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380. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 10 « Réflexions sur le théâtre, vol 10 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE DIXIEME. — CHAPITRE III. Extrait de quelques Livres.  » pp. 72-105

Je ne voudrois pas même qu’on fit parler un payen contre la religion qu’il professe, quoique fausse ; c’est un ait de blasphême, une sorte de scandale, qui peu à peu apprend à se jouer de toute sorte de religion. […] Mirez-vous, passez la main sur votre grecque, si votre main y peut atteindre, jouez avec les berloques de votre montre, rajustez votre jabot de point, & votre gros bouquet sifflez un air de Tom Jones, du Déserteur, de l’Amoureux de quinze ans, (Comédies,) decidez en dernier ressort sur le tâlent des Poëtes, & des Musiciens qui vous ravissent ou vous excedent ; passez en revue les acteurs & les actrices de tous les théatres, mais laissez Perse faute des nœuds ou des pompons, brodes au tembour, parfilés : persiffles, extasiez-vous devant Madame la Comtesse Falion, Vercingentorix, le bassa bilboquet ; débitez-nous des charades, des calambours, des rebus ; jasez de votre désobligeante, de votre cul de singe, de votre vis-à-vis, de votre diable, des moustaches de votre cocher, qui mene à l’Italienne, de vos courtes queues, de votre épagneuil, du vauxhall ; dites tout ce qui vous passera par la tête ; mais laissez-là Perse & son traducteur ; le premier vous présenteroit un miroir trop fidele, qui vous ferait rougir, si vous saviez rougir à propos ; le second ne vous offrira aucune phrase dont vous puissiez enrichir votre jargon maniéré ; nulle expression du jour, pas l’ombre du style à la mode, il est partout d’un maussade assommant, d’un raboteux incroyable, d’une rudesse indicible. […] De qui se joue-t-on d’avantage des dieux que l’on rend auteurs des forfaits ; de la réligion qu’on fait servir à les autoriser ; d’un peuple sanguinaire qu’on amuse par des horreurs d’une foule d’amateurs imbéciles ?

381. (1757) Article dixiéme. Sur les Spectacles [Dictionnaire apostolique] « Article dixiéme. Sur les Spectacles. » pp. 584-662

Aussi que fait un acteur lorsqu’il veut jouer véritablement une passion, que de rappeller, autant qu’il peut, celles qu’il a ressenties ? […] un Magistrat souffriroit sans péché qu’on joue des comédies scandaleuses, il souffriroit que la pudeur, que la piété, que la charité, que les autres vertus fussent bafouées sur un théâtre & traduites en ridicules ? […] N’est ce pas là en un mot que le cœur se voyant lui-même dans celui qui paroît épris d’un objet séduisant, devient aussi-tôt un acteur secret, qui tandis qu’on joue une passion feinte, en éprouve lui-même une véritable ? […] Dites plutôt que c’est se jouer de la sainteté de la Réligion, & désavouer les promesses de son Baptême : dites avec Salvien, que c’est avouer tout haut qu’on veut rentrer sous l’empire du démon & se rendre à lui tout entier. […] Quel est encore l’objet de ceux qui le représentent, & quelles peines, quels soins ne se donnent-ils pas pour jouer au naturel le jeu des passions ?

382. (1751) Nouvelles observations pp. 393-429

Quichotte, qui rend mal de fort bonnes pensées ; mais les Auteurs n’ont eu assurément en cela aucune idée de jouer le Ciel. […] Que ses actions, & les Piéces dans lesquelles il joue, soient suivant les bonnes mœurs. 2°. 

383. (1758) Réponse pour M. le Chevalier de ***, à la lettre de M. des P. de B. sur les spectacles [Essais sur divers sujets par M. de C***] « Réponse pour M. le Chevalier de***, A la lettre de M. des P. de B. sur les spectacles. » pp. 128-142

L’amour, cet ennemi redoutable, à qui vous avez déclaré la guerre, y joue presque toujours le rôle principal ; mais ou il est innocent, comme dans Mithridate, Iphigénie, Inès, Didon, Pénélope, Héraclius, & tant d’autres, & pour lors il n’est point à craindre ; ou il est criminel, comme l’amour de Varus, pour Marianne ; de Phèdre, pour Hyppolite ; d’Œdipe, pour Jocaste ; alors, loin d’être peint avec ce coloris qui fait chérir la vertu, il paroît dans toute sa noirceur : Varus le déteste & en triomphe : Phèdre succombe après avoir longtemps combattu ; mais, loin de se glorifier de sa défaite, elle trouve le poison trop lent pour se délivrer d’une vie qu’elle a souillée par les plus noirs forfaits : enfin, Œdipe se prive pour jamais du jour, dès qu’il trouve une mère dans une épouse tendrement aimée.

384. (1744) Dissertation épistolaire sur la Comedie « Dissertation Epistolaire sur la Comedie. — Reponse à la Lettre d’une Dame de la Ville de *** au sujet de la Comedie. » pp. 6-15

Les autres vous diront peutêtre, que les spectacles modernes ne sont pas si infames & si libertins comme du tems de ces saints Oracles de l’Eglise ; ou que les piéces, qu’on joue au Theatre, n’ont rien de cette indecence, qu’elles avoient autrefois.

385. (1664) Traité contre les danses et les comédies « INSTRUCTION, et avis charitable sur le sujet des Danses. » pp. 177-198

Dieu parlant aux filles de Jérusalem par le Prophète Ezechiel, dit : « Pource quej tu as joué des mains et des pieds, que tu as dissipé ton cœur pour ce sujet, i’étendrai ma main dessus toi, et te ferai mourir. » cap. 25.

386. (1752) Lettre à Racine « Lettre à Racine —  LETTRE A M. RACINE, Sur le Théatre en général, & sur les Tragédies de son Père en particulier. » pp. 1-75

Une jeune personne est encore toute attendrie de la mort de Polyeucte, toute édifiée de la vertu de Pauline : le Théatre change ; on joue l’Ecole des Maris. […] Les Violons jouent : George Dandin paroît ; & dans le même lieu où étoit le Temple de Jérusalem, je vois le rendez-vous nocturne d’un jeune homme avec une femme mariée, & le pauvre M. […] Je rougis pour lui du personnage qu’il fait jouer à Ephestion. […] Eriphile joue un personnage odieux, mais savamment imaginé pour amener un dénouement aussi heureux qu’inattendu.

387. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 10 « Réflexions sur le théâtre, vol 10 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE DIXIEME. — CHAPITRE PREMIER. Peinture & Sculpture. » pp. 4-40

Qu’on n’aille pas bien loin chercher ce modele, il suffit d’aller dans leur loge, quand elles sont à la toilette, & se préparent à jouer leur rôle ; sans s’embarrasser de ce qui voltige autour d’elles, leur immodestie leve sans façon tous les obstacles, & met dans tout leur jour, sous les yeux de l’artiste, les chefs-d’œuvres de la nature. […] Ce Seigneur ne vouloit pas qu’on jouât des comédies dans son hôtel ; elle appuyoit ses plaintes sur l’exemple du Cardinal Mazarin, qui en avoit fait représenter avec magnificence. […] Ces folies sont communes sur le théatre, dans les scenes, si fréquentes qu’elles sont usées, où des portraits jouent un grand rôle, font quelquefois l’intrigue & le dénouement ; on leur adresse les discours les plus tendres, les louanges les plus flatteuses, les propos les plus passionnés.

388. (1675) Entretien sur les tragédies de ce temps pp. 1-152

Il me semble néanmoins que l’amour joue dans la pièce dont vous parlez ; Eriphile, Achille, et Iphigénie même m’ont paru des personnages fort amoureux. […] Un spectacle de cette sorte serait fort en danger d’avoir le même destin que cette Tragédie dont vous avez ouï parler, qui ne put jamais être jouée tout entière, parce que ceux qui étaient venus pour la voir, sortirent au troisième Acteam. […] J’ai de la peine à croire que leur Iphigénie soit jouée durant trois mois comme celle que nous avons vue.

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