Mais j’ai un concurrent à lui opposer qu’il ne jugerait pas indigne d’entrer en lice avec lui. […] Enfin j’ai ajouté certaines liaisons du discours, dont l’Anglais peut se passer, et que nous autres nous jugeons nécessaires.
La Religion Chrétienne a beau persuader la paix entre les peuples, la clémence au gouvernement, l’usage modéré des choses extérieures sans s’y corrompre ; le théâtre met au contraire le souverain bien de la vie, à s'élever sur les ruines des peuples, à remporter des victoires, sans avoir égard à la justice des armes, à juger des entreprises par l'evènement, à tenir les sceptres moins du Ciel que de l’audace et de la fortune. […] On doit juger le même des Romans qui rapportent les merveilleuses intentions de l’amour en ses recherches, ses combats, ses aventures qui renversent et puis rétablissent les espérances, par des rencontres prodigieuses qu’on ne peut lire sans admiration et sans plaisir.
Descartes les jugeait plus propres que nous à la Philosophie, et une Princesse malheureusex a été son plus illustre disciple. […] Au reste, c’est à vos compatriotes seuls à juger de ce qui peut en ce genre leur être utile ou nuisible. […] J’en dis autant des lois somptuaires, dont il est toujours facile de maintenir l’exécution dans un petit Etat : d’ailleurs la vanité même ne sera guère intéressée à les violer, parce qu’elles obligent également tous les Citoyens, et qu’à Genève les hommes ne sont jugés ni par les richesses, ni par les habits. […] Je serais très affligé du soupçon d’avoir « violé leur secret » ab ; surtout si ce soupçon venait de votre part ; permettez-moi de vous faire remarquer que l’énumération des moyens par lesquels vous supposez que j’ai pu juger de leur doctrine, n’est pas complète. […] Ces sentiments sont d’ailleurs une suite nécessaire des principes de la Religion Protestante ; et si vos Ministres ne jugent pas à propos de les adopter ou de les avouer aujourd’hui, la logique que je leur connais doit naturellement les y conduire, ou les laissera à moitié chemin.
A Monseigneur le duc de Nemours Monsieur, Encore que ce petit discours ne soit digne de la grandeur de votre esprit, j’ai cru que vous me feriez l’honneur de l’accepter, non tant pour vous satisfaire, que pour honorer ma nécessité, qui espère que vous estimerez l’effet pour le mérite de la cause, et un pauvre don d’un riche désir : le mien n’a rien de plus cher que le respect qu’il rend en affection à vos perfections, Monsieur, qui enrichissent le monde, remplissent les âmes d’admiration, l’univers de gloire, et cette grande Princesse (vive image de la vertu de nos antiques Rois) de contentement, voyant plus louer la personne que le Prince, parce qu’il est aussi grand de mérite que de nom, en l’un la pensée manque, en l’autre la voix se perd : Et pour ne perdre cette petite œuvre, j’ai pris la hardiesse de l’appuyer du vôtre, Monsieur, jugeant qu’il n’aura faveur ni lumière que celle qu’il tirera de vous, qui portez en terre les grâces du Ciel où il éclairera ses ténèbres : Et parce qu’en l’entreprise glorieuse la faute est digne de pardon, j’ai cru que vous y serez aussi prompt, Monsieur, comme je vous ai vu libéral aux louanges de l’esprit de la Signore Isabelle, dont les Comédies se peuvent maintenir, puisque vous les avez jugées, Monsieur, un plaisir semblable aux repos des Avettes, où il n’y a souillure, pollution, ni amertume : la crainte que mes paroles en apportent aux douceurs de vos Muses, me fera finir, et en toute l’humilité que je puis, vous baiser les mains, et supplier me permettre la gloire de me qualifier, Monsieur, Votre très humble, très obéissante, et très fidèle servante.
Il est vrai que les mouvements les plus extravagants, et les plus visiblement opposés à la vertu Chrétienne, se trouvent dans cette sorte de danses, qu’on appelle ordinairement des ballets, et qui se font par les rues et dans les places ; mais cela n’empêche pas que l’immodestie, et le désordre que l’on remarque dans les bals et dans les danses ordinaires touchant la seule composition du corps, ne soit un fondement raisonnable de juger que l’on ne peut y assister, et y prendre part sans péché mortel.
Des personnes de piété et de savoir qui sont en charge dans l’Eglise, et qui connaissent les dispositions des gens du monde ont jugé qu’il serait bon d’opposer à une dissertation qui se faisait lire par sa brièveté, des réflexions courtes, mais pleines des grands principes de la religion : par leur conseil, je laisse partir cet écrit pour s’aller joindre aux autres discours qui ont déjà paru sur ce sujet.
Par tous ces principes des saints pères, sans examiner le degré de mal qu’il y a dans la comédie, ce qui dépend des circonstances particulières, on voit qu’il la faut ranger parmi les choses les plus dangereuses ; et en particulier on peut juger si les pères ou les saints docteurs qui les ont suivis, et Saint Thomas comme les autres, avec les règles sévères qu’on vient d’entendre de leur bouche, auraient pu souffrir les bouffonneries de nos théâtres, ni qu’un chrétien y fît le ridicule personnage de plaisant.
Car si la dissipation des biens du monde et de l'or terrestre, par le jeu et par le luxe n'est pas un petit péché, que doit-on juger de la dissipation des biens de la grâce, et de cet or enflammé dont parle l'Écriture, que nous devrions acheter par la perte de tous les biens et de tous les plaisirs de la vie ?
Car si la dissipation des biens du monde et de l'or terrestre, par le jeu et par le luxe, n'est pas un petit péché; que doit-on juger de la dissipation des biens de la grâce, et de cet or enflammé dont parle l'Ecriture, que nous devrions acheter par la perte de tous les biens et de tous les plaisirs de la vie ?