C’est de ces lieux sinistres qu’il s’exhale sans cesse un air pestilentiel : Dont la seule vapeur fait perdre la raison. […] La jeunesse va dans ces lieux de débauche, le sacrifier à la poursuite de jouissances momentanées, de plaisirs dangereux. […] Regardez la plupart des jeunes gens qui entrent dans ces lieux : haves, secs & décharnés, ils ressemblent à des Spectres ambulans. […] Enfin, le lieu de la Scene, le choix des Pieces, l’honnêteté des Spectateurs font, au moins extérieurement, de nos Salles, des écoles de probité, de goût & de bonnes mœurs, tandis que le lieu, les Pieces, & la société font, des Salles du Rempart, des écoles de mauvais goût, de libertinage & d’infamie. […] Pour quelques garnemens que l’on peut arrêter au sortir de ces lieux, ce qui, sans doute, est un bien, à quels dangers n’expose-t-on pas la jeunesse qui les fréquente ?
Ce spectacle est adopté en Allemagne comme en France, d’abord pour contribuer à l’éducation de la jeunesse ; en second lieu pour occuper pendant deux ou trois heures du jour des libertins qui pourraient employer mal le temps qu’ils donnent à cet amusement ; en troisième lieu pour procurer un amusement honnête à des gens sages qui, fatigués de l’application que leurs emplois exigent, ont besoin de ranimer les forces de leur esprit par un délassement utile à l’esprit même. […] Molière a montré qu’on pouvait être aussi amusant que Plaute, aussi spirituel que Térence sans choquer la bienséance, c’est ainsi que le Théâtre Français peut se glorifier d’être devenu un spectacle digne de tous les hommes, puisqu’il a acquis le degré de perfection qui le rend utile à tous, au lieu que les spectacles des autres nations ne sont bons que pour elles-mêmes et seront toujours bornés à ne plaire qu’à chacune en particulier, tant que les règles établies par Aristote et respectées des seuls Français n’auront pas acquis le crédit qu’elles méritent dans l’esprit des Dramatiques de toutes les nations, et que ceux-ci ne s’attacheront pas comme les Auteurs Français à se rendre utiles, encore plus qu’agréables. […] En troisième lieu les Comédiens sont des gens sans mœurs, il n’est pas possible qu’ils en aient, leur état s’y oppose, et vous ne seriez pas surpris qu’ils fussent des fripons parce qu’ils en jouent souvent le rôle au Théâtre. En quatrième lieu, nouveau Jonas, vous prédisez la corruption des mœurs de Genève et sa ruine, comme le Prophète a prédit celle de Ninive.
Qu’on ne me dise point que c’est parce que les derniers jouent par intérêt, et pour en retirer du profit, au lieu que tous les autres ne le font que pour leur divertissement ; car cette raison fait pitié. […] Quoi, disais-je en moi- même, si l’on invitait les gens à quelque mauvaise action, à se trouver en des lieux infâmes, ou bien à manger de la viande les jours qui nous sont défendus, etc. […] Thomas veut qu’il y ait dans nos jeux, consiste à prendre garde aux circonstances des temps, des lieux et des personnes. […] On ne peut nier que ces sortes de fêtes ne blessent assurément la pureté des lieux consacrés à la sainteté même. […] On ne contrevient point en France aux Canons qui défendent de dresser des Théâtres dans les Eglises, et l’on aurait horreur de jouer des Comédies dans ces Lieux Saints : on a des Théâtres publics propres à cet usage, et la circonstance des lieux y est gardée, aussi bien que celle des personnes.
Il s’ensuit, Monsievr, que toutes fortes d’ornemens ne font pas bien en toutes sortes de lieux, & que la Pompe & la Majesté peuuent estre quelquefois hors de leur place. C’est la Bien-seance qui place les choses, & qui donne rang au Bien mesme, qui peut estre mis en mauuais lieu. […] Ils sont fondateurs d’vn nouueau Siecle Heroïque ; Et au lieu que dans celuy de nostre Malherbe, tovs les metavx estoient or, tovtes les flevrs estoient roses , dans le leur tous les hommes sont Docteurs, toutes les femmes sçauantes. […] Ils donnent leurs opinions, leurs dogmes & leur genie à Chremes & à Micio ; au lieu qu’ils deuroient prendre les mœurs, les sentimens & l’esprit de Chremes & de Micio. […] Ils veulent instruire directement & sans artifice, par la voye commune des preceptes ; au lieu qu’ils deuroient instruire auec adresse, par le moyen de l’imitation.
Le theatre est en mesme temps vne boucherie, & vn lieu d’ordures ; & l’on esgorge des hommes en suitte des jeux & des passe-temps pour apprendre aux spectateurs, que le fruict qu’ils remporteront de céte veuë sera glorieux, s’ils y ont apris à estre tout ensemble voluptueüx & sanguinaires. […] Demandez-luy en-suitte le chemin qu’il a tenu pour arriuer au Spectacle, vous le verrés confus, & forcé d’auoüer que les lieux infames, la conuersation des femmes prostituées, la veuë des débauches publiques, & des nudités scãdaleuses, le deshonneur & l’infamie, & tout ce qui se peut imaginer de lascif & de plus honteux dans vne ville ? […] Est-ce estre Chrestien que de cherir des euenemens si impies & si contraires à son estat ; & peut-on douter qu’il ne fut assez impudent pour porter s’il pouuoit le Saint Esprit dans ces lieux de débauches & d’infamie, puisqu’à l’issuë de la Messe étant congedié auec les autres Chrestiens, selon la coustume de l’Eglise, & bruslant d’enuie d’estre vistement au theatre, il y porté le S. […] Dans ces lieux où les débauches fleurissent auec excés, quelle posture peut tenir vn Chrestien à qui les seules pensées du vice sont des crimes ; quelle satisfaction a t’il de voir l’impureté dans son throsne ; prend-il plaisir à voir tant d’objets & de marques d’infamie, pour estre puis après moins honteux & plus libertin ; & ne considere t’il point que pour auoir souuent veu faire le mal, on apprend à le faire aussi par coustume. Au moins les femmes que la misere du viure, & leur malheur reduisent à se prostituer, ont quelque espece d’hõnesteté dans vne extreme infamie ; leur abandonnement est en secret, leurs crimes sont voilez des tenebres, leurs corps se donnent aux débauches dans des lieux retirez : & bien qu’elles ayent vendu leur honte, & que leurs visages ayent quitté céte innocente pudeur qui leur estoit si auantageuse, elles rougissent à tous moments d’apprehension d’estre veuës.
Que n’avoit-on pas lieu de se promettre de ces heureux commencemens, si le Plan du Pere des Lettres eût été constamment suivi ? […] Il est vrai que vous avez changé le lieu de la scene ; que vous ne la mettez plus, comme autre-fois, dans une Place publique, ou dans le vestibule d’un Palais : vous avez trouvé plus commode de renfermer vos mysteres dans l’obscurité d’une chambre ou d’un cabinet. […] Pour trouver ce remede efficace, il faut imiter la conduite d’un Médecin courageux & prudent, qui remonte à la source du mal, & qui ne s’arrête point aux topiques lorsqu’il a quelque lieu de craindre les progrès de la maladie. […] L’expérience nous apprend qu’il est bien difficile, pour ne pas dire impossible, de corriger des hommes faits, & de changer entiérement des caracteres déja formés : au lieu que la jeunesse est une cire molle prête à prendre toutes les formes qu’on voudra lui donner. […] Les leçons qu’on y donneroit, outre l’importance des matieres, auroient encore cet avantage, qu’elles seroient naturellement à la portée de toutes sortes d’esprits : les autres Sciences exigent dans ceux qui s’y consacrent, des dispositions que la Nature n’a point données à tous les hommes en général, au lieu que la Science des mœurs est à la portée de tout le monde.
Saint Clément d’Alexandrie témoigne que le mélange des hommes et des femmes, qui ne viennent en ce lieu que pour s’entreregarder, et qui se parent à ce dessein, donne occasion à une infinité de péchés. […] n’ordonnait aux Juifs que la pureté extérieure du corps, au lieu que l’Evangile engage les Chrétiens à la pureté interieure de l’âme. […] Bien plus, il va même aux lieux où il espère de trouver ces filets tendus. […] Les Chrétiens ne doivent pas aimer un divertissement dont ils savent que le Diable est l’auteur, ni aller dans un lieu où Dieu est si offencé. […] Une femme qui aime son mari, irait-elle volontiers dans un lieu où elle prévoit qu’on lui fera des insultes et des outrages ?
Dominique, et vous verrez que l’esprit malin montrant à ce saint patriarche le lieu où ses religieux parlaient ensemble après le repas, lui dit en se vantant qu’il gagnait beaucoup en ce lieu-là.
L’absence t’embellit : combien de femmes ont dû la conquête d’un époux infidèle, à la nécessité de vivre quelque temps dans des lieux différens ! […] n’a-t-on pas lieu de présumer que les deux Théâtres des Acteurs-Citoyens, au moyen des Nouveautés continuelles, pourront facilement, toutes Dépenses supportées, laisser celle de plus de 500,000 livres, dont on disposera, soit pour des ouvrages qui contribueront à l’embellissement de la Ville ou à la commodité des Citoyens, soit pour des encouragemens à la campagne. […] Les Ouvriers qui buvaient le Dimanche, quelquefois le Lundi, & qui par-là se trouvaient hors d’état de travailler le Mardi, vont aujourd’hui à la Comédie : ils en retirent cet avantage, que lorsqu’ils buvaient, ils perdaient tout le jour ; au lieu qu’à présent, ils travaillent courageusement le matin, & ne donnent au Spectacle que quelques heures de l’après-midi ; temps le moins précieux, sur-tout en hiver, où l’on est obligé de se servir de chandelle.