Nous y mêlerons bien des traits sur l’histoire ancienne et moderne des spectacles, et nous ne négligerons pas la partie littéraire.
Dans la seconde Partie de cette Note, je dois revenir aux Grecs ; & donner la comparaison de l’établissement du Dramatisme parmi eux, avec sa renaissance chez les Modernes. […] Nous pourrions en donner ici les raisons, mais elles trouveront leur place plus à propos dans l’Etat des Acteurs chez les Nations modernes. […] Etat des Acteurs chez les Nations modernes. […] Elle est produite comme elle ; bientôt elle est étouffée par la Farce : des Thespis modernes inventent un genre burlesque & satyrique1. […] C’est ici où l’on doit convenir que le Paganisme était bien plus favorable à la Poésie & aux Arts, tels que le Dramatisme, la Musique, la Danse, la Sculpture, la Peinture, que les Religions modernes.
Un des députés me dit : les pieces modernes sont si mauvaises, que sans les ballets la plûpart tomberoient. […] Agamemnon a le défaut de plusieurs de nos piéces modernes. […] L’amour régne dans les plus sévéres ; dans Polieucte même, (il n’a pas osé dire pieuses) il se mêle aux affaites d’état, aux conspirations, aux intérêts les plus terribles, ce qui donne à la tragédie moderne un air de galanterie, une allure efféminée qu’on n’a point à reprocher aux tragiques Grecs : les mœurs de nos tragédies sont efféminées, donnant à Melpomene la ceinture de Vénus.
Pour donner aux dieux, aux héros, aux princes les habits qui leur sont propres, il faut que le Tailleur costumier possede à fond la Mythologie, l’Histoire sacrée & profâne, ancienne & moderne, les mœurs, les usages, les modes de tous les peuples & de tous les siecles, les couleurs de chaque nation d’un pole à l’autre, sur-tout l’Histoire de France, les coutumes, les modes, les toilettes, depuis Pharamond jusqu’à Louis XVI : ce qui n’est pas une petite étude. […] Ces héros modernes ne valent pas mieux ; ils sont aussi vicieux, plus irréligieux, & le Christanisme dont ils font profession, les rend bien plus criminels & plus scandaleux, pour des Chrétiens qui lisent ou voient représenter leurs passions. Ils sont même défigurés ; & pour les mettre sur le ton de la philosophie moderne, dont ce Poëte est le chef, son poëme les fait plus méchans qu’ils n’étoient.
La comédie & la tragedie mettent toujours l’amour en jeu : mais le spectacle moderne, c’est à-dire le Théatre Italien7, met dans ses Opéra-bouffons, dans ses Comédies en ariettes, l’indécence en action. […] On nous dit chaque jour que le théatre épuré par le goût & la décence, est devenu pour les modernes, une école de mœurs.
Quoi qu’il en soit de la modestie moderne sur la galanterie, il est du moins de notoriété que notre siecle n’est pas converti sur la médisance : presque point de piece nouvelle où il n’y ait des traits malins contre quelqu’un. […] Comment le théatre moderne se prescriroit-il des règles de modestie & de charité plus sévères que Moliere ?
Le gouvernement sage des Nations modernes n’a jamais souffert sur nos Théâtres des Drames licencieux comme ceux d’Aristophane & de ses Prédécesseurs ; ni de Danses comme ces Pyrrhiques obscènes, si courues des Romains. […] Mais, avec quel avantage n’établit-on pas l’utilité morale de nos Spectacles, s’il est certain, que le but de la plupart des Pièces modernes, est de nous peindre la Vertu toujours aimable, & de rendre le vice toujours odieux ?
Qu’on ne me dise plus, que l’application de la Comedie du tems de ces Peres à celle qui se représente aujourd’hui, ne soit pas juste : car en outre que j’en ai montré la justesse, les personnes, qui ont eu le malheur de frequenter la Comedie moderne, l’appellent aussi bien « une école de libertinage & de vanité », que ces Saints l’appellerent de leur tems. […] « Toute représentation est par sa nature criminelle & peché, où les représentans se servent des paroles, ou font des gestes contraires à la pureté, ou des choses, qui puissent nuire au prochain. » Ce seroit ne pas connoître le genie du theatre moderne, que de soûrenir qu’on n’y dit jamais de ces paroles équivoques, qui fassent rougir la pudeur : & qu’on n’y voit jamais des gestes que l’honnéreté chrétienne ne souffre pas, & que cependant l’Ange de l’Ecole veut qu’on bannisse de tout divertissement.
Peinture modernes, épris d’une sotte vénération pour les anciens, n’ayent fait servir leurs pinceaux qu’à copier leurs tableaux.