S’il m’arrive quelquefois de désigner ses Drames sous l’épithète de bouffons, ce n’est pas que je ne sçache qu’on peut m’en montrer plusieurs qui ne la méritent pas ; mais en général c’est le nom qui convient le mieux à ce Spectacle frivole & plaisant, à la manière dont ses Drames sont traités, & au genre qui le caractérise.
Que vous me paraissez injuste, je ne dis pas, de cesser de la préférer ; vous la préférez Monsieur : mais en voulant me tromper, moi, qui ne le méritais pas, qui vous distinguais, que vous aviez su rendre sensible ?
Qu’on le prenne comme un amusement frivole, ou qu’on le regarde comme une instruction utile, on peut également l’estimer ou le mépriser, sans mériter ni louange ni blâme.
Pour les mysteres qu’une dévotion simple & grossiere avoit établie, qu’un corps de confreres comédiens représentoit, outre que c’étoit un objet très-borné, un spectacle momentanée qui revenoit très-rarement, qui n’eût d’abord rien de mauvais, où l’histoire maussadement défigurée, ne pouvoit plaire à des gens d’esprit, ni par le ton de piété aux libertins ; d’ailleurs dès qu’on vit ce pitoyable spectacle dégénérer en licence, & confondre monstrueusement la Réligion & le vice : on n’eut point besoin de loix & de décisions, ils deviennent l’objet du mépris qu’ils méritent. […] Les gens de bien sont indignés de la seule proposition de permettre la comédie, & de soustraire les comédiens aux censures ecclésiastiques, si authentiquement prononcées par l’Eglise, & toujours plus méritées. […] Ce n’est pas seulement par l’immodestie grossiere des nudités des personnes, du fard, des attitudes dont le théatre ne fut & ne sera jamais exempt ; & par l’immodestie voilée des équivoques ou des peintures gazées, adroitement nuancées, dont il se fait un mérité, que les acteurs & les actrices attaquent la pudeur, & exposent l’innocence ; c’est encore par l’aveu, le détail, la peinture des foiblesses du cœur, des désordres de la vie, racontés même avec horreur. […] Le théatre méritoit d’avoir un tel fondateur.
Toutes ces folies méritent-elles qu’on en parle ? […] mériteront-elles moins les anathèmes de tous les gens de bien ? […] On leur a tantôt donné un corps d’oiseau, tantôt un corps de poisson ; leur mère Terpsichore, qui les avoit si bien formées, & qui étoit elle-même si habile danseuse, méritoit bien les honneurs du Parnasse. […] Ils furent exclus du Sénat, & eurent la bassesse de se consoler de cette flétrissure, parce qu’elle leur acquéroit le droit de continuer impunément de la mériter.
Votre Majesté , lui dit-il, mérité tous les éloges qu’on lui donne, mais je suis surpris qu’elle les laisse prononcer par des faquins qui ne méritent pas qu’on les écoute. […] Le théatre à son tour ne fut pas en reste, ce sage Mentor y étoit infiniment haï & méritoit de l’être. […] Ce Prince devoit au public, & se devoit à lui-même de ne pas aller à la comédie, encore moins devoit-il honorer de sa presence une pièce qui le méritoit moins qu’une autre ? […] Ce désordre mérité au comble dans les deux Royaumes, en est un des plus grands.
C’étoit un matérialiste déclaré, un blasphémateur, un athée, qui ne méritoit que le feu, à moins qu’on ne le renfermât dans les petites-maisons par grace. […] Gebelin ne doit point en souffrir, ses immenses recherches n’en méritent pas moins la reconnoissance du public. […] Quoique la Reine fut présente, on s’apperçut que c’étoient les doubles qui jouoient, & non les premiers acteurs : cette négligence, regardée comme un manque de respect, méritoit l’animadversion. […] Des fables bien faites sont utiles au public, elles présentent des vérités de morale d’une maniere agréable ; Esope, Phedre, Lafontaine & les autres fabulistes, même médiocres, méritent des éloges. […] Comment donc l’auteur, dans un ouvrage composé avec tant de soin, comment ce tribunal suprême, dans un examen fait avec tant d’exactitude, ont-ils pu ne pas appercevoir ou laisser volontairement la matiere d’une condamnation si méritée ?
Les applaudissements que les Auteurs s’efforcent de mériter, sont ordinairement ceux qui peuvent leur rapporter une réputation de bonnes mœurs et de vertu, parce qu’elle est la seule qui donne de la considération. Si la Pièce nous arrache des larmes, ou de pitié pour un innocent malheureux, ou de joie pour un opprimé qui triomphe ; si elle peint dignement quelque vertu ; si elle inspire de l’horreur pour quelque vice, elle aura les applaudissements qui lui sont dus ; les Acteurs jouiront de ceux qu’ils méritent ; le Spectateur lui-même s’applaudira d’avoir été sensible.
Voyons si nous ne méritons pas un titre moins odieux, en examinant vos austeres paradoxes. […] Vous avez de singulieres idées du prix attaché à la qualité d’honnête homme, pour vous croire permis d’en dépouiller aussi légerement, sur la foi d’un préjugé frivole, des gens dont la conduite avec vous paroissoit mériter un jugement plus favorable. […] Mais cette crainte dans une ame généreuse cede au desir de se rendre utile à ses concitoyens, & de mériter par ses travaux le prix de l’approbation & de l’estime publique. […] Un Orateur à Rome gratifié pour soutenir le droit de ses parties, par conséquent aussi peu desintéressé que le Comédien, qui représentoit, ainsi que lui, des passions qui n’étoient pas les siennes, pour persuader ses juges, & les déterminer à favoriser une prétention quelquefois légitime, quelquefois injuste, & le plus souvent problématique, qui s’exposoit en public, qui payoit de sa personne, qui couroit le même risque que le Comédien, dont la réputation n’étoit fondée que sur ses succès, ambitionnant les applaudissemens, & redoutant le blâme public, en méritoit-t-il moins l’estime ? […] Les voit-on mériter davantage l’attention des interpretes des loix, dictées pour réprimer les attentats contre la société ?