, aille à la Comedie : elle ne sera coupable que de ses propres pechés : mais celles, que vous me peignez en vôtre lettre, ont assez de reputation de vertu, pour servir par leur exemple de prétexte aux autres, qui s’exposent évidemment au peché : & par consequent on ne peut plus doûter qu’elles ne pechent, quand elles vont à la Comedie ; & que les Anges Gardiens des personnes, auxquelles elles auront été une occasion de chute, n’en demandent un jour vengeance à la Justice Divine. […] Pour l’amour de vous, Seigneur, je m’habillerai à la mode, d’une maniere molle, qui fait baisser les yeux à des ames innocentes ; & d’une maniere superbe, pour m’attirer les yeux. […] Une Fille qui vit dans les delices, est déjà morte : elle est vivante en apparence, & morte en effet : vivante aux yeux des hommes, morte devant Dieu : elle a la vie des sens, mais elle n’a point la vie de la grace, elle n’aura jamais la vie de la gloire.

150. (1758) Lettre à M. Rousseau pp. 1-42

Avez-vous toujours attendu le calme du sang, le retour de la circulation, pour porter sur les hommes ces yeux qui verraient si bien, si l’esprit, les connaissances et la réflexion suffisaient, dans tous les cas, pour faire l’homme que vous croyez être, quand vous nous condamnez ? […] Les femmes… A ce nom, le cœur s’attendrit, les oreilles s’ouvrent pour recevoir un son agréable, l’esprit s’éclaire et s’étend, … la vérité et le plaisir brillent devant vous, et leur flambeau vous montre le bonheur uni à la raison dans les plus beaux yeux du monde. […] Il prend envie de croire que le vrai bonheur, le véritable amour, consiste à avoir les yeux fermés auprès de ce qu’on aime, à n’oser regarder ses charmes, à se priver d’un plaisir, pour un plaisir plus grand, quand on a lu des maximes si nobles, si pures et si séduisantes. […] Leur nombre double, à ses yeux, par l’opinion qu’il a de leur imposture. […] Cependant l’inconnue avait des yeux charmants, un son de voix digne de passer au cœur, un teint plus vrai, plus éblouissant que l’éclat des roses, une gorge telle qu’on en imagine à l’aurore naissante ; et la vérité, cette vérité, plus touchante que les graces, plus persuasive que l’esprit, se peignait dans ses regards, dans ses mouvements, dans son silence.

151. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — LETTRE IX. » pp. 158-170

Bossuet1, a été le témoin oculaire des regrets de Quinault, Racine ouvrit les yeux au milieu de sa carriere, on a regardé sa retraite comme un vain scrupule ; c’étoit plutôt un retour de sa foi éclipsée ; il comprit qu’on ne sçauroit la concilier avec les sentimens & la profession de ceux qui travaillent pour le Théâtre. […] Je ne connois pas, Mademoiselle, l’état de votre fortune, mais avec autant de célébrité que vous en avez acquise, il n’est pas à présumer qu’une sage retraite vous laissât sans ressource : dans la supposition qu’elle fût suivie de la plus triste indigence, c’est un malheur qui doit moins vous effrayer que votre situation presente ; le Théâtre est un œil qui vous scandalise, vous devez l’arracher1, c’est un pied qui vous porte au péché, vous devez le couper ; car il n’est pas raisonnable de sacrifier la vertu aux richesses, & toutes les douceurs de cette vie sont un très-petit objet, au prix du bonheur de l’autre.

152. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 2 « Livre second. » pp. 2-7

Ils n’ont pas moins reçu l’épée pour frapper le coupable, que la balance pour peser les droits de l’innocent, et le bandeau sur les yeux pour ne faire acception de personne. […] L’Evangile, si opposé à ses goûts et à ses idées, doit naturellement être à ses yeux une barbarie gothique.

153. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 3 « Chapitre VIII. Assertions du Théâtre sur le tyrannicide. » pp. 130-174

Ces Dieux ne sont, il est vrai, que des idoles, aux yeux des Chrétiens ; mais aux yeux des Romains c’étaient des Dieux véritables. […] Sont-ce là des leçons et des exemples à mettre sous les yeux du public ? […] ose-t-on la représenter aux yeux des Magistrats ? […] pourquoi aller chercher ces sujets, et étaler aux yeux du public ce qui ne saurait être trop profondément enseveli dans les ténèbres ? […] Un Tyran à mes yeux ne vaut pas un esclave.

154. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-huitieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre V. Procès des Comédiens. » pp. 169-224

Vous plaisez à Gernance : eh bien, tout est au mieux, L’amour avoit son but quand il forma vos yeux. […] Ceux qui veulent qu’on mette la nature brute sous leurs yeux, ne voudroient pas qu’on donnât le ton de la bonne compagnie à la plus mauvaise. […] N’as-tu pas, dans leurs yeux chargés de jalousie, vu le secret dépit dont leur ame est saisie ? […] L’hymen n’auroit jamais trouvé grace à mes yeux. […] Il composa successivement six pieces de Théatre, qu’il porta d’abord sous l’œil du public.

155. (1685) Dixiéme sermon. Troisiéme obstacle du salut. Les spectacles publiques [Pharaon reprouvé] « La volonté patiente de Dieu envers Pharaon rebelle. Dixiéme sermon. » pp. 286-325

Ne nous arrêtons point icy M. à la decoration exterieure du theatre, qui ne represente rien que de profane aux yeux ; examinons la comedie dans son fond, & faisons une espece de dissection anathomique de sa nature, de ses circonstances & de ses representations. […] N’est-il pas veritable que c’est dans la comedie où le monde a ramassé tous les charmes & tout l’éclat de ses autres pompes, pour ébloüir vos yeux, pour enchanter vos oreilles, & pour fasciner tous vos autres sens. […] Et par consequent si Iesus-Christ nous commande d’arracher nos yeux lors qu’ils nous scandalisent, c’est à dire lors qu’ils nous sont occasion de peché par leurs mauvais regards ? Quoy Messieurs, & mes Dames, ne devez-vous pas de deux choses l’une, ou renoncer à l’Evangile, ou vous arracher les yeux, puisque tout ce qu’ils voyent sur le theatre & à la comedie, leur est une pierre de scandale, & une occasion de peché. […] Enfin, erubescant ordines omnes, que tous ceux qui font profession de pieté & de Christianisme, rougissent de ce que des yeux qui ne devroient contempler que le Ciel, ou pleurer leurs crimes, s’ouvrent pour contempler de foles & dangereuses representations, qui leur font commettre de nouveaux crimes.

156. (1766) Réflexions sur le théâtre, vol 5 « Réflexions sur le théâtre, vol 5 — REFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE CINQUIÈME. — CHAPITRE IX. Spectacles de la Religion. » pp. 180-195

Quelle doit être cette gloire que l’œil n’a jamais vûe, que l’oreille n’a point entendue, que l’esprit de l’homme ne sauroit comprendre ! […] Dieu se plaît, pour ainsi dire, à prendre le pinceau pour former à nos yeux des traits dont n’approchèrent jamais les crayons de Raphaël & de Michel-Ange. […] Vous n’avez besoin pour le voir, ni des yeux du corps, ni des largesses d’un Consul. […] Cyprien, sans attendre ceux que l’heureuse éternité doit étaler à vos yeux, le monde vous offre le plus admirable.

157. (1603) La première atteinte contre ceux qui accusent les comédies « Sonnet à la Seignore Isabelle, sur son voyage à Monceaux »

Sonnet à la Seignore Isabelle, sur son voyage à Monceauxac Sans l’air de vos Zéphyrs, je languis et me pâme, De ce qu’un sort cruel me prive de vos yeux : Isabelle, mon cœur, que ses rais gracieux Avivent le saint feu qui sans cesse m’enflamme.

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